Agacé, par les frasques du tout-puissant patron de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM), les autorités maliennes de la transition auraient décidé de faire entendre le président de la CCIM sur sa gestion du Fonds Covid-19 qui a porté sur plus de 10 milliards (10 942 500 000F) de francs CFA de marchés frauduleux au compte de l’institution consulaire du Mali. Pour cette raison, le boss de la CCIM, Youssouf Bathily et des cadres de la CCIM défilent devant le Pôle Économique et Financier. Du moins, si l’on en croit une source généralement bien informée.
On dit de Youssouf Bathily, plus ou moins ironiquement, qu’il est opportuniste, qu’il est riche et puissant. Très puissant. Trop puissant, au point de se comporter, sous nos cieux, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Pour cette raison, il n’a pas dérogé à la tradition, en attribuant 10,94 milliards FCFA de marchés frauduleux en 2020 pour l’acquisition, de masques de protection contre la Covid-19 dans le cadre de l’exécution du programme présidentiel « un malien, un masque ».
Face à l’opacité qui entoure la gestion des fonds Covid-19 au Mali, le Vérificateur général a adressé une dénonciation de faits au Pôle économique. Depuis, le Vérificateur est traité de tous les noms d’oiseau, de tous les péchés d’Israël.
Après la publication du rapport d’enquête sur la gestion du fonds covid-19 par CCIM, le tout-puissant président de l’Assemblée Consulaire du Mali a jeté le discrédit sur le rapport de cette structure de contrôle.
Surpris par sa réaction les autorités publiques ne sont pas restées bouche bée. Et le gouvernement de transition est déterminé à connaître la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Il veut savoir qui a fait quoi ? Qui n’a pas fait quoi ? Et qui a bouffé quoi ?
Bien plus, ils sont passés à la vitesse supérieure en confiant le dossier de la CCIM au Pôle économique…
Une colère de trop !
Du côté des autorités de transition au Mali, cette manne financière est considérée comme un détournement de trop. Après avoir eu échos de cette gestion pour le moins scabreuse, le gouvernement de la transition aurait, selon notre source, piqué une colère noire. «Trop c’est trop », aurait laissé entendre le Président de la transition.
La délinquance financière qui à cours à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) est sans appel : faux et usage de faux, manques à gagner pour l’État, non acquittement des droits d’enregistrement et de la redevance de régulation, corruption à ciel ouvert. Auxquels s’ajoutent, la surfacturation à la pelle, le vol et le détournement de fonds et le changement des règles de comptabilisation, d’année en année. Autant de pratiques qui selon le Vérificateur ont précipité la chambre consulaire du Mali dans l’abîme. Avec à la clé, des trous de caisse partout.
Les faits reprochés à la CCIM et à son président, Youssouf Bathily, sont intervenus en 2020 dans le cadre de la lutte enclenchée par les autorités maliennes contre la pandémie du coronavirus. Ainsi, au 31 décembre 2020, le Gouvernement, à travers la Paierie Générale du Trésor, a payé à 125 entités, une somme totale de 43,13 milliards FCFA (43 139 473 128F) sur un crédit alloué de 132,37 millards (132 372 298 618F). Sur ce montant, la bagatelle de 10,94 milliards FCFA (10 942 500 000F) a été confiée à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali pour l’acquisition de 20 Millions de masques de protection. Mais il ressort du rapport du Vérificateur Général que ce fonds n’a pas échappé l’appétit vorace du président de la CCIM et de ces sbires.
Violation flagrante du code des marchés publics sur fond de magouilles
En effet, le rapport du Bureau du Vérificateur Général révèle que la CCIM a violé certaines dispositions du code des Marchés Publics et des Délégations de Service Public comme l’article 82.1 du Décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, portant Code des Marchés Publics et des Délégations de Service Public qui dispose que « Les marchés publics, selon la qualité de l’autorité contractante, sont transmis à l’autorité d’approbation visée à l’article 21 du présent décret. L’autorité d’approbation a la responsabilité de faire approuver le marché dans le délai de validité des offres ».
Dans l’exécution des marchés des masques de protection, l’alinéa 2 de l’article 82.2 du même décret qui dispose que « les marchés qui n’ont pas été approuvés sont nuls et de nul effet », a également été violé. De même que les paragraphes 3 et 4 de l’article 4.6 de l’Arrêté n°2015-3721/MEFSG du 22 octobre 2015 fixant les modalités d’application du Décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant Code des Marchés Publics et des Délégations de Service Public qui stipulent que «lorsqu’il est déclaré attributaire provisoire, le candidat national doit produire des attestations prouvant qu’il est à jour du paiement des impôts, droits et taxes à caractère fiscal et parafiscal. Le candidat étranger, lorsqu’il est déclaré attributaire, est tenu de remplir les formalités d’immatriculation auprès des services fiscaux et parafiscaux. Il est en outre tenu de désigner un représentant au Mali ».
Afin de s’assurer de l’application des dispositions susvisées, l’équipe de vérification a examiné les contrats de marché par rapport au programme présidentiel « Un Malien – un masque » et a constaté que la CCIM a réceptionné des masques et payé des fournisseurs, sans avoir élaboré des contrats de marché au préalable.
