Ca y est ! La 1ère Chambre de la Cour Commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), dans son audience publique du 03 Juin 2021 a rendu son arrêt (N° 115/2021) sur «l’affaire Société Ivoirienne de Concept et de Gestion (SICG) contre la Banque Malienne de Solidarité (BMS-SA)». Elle a tout bonnement Cassé et annulé l’arrêt attaqué rendu par la Cour d’Appel de Bamako, condamné la BMS S.A et remis du coup la SICG dans ses droits. Ledit arrêt est exécutoire et notification en a été faite à la BMS et à la CEDEAO.
Comprendre les faits
L’ex-BHM n’étant nullement une administration centrale, elle n’était par conséquent habilitée à établir des états de créances valant titres exécutoires. Et ce n’est pas la seule leçon qu’on retiendra de la Loi Privilège (Loi N°08-005 du 8 Février 2008) visiblement violée dans sa lettre et dans son esprit par les auteurs de cette mascarade ressemblant à tous points de vue à une arnaque bancaire.
C’est bien cette disposition (Loi N°08-005 du 8 Février 2008) appelée «Loi Privilège» qui a servi de support, voire de prétexte et de couverture à ceux de la BMS pour s’empêcher de justifier le passif sulfureux de plus de 67 milliards F CFA de l’établissement bancaire. En somme, ces illuminés de la BMS n’ont montré la moindre preuve de l’endettement de ses clients. Non plus le décret attestant de son statut d’Administration Centrale lui accordant les privilèges cités plus haut.
C’est donc à la surprise générale que, nonobstant ces carences, la Cour d’appel de Bamako déclarait, le 11 février 2009, les états de créances de la BHM conformes à la «Loi privilège» en question. Incroyable mais vrai !
Fort heureusement ! Des hommes bien pensants et surtout soucieux d’une bonne distribution de la justice, s’appliqueront à redresser ce tort.
Le 15 mars 2015 en effet, la Cour Suprême du Mali, dans son arrêt N° 73, déclara sans ambages que l’ex-BHM a abusé de la Loi dont elle se prévaut (Loi Privilège» et n’a effectivement pas apporté la preuve de l’endettement de ses clients. Et qu’il y a lieu, par conséquent, d’annuler les états de créances établis par l’ex-BHM pour excès de pouvoir.
Cette décision de justice de la plus haute juridiction du pays rejoignait ainsi celle du Tribunal de commerce du 17 juillet 2008.
Ce jour-ci, le juge THERA, alors président du Tribunal de commerce, par Ordonnance N°96, a dit la reddition des comptes incontournable pour la détermination des soldes entre SICG-Mali et l’ex-BHM devenue BMS. Limpide !
Mais la BMS pouvait-elle à elle-seule mener une telle arnaque et ainsi emballer tous les acteurs ? Que nenni ! Il lui fallait des complices bien introduits au sein des structures et instances de contrôle, en l’occurrence au niveau du Contentieux de l’Etat, de la justice et de la commission bancaire.
Tenez : la BCEAO a accepté tous les états financiers de l’ex-BHM sans se poser des questions et sans demander la moindre justification, en l’occurrence celles portant sur les engagements (prêts). Pour autant, il existe-là un bureau recevant lesdits engagements dans les 48 heures qui suivent leurs émissions. Le contrôle ne s’arrête pas là ! Au niveau de la BCEAO, un inspecteur vérifie la réalité desdits engagements : sont-ils ou non fictifs ?
Mais de toute évidence, aucune de ces mesures correctives et de vérification n’a fonctionné. On sait désormais pourquoi !
Le complot
Peut-on croire que tout cela est du fait du hasard ? Avec le recul, l’on se rend compte que le coup a été minutieusement préparé et mis œuvre. De toute évidence, pour cause de mauvaise gestion, la BHM avait cumulé un passif pour le moins sulfureux qu’elle ne parvenait plus à supporter. Il fallait alors le filer à un autre établissement bancaire dans le dessein de se couvrir.
Le bouc-émissaire fut tout trouvé en la personne de la BMS S.A laquelle accepta en effet le deal et absorbe ainsi la BHM avec les bénédictions de son ex-PDG.
Il fallait ensuite maquiller l’opération, lui offrir un caractère légale à travers notamment la décision de la Cour d’Appel de Bamako et la caution silencieuse de la BCEAO et aussi, l’absence d’audit au niveau de la BMS avant l’opération de fusion-absorption de l’ex-BHM.
Il s’agit donc d’une arnaque et d’une fraude savamment préparées et mises en œuvre ayant suscité de graves préjudices chez les partenaires dont la Société ivoirienne de concept et de gestion (SICG-Mali).
L’Arrêt N° 115/2021 de la CCJA a aujourd’hui le mérite de remettre les pendules à l’heure. Et notification du verdict (exécutoire) a été faite à la fois à la BMS et à la CEDEAO. Signalons qu’au regard de son caractère supranational, l’Arrêt en question s’impose aux autorités maliennes, aux établissements banquiers et Institutions financières concernés. Et étant entendu que les autorités de la Transition malienne se sont engagées à respecter et faire respecter tous les accords et engagements internationaux…
A suivre
Sidiki Magassouba
Source: Echos Médias