C’est une enquête du Spiegel qui risque de mettre certaines entreprises européennes dans une posture embarrassante. Le quotidien allemand a publié le 4 décembre de nouvelles informations sur la manière dont l’organisation Etat islamique (EI) parvient à se connecter à Internet, notamment pour diffuser sa propagande.
L’enquête, s’appuyant sur des sources militantes syriennes, affirme que les djihadistes de l’EI en Syrie et en Irak utilisent essentiellement des connexions par satellite. Celles-ci sont bien plus chères que des accès à Internet grand public, mais elles permettent de se connecter dans des régions dévastées par les conflits où les infrastructures de télécommunication ont été détruites. Des sources syriennes ont confirmé au Monde qu’à Rakka, capitale officieuse de l’EI, les satellites étaient le seul moyen d’accès à Internet.
Mais le Spiegel suggère également que les satellites utilisés par l’EI sont gérés par des opérateurs européens. Le quotidien allemand cite notamment le français Eutelsat, détenu pour partie (un quart du capital) par la Caisse des dépôts et consignations, une banque publique.
Sont également cités les opérateurs luxembourgeois SES et britannique Avanti. Ces entreprises affirment toutes ne pas être en contact avec les clients en bout de chaîne. Elles gèrent en effet les satellites, puis vendent les services et les capacités à des fournisseurs d’accès à Internet et à des distributeurs.
Selon le Spiegel, les djihadistes se fournissent à Antakya, en Turquie, pour acheter le matériel nécessaire pour se connecter à Internet par satellite, à savoir une antenne et un terminal. Eutelsat et SES ont tous deux confirmé avoirdes contacts commerciaux avec la Turquie.
Or, ces terminaux émettent des coordonnées GPS. Certains ont ainsi été localisés, en 2014 et 2015, en Syrie et en Irak, notamment dans des territoires sous contrôle de l’EI, selon des documents consultés par le Spiegel. Contactés par le Monde, SES et Eutelsat assurent n’avoir aucun client en Syrie ou en Irak.
Scan des terminaux
Théoriquement, serait-il possible d’acheter un terminal en Turquie, d’ouvrir un accès à Internet, puis de se déplacer en Syrie ou en Irak ? Oui, admet SES, dans la mesure où la zone est couverte par les satellites. Mais l’entreprise assure scanner régulièrement les zones contrôlées par l’EI et n’avoir rien détecté à ce jour. S’il était établi que les satellites de SES étaient utilisés dans ces zones, l’entreprise fait savoir que les accès seraient immédiatement coupés.
L’opérateur français Eutelsat indique que des coordonnées GPS lui sont bien remontées lors de l’activation d’un terminal, mais il dément que l’un d’eux ait pu être localisé lors de ce processus en Irak ou en Syrie. Cependant, l’entreprise n’a pas pu confirmer, au moment de la publication, qu’un scan des terminaux avait été fait afin de savoir si certains étaient actifs dans les territoires contrôlés par l’EI.
Avanti, en revanche, a refusé de commenter les informations du Spiegel, et se contente d’expliquer qu’« en tant que fournisseur de gros, et comme tous les opérateurs de satellites, Avanti ne conserve ni l’identité ni les informations de localisation précises des utilisateurs en bout de chaîne », précisant qu’Avanti ne signe des contrats « qu’avec des opérateurs officiels en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient ».
Les FAI qui sont, aujourd’hui encore, une des grandes inconnues de l’outillage numérique de l’organisation Etat islamique.
Source: lemonde.fr