Au moment où les avocats de la défense attendaient la signature pour annuler les mandats de dépôt délivrés par le juge d’instruction du tribunal de la commune III et ordonner la mise en liberté de tous les inculpés dans l’affaire de « déstabilisation de la transition », conformément au constat de deux avocats généraux, le procureur général saisit la Cour suprême.
Si cette initiative fait partie du droit du parquet, Me Kassoum Tapo regrette, au contraire, que ce pourvoi du procureur général impacte sur la procédure judiciaire en cours.
Selon lui, lorsque la procédure, elle-même, est mise en cause dans une affaire, comme c’est le cas dans cette affaire où la chambre d’accusation a demandé, en plus de la procédure, l’annulation des mandats de dépôt, le pourvoi du procureur général ne peut pas faire survivre la procédure.
Contrairement à la « judiciarisation » que pense faire le ministre de la justice dans cette affaire, il est en train de faire un « blanchiment de procédure » selon Me Kassoum Tapo.
L’avocat de Dr Boubou Cissé et coaccusés a indiqué le procureur général a reçu des consignes du ministre de la justice.
D’habitude respectueux aux aspects juridiques du dossier, Me Tapo ne s’est pas empêché de se prononcer, cette fois-ci, sur l’implication du ministre de la justice dans affaire l’affaire de « déstabilisation de la transition ». « Je m’en tiens aux aspects juridiques du dossier, mais là, on est en train de glisser sur un terrain extrêmement dangereux » a souligné l’ancien ministre de la Justice et des Droits de l’Homme. Très en colère, Me Tapo accuse le ministre Dicko d’être « en train de jouer un double jeu ».
Il a regretté le fait que le ministre de la justice ait toujours rassuré qu’il respectait les procédures et qu’il ne s’interférait pas dans les décisions de justice. « Il aime rappeler qu’il avait roué dans les brancards avec un ministre et que ça lui a value sa démission. Aujourd’hui c’est lui qui donne des instructions pour faire un pourvoi contre un arrêt de la chambre d’accusation » a-t-il déploré, avant d’indiquer que « ça suffit, il faut qu’on se dévoile ».
Aux dires Me Tapo, la chambre d’accusation a les compétences pour annuler la procédure quand l’avocat général indique la nullité de la procédure dans une affaire. « Il ne faut pas être plus royaliste que le roi » a-t-il indiqué avant de rappeler que par deux fois, il a été dit par la Cour d’annuler cette procédure.
En effet, après le rabattu du délibéré par la Cour, l’avocat général Bandiougou Diawara qui a remplacé Nampé dans la nouvelle composition a également plaidé pour la nullité de la procédure. Il a signalé une « nullité Absolue » concernant l’incompétence du juge d’instruction, du procureur de la commune III etc.
Mais en plus de ces motifs de l’avocat général, Me Kassoum Tapo a évoqué d’autres motifs de nullité. Selon lui, en matière de complot contre le gouvernement, d’atteinte à la sureté de l’État, lorsqu’un ministre en exercice est soupçonné et susceptible d’être poursuivi, le dossier est transmis au procureur général de la cour suprême qui doit saisir la haute cour de justice, « l’article 613 du code de procédure pénale ».
Et la loi sur la haute cour de justice reprend textuellement, selon lui, les dispositions de l’article 613 en disant que lorsqu’un ministre est impliqué dans un complot contre la sureté de l’État, « lui et ses complices éventuels, le dossier est transmis par le procureur général près la cour suprême au président de l’assemblée nationale qui va saisir la haute cour de justice ».
A en croire Me Tapo, « dans cette affaire, en raison de la qualité du ministre impliqué, Sékou Traoré qui était ministre secrétaire général de la présidence, le dossier aurait dû purement et simplement être acheminé jusqu’à l’assemblée nationale ».
Donc au lieu d’envoyer l’ensemble dossier selon lui, « le procureur de la r-République a scindé la procédure en mettant celle de Sékou de côté », en précisant qu’il n’a pas aussi demandé de saisir la haute Cour de justice, mais la Chambre criminelle.
Selon lui, la loi de 89 qui institut la direction générale de la sécurité d’état, (SE) est également un motif de nullité de la procédure.
Cette loi, dit-il, ne confère aucune mission d’interpellation à la SE encore moins une mission de détention. « Elle a uniquement la mission de renseignement et lorsqu’elle a des renseignements concernant une tentative de coup d’Etat, elle doit saisir le Procureur. Elle ne peut pas arrêter les gens, ficeler un dossier et appeler le Procureur comme son élève pour lui dire de poursuivre des gens » a-t-il précisé.
Par ailleurs, Me Kassoum Tapo a indiqué que le procureur général est en train de faire « une séquestration, une détention arbitraire » de Ras Bath et co-accusés. Et il menace même de porter plainte contre ce dernier s’il continue dans sa démarche actuelle.
Issa Djiguiba
Source: Journal le Pays- Mali