Dans le cadre de la lutte contre corruption et la délinquance financière, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III, Mamoudou Kassogué, a donné le ton avec la détention préventive du président de l’APCAM, Bakary Togola, à la Maison centrale d’arrêt de Bamako. C’était dans l’après-midi du vendredi 13 septembre. Le lendemain, il a rencontré la presse pour lire une déclaration, qui explique le bien fondé de sa décision : 9, 5 milliards manquent à l’appel.
Soixante douze heures après, le même procureur rend public un communiqué, intitulé : « Appel à témoins ». Ainsi, il « rappelle à l’opinion publique nationale et internationale que des enquêtes sont en cours au niveau de son Parquet sur l’affaire dite des avions cloués au sol ». Ensuite, il invite « toutes personnes dépositaires d’informations et/ou de documents relatifs à la dite affaire, à bien vouloir les porter à sa connaissance et/ou à les mettre à sa disposition, y compris sous anonymat.
Enfin, il formule la même demande concernant toutes les autres enquêtes en cours au niveau du Pôle économique et financier de Bamako.
Cette méthode, une première, nous amène à poser des questions : sur quels éléments a-t-il ouvert l’enquête ? A-t-il été bloqué dans les investigations par une quelconque autorité ? Est-il confronté à un déficit de preuves ? Ou encore, les éléments mis à sa disposition ne permettent pas de conclure à une malversation ? Cherche t-il, vaille que vaille, un bouc-émissaire ?
En tout cas, le Procureur a montré suffisamment du courage en enclenchant cette lutte. Le courage doit être dans les deux sens : à charge et à décharge. Qu’il s’assume dans l’un ou l’autre sens.
Aucune structure ne doit refuser de lui remettre des documents auxquels il a droit pour les besoins de l’enquête. Si le Procureur, très puissant, n’a pu obtenir des documents ou preuves au niveau des différents services de l’armée, il lui sera difficile de l’obtenir à travers des tierces personnes. Au regard du contexte sulfureux, la délation prendra le dessus sur l’objectivité.
On est légitimement fondé à se demander également si le Procureur, Mamoudou Kassogué, n’entend pas contourner le «secret défense » ? Il est fort possible qu’au niveau des services de l’armée, on lui cache des infos et documents en raison du sceau de la confidentialité. En effet, l’annexe du décret N°2014 0764/P-RM du 9 octobre 2014 exclut du champ d’application du décret N°08-485/P- RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et délégations de service public, une longue liste des matériels, équipements et produits militaires.
Cette exclusion concerne, entre autres, les avions, les hélicoptères et véhicules aériens même à usage militaire. En s’engouffrant dans cette voie, le ministre concerné au moment des faits (un des deux Coulibaly) et ceux qui sont impliqués dans le processus d’achat, pourraient bien s’abriter derrière ce décret.
Dura lex sed lex (la loi est dure, mais c’est la loi). On répète à longueur de journée que nul n’est au dessus de la loi. Le Procureur le sait mieux que nous tous. C’est dire que lui- même n’est pas au dessus de la loi. Cependant, il pourrait user des artifices pour trouver ce qu’il cherche. Manifestement, il n’a pas, pour l’instant, d’éléments évidents de malversation concernant l’affaire dite « avions cloués au sol ». D’où son appel à témoins pour asseoir l’accusation.
Pour les autres dossiers, il dit que le même appel est valable. Dans ce cas là, le Procureur doit rendre publiques les enquêtes sur lesquelles il travaille, afin que des véritables témoins, patriotes, pas des délateurs, puissent lui apporter des documents, compléments d’informations ou tout autre support nécessaire, susceptible de faire avancer les investigations. A suivre
El hadj Chahana Takiou