Avec 93 voix pour, l’Assemblée nationale a adopté la nouvelle loi électorale, le jeudi dernier. L’opposition, par contre, avec deux voix contre et 18 abstentions, n’a pas accordé son quitus à ladite loi censée corriger pourtant des lacunes de l’ancien texte régissant le processus électoral.
En plus de marquer une étape importante dans l’organisation des élections de 2018, la nouvelle loi électorale apporte des nouveautés dans le processus électoral, en ce sens qu’elle réintroduit des cartes d’électeur avec photo pour faciliter la reconnaissance des votants, la limitation du phénomène des votes par procuration. Elle suspend également les votes par anticipation et fixe désormais un nombre minimum d’électeurs pour ouvrir un bureau de vote. La nouvelle loi détermine le délai de proclamation du référendum.
Les principaux griefs de l’opposition
À côté de ces innovations, les groupes parlementaires de l’opposition ont estimé que la nouvelle loi électorale souffre de beaucoup d’insuffisances et de confusions. Commune motifs de ne pas donner son accord à ladite loi, le Groupe parlementaire vigilance républicaine et démocratique (VRD) a formulé 16 amendements de modification de la mouture de la nouvelle loi qui ont presque été tous rejetés par le bloc de la majorité parlementaire estimant qu’ils ne sont pas pertinents. Les plus légitimes, indiquent-ils, sont déjà pris en compte dans la loi organique.
Parmi ses amendements, l’opposition a souhaité l’insertion d’un dernier paragraphe à l’article 14 pour permettre à la CENI, dans les 48 heures suivant la proclamation des résultats provisoires, de produire un rapport comportant les résultats complets de ses décomptes d’observation du scrutin.
Elle s’est opposée aussi à la distribution des cartes d’électeurs le jour du vote susceptible, estime-t-elle, de créer le cafouillage dans les centres et bureaux de vote. L’opposition a souhaité également la création d’un nouvel article dans la loi nouvelle consacrant l’organisation d’un débat contradictoire entre les candidats lors de la campagne électorale.
Selon Mody N’DIAYE, « le point sur lequel, le divorce est total, est relatif à l’article 211 de la loi nouvelle loi qui stipule : “En cas de non-disponibilité des cartes d’électeurs biométriques, pour cas de force majeure pour les élections générales de 2018, la carte NINA tiendra lieu d’unique carte d’électeur” ».
Pour l’honorable Mody N’DIAYE, la notion de « cas de force majeure » n’étant pas définie ; cet article « peut être susceptible à plusieurs interprétations ».
Sur ce sujet, rétorque le président de la Commission Lois à l’Assemblée nationale, Zoumana N’Tji DOUMBIA affirme « il n’est pas nécessaire de définir le “cas de force de majeure” dans la loi », avant de renvoyer son homologue N’DIAYE au lexique des termes juridiques. Selon le député DOUMBIA, « l’article est clair pour faire l’objet de beaucoup d’interprétations comme l’a souligné Mody N’DIAYE ».
L’honorable Amadou THIAM du groupe de l’opposition ADP-Mali/Sadi, a, de son côté, affirmé avoir compris, à travers l’article de 211, «l’imprécision du gouvernement d’aller avec la carte d’électeur biométrique et la carte NINA sur l’ensemble du territoire national ». À entendre l’honorable THIAM, il est allergique au vote par la carte NINA. Selon lui, elles doivent être purement et simplement écartées.
« Il est assez dangereux que les élections se tiennent avec la carte NINA. Cela entacherait la crédibilité et la transparence des élections. Il faut un instrument fiable à partir duquel les électeurs vont pouvoir voter », a déclaré le député de l’opposition, tout en rappelant la fameuse affaire de cartes NINA frauduleusement introduites dans le pays par le régime. Elles sont près 900 000 cartes NINA non valables qui circulent, évalue-t-il.
Selon le ministre de l’Administration, Mohamed Ag ERLAF, porteur de ce projet à l’Assemblée nationale, l’objectif n’est pas de faire de la carte NINA, la carte d’électeur pour les élections de 2018. Elle sera utilisée « exceptionnellement pour la présidentielle et dans les localités où les électeurs n’auront pas leur carte d’électeur biométrique à temps et pour des raisons qui ne dépendent pas de la volonté du gouvernement ».
« Mais dans une localité, il n’y aura pas à la fois la carte NINA et la carte d’électeur biométrique pour voter », a-t-il levé l’équivoque avant de soutenir que « les cartes NINA n’ont pas été confectionnées pour devenir des cartes d’électeurs ».
« Nous voulons que les Maliens aient la possibilité d’user de leur droit civique. C’est pourquoi nous avons opté pour cet article », a soutenu le ministre de l’Administration territoriale.
S’agissant de ces cartes d’électeurs biométriques, il a déclaré qu’elles seront disponibles à partir du 15 juin prochain. Une commission locale composée des acteurs politiques sera constituée pour la distribution de celles-ci, a-t-il annoncé.
Le paradoxe
Les critiques formulées par l’opposition ont été très mal appréciées par des députés de la Convention de la majorité présidentielle. Et pour cause ? Pour ces élus, leurs camarades de l’opposition jouent à la mauvaise foi dans l’organisation des prochaines élections. À l’inverse de la majorité présidentielle, l’opposition a participé à toutes les rencontres d’élaboration de la nouvelle loi électorale.
« L’opposition se discrédite par sa position de ne pas voter en faveur de la loi. Elle se discrédite par le fait qu’elle vient soulever des préoccupations autres que celles qu’elle avait évoquées lors des ateliers préparatoires. Je suis surpris des amendements de l’opposition qui n’ont été en aucun moment au cœur des débats de fond à l’atelier de validation de la nouvelle loi électorale », a déclaré l’honorable Mamadou DIARRASSOUBA.
Du moment où les groupes de l’opposition ont validé le projet de loi en le paraphant avec la NIMUSMA, le ministère de l’Administration, il ne sied plus à elle de refuser de voter ce même texte à l’Assemblée nationale, a-t-il soutenu.
« Je ne m’attendais pas à une contestation majeure entre les deux groupes après une série de rencontres autour du projet de la loi électorale », s’est exprimé M. DIARRASSOUBA avec désarroi.
L’honorable Moussa TIMBINE en pense de même. Selon lui, les députés de l’opposition essaient de faire du double jeu. Lors des rencontres, ils acceptent des choses pour faire le contraire à l’Assemblée nationale.
« S’il y a échec en ce moment, elle monte au créneau pour donner une raison au sens de leur vote », a-t-il insinué.
À sa suite, l’honorable SISSOKO, d’un ton plus agressif, affirme également : « les gens de l’opposition ne sont pas de bonne foi ».
Par Sikou BAH
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