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Abdoulaye Konaté, l’esprit des formes et des couleurs

Le grand artiste malien est l’invité d’AKAA, la foire d’art et de design qui met à l’honneur les talents du continent africain. Rencontre avec un sage.

u rez-de-chaussée de sa maison, dans le quartier ACI 2000 de Bamako, se trouve l’atelier d’Abdoulaye Konaté. Derrière la simplicité de l’homme, une star internationale de l’art contemporain. Il est célébré pour ses tableaux textiles , inspirés de formes traditionnelles que l’on trouve aussi bien dans l’artisanat touareg, les tentures de mariages peules… Ils naissent d’esquisses ou de croquis sur papier et se précisent à l’ordinateur avant d’être réalisés (principalement) avec le bazin, étoffe dont les Maliens aiment se parer les jours de cérémonie.

Toile. Pour découper et tisser les lames de tissu, l’artiste travaille à plat. Il compose, décompose, entouré au sol d’une équipe d’assistants. La toile s’étend sur un immense panneau. Elle rejoindra ensuite l’autre côté du fleuve Niger, où Abdoulaye Konaté a ouvert un showroom « pour pouvoir, avant une exposition, observer les œuvres d’un autre œil et reprendre un détail, ici où là ». Elle partira pour un musée, une galerie ou une fondation, de Milan à Dubai, de Kassel à Venise et de Londres à Paris, où l’artiste exposera (du 20 au 23 octobre) dans le cadre d’ AKAA , dont Le Point est partenaire. Quatre lettres pour Also Known as Africa, la foire d’art et de design dénicheuse de talents venus du continent africain et de ses diasporas, dont ce sera la septième édition.

Maître. L’artiste malien y est mis à l’honneur et l’on pourra y admirer aussi ses petits formats, destinés à des particuliers désireux de vivre avec les œuvres de celui à qui la biennale de Dakar, Dak’art, rendait hommage en tant que « maître ». « Je n’entends pas ce mot comme désignant une supériorité sur d’autres artistes, confie Konaté. Mais je l’accepte car j’ai toujours aimé l’idée d’enseigner. » Une activité à laquelle il s’est largement consacré, notamment à la tête du Conservatoire des arts et métiers multimédia de Bamako qui a formé tant de générations.

Abdoulaye Konaté est né en 1953 à Diré, dans le nord du Mali, où les paysages du Sahel d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux de son enfance. « Le lac Figuibine, près duquel j’ai grandi, était l’un des plus grands du pays, la nature était verdoyante (un vert qui n’était pas celui de Bamako, certes), et l’on vivait entouré de plein d’animaux. Dans les années 1970, les sécheresses successives ont fait des victimes humaines et animales, parmi le bétail… Et le lac n’existe plus. »

Beauté et tragédie. L’une des premières grandes installations de Konaté représente ainsi les terres desséchées d’une région qui a connu des rébellions de Touaregs. « Et maintenant, poursuit l’artiste, on dirait que le djihadisme qui envahit le monde s’est donné rendez-vous dans le Sahel. » Beauté et tragédie : tout cela se lit dans les formes, motifs et couleurs de l’œuvre de Konaté, qui a trouvé son expression au début des années 1990 dans le textile. Elle ne se résume pas à la dénonciation des fléaux de ce monde.

Cultures. Ses recherches formelles et cette impressionnante gamme de couleurs servent son désir de faire se rencontrer les cultures le plus universellement possible. « J’essaie de trouver des éléments communs, des formes primaires communes aux différents continents. Par exemple, le losange, qui est important dans la culture touarègue , me renvoie aussi bien à la géométrie qu’à des constantes dans les cultures anciennes des Indiens, des Chinois. » Le Mali et le monde… Au pays où les teinturières sont des reines, Konaté dépasse les « anciennes théories de la couleur » par l’observation patiente des insectes ou des plantes. Sur une toile, une foultitude d’espèces de poissons se côtoient. Ailleurs, des papillons qui lui inspirent une série, ou encore la pintade, animal de choix dans la tradition orale malienne, dont le plumage « interprété » par Konaté semble sublimé par les nuances de bleu et de gris.

Bleu. L’homme n’est pas touareg, mais sa proximité avec cette culture l’a fait naviguer dans le bleu caractéristique du vêtement. « Paradoxalement, dans l’artisanat touareg, on trouve des verts et des rouges, mais pas de bleu. », dit celui qui les mêle dans sa toile Bleu et vert touareg. Il trouve le titre d’une œuvre une fois qu’elle est achevée. Losange avec source de lumière nomme parfaitement cette silhouette cruciforme d’où rayonne, à côté du phénomène naturel, la dimension subjective qu’il y rapporte : « Énergie, bonté, croyance, espérance… » Il en faut.

Quel que soit le contexte, Konaté travaille à Bamako et transmet aux jeunes. « Je suis membre fondateur d’un fonds africain pour la culture qu’a lancé Mamou Daffé, directeur du Festival sur le Niger, manifestation qui a lieu chaque année à Ségou. C’est une forme de résistance, un trait d’union entre les peuples. Nous demandons à des artistes de donner des œuvres afin de financer les projets des plus jeunes, dans tous les domaines de l’art. » Le Mali est un vrai gisement de talents. Le livre de l’architecte Sébastien Philippe, publié à Bamako, recense 62 artistes plasticiens. On y trouve aussi bien le regretté sculpteur Amahiguere Dolo que le jeune Amadou Sanogo , auteur de toiles à la puissante géométrie. Konaté, lui, vient de se voir « raconté » dans un superbe catalogue réalisé par sa galerie de Milan, Primo, où se déploie l’ampleur de son œuvre au gré de ses expositions dans le monde. Primo le représente à la foire 1-54 de Londres, qui fête ses dix ans au service des artistes contemporains du continent africain. À Paris, pour AKAA, c’est la Galerie 38 de Casablanca qui « défendra ses couleurs » comme elle l’avait fait au Maroc avec l’exposition baptisée « Les Plis de l’âme ».

 

Source: lepoint

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