La 1e visite d’Etat du président de la République du Mali en France n’en finit toujours pas de livrer tous ses secrets. Elle a même véritablement défrayé la chronique dans l’espace politico-médiatique, tant par ses succès palpables que par les surprises désagréables qu’elle ne cesse de produire. Parmi ces surprises nous pouvons citer entre autres la sortie inopportune du Chef de l’Etat à l’encontre de TiebIlé Dramé, mais aussi et surtout la présence des leaders religieux à l’accueil du Président de la République à l’aéroport de Bamako Senou. Se sont-ils trompés de cérémonie ? Pourquoi Mgr Jean Zerbo n’est-il pas comme son prédécesseur Feu Mgr Luc Sangaré ? Pourquoi Ousmane Madani Cherif Haidara est-il devenu différent de celui que nous avons connu sous Moussa Traoré ? Les religieux se trompent-ils finalement de « DIEU » et de religions ?
N’a-t-on pas coutume de dire que les autorités morales et religieuses sont les derniers remparts du Peuple face aux dérives des hommes politiques ? Elles doivent êtres les garants de la vérité, de la neutralité et de l’intégrité morale. Surtout, respecter la ligne rouge de démarcation entre la religion et la politique. Fort malheureusement les leaders religieux du Mali sont en passe de piétiner ces valeurs sacerdotales qui ont jusqu’ici permis au pays de ne pas sombrer, pendant les gravissimes crises qu’il a connues.
Parmi ces crises nous pouvons citer entre autres le coup d’Etat du 22 mars 2012, l’invasion islamique entrainant la grande insécurité. Les autorités religieuses avaient joué les premiers rôles pour une sortie honorable de crise. C’est surtout cela que le Peuple attend de ses leaders religieux. Leur présence à l’aéroport ressemblait à un soutien tacite au Président de la République contre l’autre pan de la société qui a pourtant besoin d’eux. Leurs forces résident dans leur neutralité. Cette visite d’Etat est loin d’être une cérémonie traditionnelle ouverte à tous les leaders de la société Civile.
Aller l’accueillir au bas de la passerelle à l’aéroport pour avoir obtenu des bailleurs de fonds des engagements à hauteur de 3 milliards d’Euros relève de la farce digne d’un Opéra de Paris. Et si les fruits ne tenaient pas la promesse des fleurs quelle image enverraient-ils à leurs fidèles ? Qui ne se rappelle pas le cas de Bruxelles où sur les 3 milliards d’Euros promis on est à plus de 85 % de décaissements dont la part du lion est revenue à la MINUSMA sans pour autant que le panier de la ménagère n’en ressente quelque chose. La neutralité des leaders religieux est un gage de stabilité pour la paix sociale. Les exemples ne manquent pas chez nous et autour de nous. Mgr Jean Zerbo ne pouvait-il pas s’inspirer de l’exemple de Feu Mgr Luc Sangaré, qui a eu le courage de dire la vérité à Moussa Traoré au sommet de son pouvoir dictatorial.
Quand celui-ci a voulu arbitrairement muter certains enseignants dont le seul tort fut d’observer à l’époque quelques heures de cessation de travail pour réclamer le paiement de plus de six mois d’arriérés de salaire. Que dire du charismatique guide spirituel d’Ançardine Cherif Ousmane Madani Haidara quand, contre toute attente, se rend à l’aéroport pour accueillir un succès politique ? il aurait été inspiré en prenant exemple sur l’Imam Mahmoud Dicko président du Haut Conseil Islamique qui a bâti sa réputation sous ATT sur son courage à dire à toutes occasions la vérité au Président de la République ? Qui ne se rappelle pas sa grande mobilisation au stade du 26 Mars pour dire « NON » à la dérive morale du régime au sujet du Code de la Famille ? Qui ne se rappelle pas l’alerte qu’il donna à ATT face à la crise au nord et sur la corruption particulièrement de la Justice et de l’Administration ? Celui qui fut hier comme le fidèle étendard de la branche religieuse islamique du Mouvement démocratique doit toujours rester aux côtés du Peuple pour dénoncer les dérives du pouvoir.
Tout près de nous au Burkina Faso, si le coup d’Etat du Général Gilbert Diendéré n’a pas tourné au bain de sang c’est grâce au charismatique chef traditionnel Mossi le Moro Naba et de l’Eglise Catholique qui ont pesé de tout leur poids pour éviter l’effusion de sang au Peuple Burkinabè. Ces autorités morales doivent leur respect à leur distanciation face à la gestion quotidienne du pouvoir. Galvauder l’image des chefs religieux par des sollicitations qui n’ont rien à voir avec leur chapelle est comme casser les ressorts moraux de notre société.
En Définitive, si dans l’Hexagone, la Révolution Française de 1789 a bien séparé l’Eglise de l’Etat c’est pour qu’on sait bien rendu compte que ce couple ne font pas bon ménage. Nos leaders religieux doivent comprendre que leur rôle n’est pas de se laisser convier autour de la table du prince du jour comme la société civile classique qui s’est laissé totalement inféodée à tous les régimes qui se sont succédé au point de rendre inaudible leur voix.
Youssouf Sissoko
Source: InfoSept