Sikasso, 10 janvier 2020. Il est 14 heures lorsque les premiers manifestants sont arrivés à la tribune, qui fait face à la colline du Mamélon. Cette colline est l’un des symboles de la résistance à la pénétration de l’armée coloniale française à Sikasso. De fait, en 1898, elle servit de sentinelle d’observation de l’extérieur, depuis l’intérieur du Tata, aux sofas du roi Babemba Traoré face à l’assaut du conquérant français.
Plus d’un siècle plus tard, c’est l’endroit choisi par des Sikassois pour scander des discours hostiles à la présence française au Mali. Tout un symbole. « Nous avons choisi de faire le meeting ici parce que cette colline est symbolique pour toute personne qui connait l’histoire du Kénédougou (nom du royaume, ndlr)», explique Hamzata Sékou Diarra, un des organisateurs du meeting.
« Coopération avec la Russie »
Sur les pancartes, on peut lire : « Dégage la France », « Nous sommes un peuple résistant », ou encore « Stop au génocide de la France au Mali ». Une heure plus tard, la place n’est toujours remplie de monde. La faute à l’harmattan ? Pas sûr vu que le marché, qui est à quelques pas de là, est toujours bondé.
Puis, petit à petit, les gens ont commencé à venir. Plus d’une centaine de personnes crient « Nous ne voulons plus de la France et vive une coopération avec la Russie ! ». Parmi les manifestants, se trouvent quelques chefs de quartiers, qui se sont succédé au micro, répondant à l’appel des jeunes de la section locale du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI) et du Groupe des patriotes du Mali (GPM).
Quelques passants ralentissent les pas pour écouter un peu ce qui se dit, puis continuent leur chemin. Dans la troisième région administrative du Mali, le départ des forces françaises du Mali est, depuis plusieurs mois, le sujet qui anime les débats dans les grin (groupe informel de discussion), sur les radios et sur les réseaux sociaux.
Le sommet de Pau dans les esprits
Il n’y a pas de force de l’ordre encore moins de cadres de la jeunesse sikassoise. Mohamed Cissé, porte-parole du Front populaire pour le renouveau (FPR), explique que « c’est le flou autour de la position de la France sur la question de Kidal qui pose un sérieux problème au retour de l’armée malienne » dans cette ville du nord-est. C’est, dit-il, la raison de sa présence à cette manifestation pour réclamer le départ des forces françaises.
Au Mali, depuis quelque temps, les populations s’interrogent sur l’utilité de la présence des forces étrangères en général, notamment de Barkhane, dans un contexte marqué par la montée des attaques terroristes. A en croire plusieurs manifestants avec qui j’ai échangé, la crise complexe qui sévit actuellement au Centre serait « un complot ourdi par la France afin que les Maliens oublient un peu les ex-indépendantistes du Nord ».
Assis avec les drapeaux russe et malien en main, Alassane Berthé, un manifestant, estime que « ni les tractations, ni le dialogue ne seront efficaces tant que la France tire sur les ficelles. » Avant d’ajouter : « Il faut qu’elle prenne ses cliques et claques et se retire vite du Mali. Nous attendons de pied ferme ce fameux sommet de Pau ». Pour lui, comme beaucoup d’autres, ce meeting qui se fait simultanément, à Bamako et à Sikasso, est une manière de mettre la pression sur le pouvoir malien en place « afin qu’il sache que les Maliens en ont marre du double jeu de la France ». «Nous voulons un accord militaire gagnant-gagnant. Et en ce qui concerne une coopération militaire, le Mali ferait mieux de le renouer avec les Russes comme au temps de Modibo Keïta.», renchérit cet autre manifestant.
Sentiment anti-français et pro-russe
Plus loin, au fond, tout excité avec un drapeau russe noué autour du cou, Hamzata Sékou Diarra, secrétaire politique de la section locale du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), déclare que le meeting a pour objectif de « mettre les forces françaises hors du Mali ». A la question de savoir s’il s’agit d’un sentiment anti-français, il répond : « Nous avons organisé ce meeting ici, à Sikasso, et au pied de la colline du Mamélon, ce n’est pas un sentiment anti-français qui nous anime mais plutôt un dégout de la politique que la France mène ici au Mali. Nous disons non à la politique impérialiste française au Mali ».
Source: Benbere