Ainsi, les contrats des fournisseurs locaux ont été signés et approuvés après les livraisons et paiements de ces derniers. Dans une note explicative du 1er février 2021 adressée au Vérificateur Général, la CCIM affirme avoir finalisé, après les livraisons et paiements, des marchés attribués aux fournisseurs locaux conformément au Décret n°2020-0276/P-RM du 11 juin 2020 fixant le Régime des marchés publics relatifs aux mesures de prévention et de riposte contre la maladie à coronavirus. Toujours selon le rapport du Vérificateur, la CCIM en violation flagrante du code des Marchés Publics et Délégation de Service, a attribué six marchés à des sociétés Ivoirienne pour un montant total de 9,46 milliards FCFA (9 462 500 000F) soit 86% du montant total du programme présidentiel. Malheureusement, ces sociétés étrangères n’ont pas de représentants au Mali. Pire, après l’attribution des marchés, elles n’ont pas rempli les formalités d’immatriculation auprès des services fiscaux et parafiscaux du Mali.
Manque à gagner pour l’État
Dans le cadre de l’exécution du marché des masques de protection, le Président de la CCIM en la personne de M. Youssouf Bathily, a autorisé le paiement de marchés sans l’acquittement des droits d’enregistrement et de la redevance de régulation. Pourtant, l’article 357 de la Loi n°06- 67 du 29 décembre 2006 portant Code général des impôts dispose que « Les actes constatant les adjudications au rabais et marchés de toutes natures (travaux publics et immobiliers, prestations de services divers), qui ne contiennent ni vente ni promesse de livrer des marchandises, denrées ou autres objets mobiliers, sont assujettis à un droit de 3% ».
Aussi, l’article 2 du Décret n°09-687/P-RM du 29 décembre 2009, modifié, fixant les taux de la redevance de régulation des marchés publics et des délégations de service public, des produits des ventes des Dossiers d’appels d’offres (DAO) versés à l’autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public et des frais d’enregistrement des recours non juridictionnels dispose que « Les taux de la redevance de régulation sont fixés comme suit : 0,5% du montant hors taxes des marchés publics… »
Pour s’assurer du respect des dispositions susvisées, l’équipe de vérification a examiné des documents d’exécution et de paiement des marchés de fourniture de masques. Du coup, elle a constaté que les titulaires de 9 marchés de fourniture de masques n’ont pas payé les droits d’enregistrement et la redevance de régulation des marchés publics. Pourtant, ces différents marchés, conclus entre la CCIM et les fournisseurs nationaux et étrangers, ont été intégralement payés à la date du présent rapport de vérification.
Le coût de la convention signée est de 10,942 milliards FCFA pour l’acquisition de vingt millions de masques de protection sur lequel aucun droit d’enregistrement et de redevance n’a été perçu par l’État. Ainsi, l’équipe de vérification a valorisé les montants des droits d’enregistrement et de la redevance que les fournisseurs devraient payer au Trésor public à la somme de 378 millions de nos francs (378 087 500F).
Le Président de la CCIM et ses complices en taule position
La passation de ces marchés sur fond de magouille et de favoritisme ayant entraîné un manque à gagner pour l’État sert, aujourd’hui, de matière pour la Justice malienne, qui depuis un certain temps se trouve aux trousses des délinquants financiers. Face à la gravité de ces infractions, les commanditaires ou du moins M. Youssouf Bathily et ses complices, sont dans le viseur de la justice et ne resteront pas impunis.
C’est pour toutes ces raisons que les autorités maliennes ont décidé de tirer les choses au clair. D’où le lieu pour le Président de la CCIM, M. Youssouf Bathily et ses hommes de main de défiler au Pôle Économique et Financier pour s’expliquer sur la gestion faite de ces 10,942 milliards de Francs CFA. Décidemment, le patron de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali, est mal barré.
Avec la transition en cours, les autorités tentent de reprendre la main. Fermement. Surtout, dans la lutte contre la corruption. Du coup, c’est une panique générale généralisée. Surtout, au niveau du président de la CCIM et dans son entourage immédiat.
Réputés pour leurs casseroles, ces responsables de la CCIM sont soupçonnés d’avoir passé, à la fourchette plusieurs milliards de nos francs. Soit à travers la surfacturation. Soit à travers des marchés fictifs ou des marchés passés de gré à gré. Des pratiques, qui ont permis à des responsables de la CCIM de s’en mettre plein les poches. Des cadres et des membres consulaires qui ne détenaient pas « le sous » vaillant à leur arrivée au sein de la structure, se sont enrichis. Au point de s’octroyer, à prix d’or, des véhicules, des villas de luxe dans les quartiers huppés de la capitale ou à l’intérieur du pays. D’autres sont devenus « actionnaires majoritaires » dans des banques et des entreprises de la place…
Pour l’écrasante majorité de nos concitoyens, c’est au lendemain de son investiture pour un second mandat à la tête de la CCIM que Youssouf Bathily et sa bande auraient privilégié la délinquance financière.
Des années durant, le détournement impuni des fonds publics est devenu un sport favori au sein de la structure. Des années durant, les « saigneurs » de la représentation consulaire du Mali se la coulent douce. Au volant de luxueuses bagnoles ou à l’ombre des perruques et des châteaux bâtis sur des terrains arrachés aux pauvres ; des années durant, les caisses de l’État sont saignées à blanc par les « Bouffecrates » de la CCIM, réputés proches de l’ancien régime. Et en toute impunité.
Autant de faux pas, qui amène les autorités de la transition à voir clair dans la gestion de la CCIM. À travers cette mesure, indiquent notre source, le gouvernement veut donner un signal fort dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière.
Aujourd’hui, Youssouf Bathily est mal barré et sa poursuite de la présidence de la CCIM est à vau-l’eau. Au point d’être entre guillemets. Politiquement.
Déjà mis au parfum des charges contre lui au Pôle économique, le président de la CCIM et sa bande, multiplient les démarches nocturnes pour se garer des mouches.
Affaires à suivre et à poursuivre donc !
Cyrille Coulibaly
Source: Le Nouveau Réveil