Après trois jours de détention, le régisseur de la Maison centrale d’arrêt a été remis en liberté par le Pole économique et financier. Son séjour au Camp 1 de la Gendarmerie nationale faisait suite à l’évasion spectaculaire de 23 détenus ayant détalé avec Ag Wadoussène, un dangereux terroriste qui compte à son actif le rapt du duo de coopérants français Philippe Verdon et Pierre Lazarévitch.
Le régisseur Abdoulaye Idrissa Maïga, interpellé et gardé à vue dans la foulée de la mutinerie orchestrée par Ag Wadoussène, a bénéficié d’une liberté sans condition jeudi denier. Pendant ce temps, une menace de grève des geôliers planait dans l’air. En clair, de source proche du dossier, les gardiens de la prison de Bamako, qui avait auparavant protesté à la visite du Garde des Sceaux sur les lieux, ont en outre conditionné la poursuite du travail à la libération illico presto de leur collaborateur. Leur pression a-t-elle joué dans l’élargissement du commandant Abdoulaye Idrissa Maïga ? De sources judiciaires, en tout cas, le juge en charge de son interrogatoire, n’ayant pu retenir aucune preuve solide contre le régisseur, a préféré le remettre en liberté sans condition. Surtout qu’il serait reprochable à la Gendarmerie nationale d’avoir procédé à son arrestation sans le moindre égard pour la procédure applicable en la matière. Il s’agit des gendarmes de la Brigade territoriale. Au motif de clarifier le cas de détenus blessés pendant la mutinerie, ils ont fini par lui signifier, selon nos confidences, qu’il est en état d’arrestation sur ordre du ministre de la sécurité et non d’une autorité judiciaire quelconque.
Sollicitée auparavant pour prêter main-forte contre les mutins, la même unité de gendarmerie avait pourtant catégoriquement refusé de venir en aide aux geôliers, lesquels se plaignaient de ne pas disposer des armes appropriées à la situation. La Brigade Territoriale, nous a-t-on confié, a prétexté à son tour n’avoir reçu l’ordre d’aucune autorité pour intervenir auprès de leurs voisins de la Prison centrale par solidarité de corps.
Autre fait intrigant : il semble les services de sécurité étaient au courant de l’opération jusque dans les détails près, mais ni le Régisseur ni les autres services judiciaires compétentes n’ont été associés à la menace. Il nous revient, du reste, que le Commandant Abdoulaye Idrissa Maïga dément catégoriquement avoir été informé de ce qui se mijotait.
En définitive, si l’évasion de lundi dernier n’est pas imputable à l’administration pénitentiaire, c’est que le mystère reste entier sur les circonstances d’un événement d’autant plus spectaculaire qu’il continue d’alimenter la polémique et de susciter les supputations.
Pour sûr, les observateurs écartent toute hypothèse d’une évasion spontanée et privilégient tous la piste d’une opération orchestrée de l’extérieur. Ce qui amène naturellement à s’interroger sur les créneaux par lesquels un redoutable terroriste comme Ag Wadossène est passé pour réussir son coup dans un Etat organisé.
Par ailleurs, à en juger par une inertie évidente dans l’activation des recherches par les autorités policières, on est autorisé à penser que l’intéressé a probablement déjà franchi les frontières maliennes sous une nouvelle identité puisqu’il détient une pièce dûment établi par les mêmes autorités à Zégoua.
Doit-on en déduire une évasion plutôt liée à un quelconque intérêt supranational ? En tout cas, la cabale du ravisseur de Lazaréivitch et de Verdon n’est pas en train d’être gérée avec moins de mollesse du côté malien que d’indifférence suspecte de la part des Français, tout aussi intéressé par l’affaire.
Autrement dit, le silence de l’Etat français et le manque d’entrain des autorités maliennes laissent entrevoir une évasion probablement négociée, afin d’obtenir la libération de Lazarévich, l’otage encore vivant, soit contre les dizaines d’éléments de l’armée malienne faits prisonniers pendant l’épisode de Kidal, soit les deux à la fois.
Pour ce qui est de la seconde hypothèse, les groupes armés – qui coalisent visiblement avec des Djihadistes – n’ont jamais fait mystère de leur intention de conditionner la libération des prisonniers maliens à celles de leurs éléments détenus dans les prisons maliens.
Les évasions arrangées seraient-elles alors devenues l’alternative aux mises en liberté mitigées ? La dernière mesure du genre en date remonte au début du mandat d’IBK, avec la l’élargissement sans procédure judiciaire d’éléments rebelles, qui a provoqué l’indignation de la famille judiciaire. Lorsque sous ATT les procédures et formes avaient été respectées, les pays voisins avaient également protesté allant jusqu’à rappeler leurs ambassadeurs respectifs.
A. Kéita
SOURCE: Le Témoin