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A Konna, dans le centre du Mali, l’Etat a faussé compagnie aux habitants

Un troupeau de chèvres broute l’herbe qui pousse dans la cour caillouteuse de la sous-préfecture de Konna, désertée par l’Etat et ses forces de sécurité, comme de nombreuses localités du centre du Mali.

Dérangées dans leur banquet, les chèvres s’égaillent dans les ruelles environnantes. “Les seuls habitants ont pris la fuite”, ironise un policier de la Mission de l’ONU (Minusma).

En patrouille à Konna en ce jour de foire hebdomadaire, qui draine les populations à des kilomètres à la ronde, la police de la Minusma veut s’enquérir auprès du sous-préfet de l’avancement de la distribution des cartes d’électeurs pour le scrutin présidentiel du 29 juillet.

Mais pas âme qui vive dans le bâtiment ocre à colonnades de la sous-préfecture. Sur un bureau encombré de papiers et de documents, seul un drapeau malien froissé atteste de la présence de l’Etat dans cette bourgade de quelque 16.000 habitants.

Près de la statue érigée en mémoire de Damien Boiteux, premier militaire français tombé lors de l’intervention contre les jihadistes en janvier 2013, lancée justement à Konna, le nouveau poste de gendarmerie construit il y a quelques mois par l’ONU attend encore sa garnison.

Vers la fin de l’année dernière, les gendarmes stationnés dans la ville sont partis renforcer des positions attaquées près de Mopti, le chef-lieu de la région, à environ 70 km au sud, raconte le premier adjoint au maire, Yaya Traoré.

“Les gendarmes qui étaient là en détachement nous ont dit qu’ils allaient rentrer, mais que bientôt on aurait quand même une brigade ici, au niveau de la gendarmerie”, explique-t-il.

– Bouchers, tailleurs, commerçants –

Mais les gendarmes promis n’ont toujours pas pris leurs quartiers, abandonnant la sécurité à la “brigade de surveillance de Konna”, formée en 2016 pour lutter contre la criminalité. “On s’est organisés nous-mêmes ici avec les +enfants+”, poursuit Yaya Traoré, membre du directoire de cette brigade de surveillance de “486 jeunes” volontaires.

“C’est eux qui sillonnent un peu partout. S’il y a un problème, c’est eux qui vont le régler, s’il y a quelque chose qui ne va pas, c’est eux qui vont intervenir”, précise-t-il, régulièrement interrompu par le crépitement du talkie-walkie qui relie les membres de la brigade.

Ils patrouillent de minuit à 05H00 du matin, interdisant toute circulation, sauf dispense, ajoute l’adjoint au maire. “La journée, on a une équipe dénommée +Delta force+”.

En cas d’arrestation, les suspects sont gardés à la maison des jeunes, en attendant que le maire statue sur leur sort et décide de leur éventuel envoi au tribunal de Mopti.

La population fournit une contribution mensuelle. Avec un gilet jaune en guise d’uniforme, un talkie-walkie et un bâton ou une machette pour tout équipement, la brigade, composée de bouchers, tailleurs, épiciers ou artisans, affiche de toute façon un train de vie frugal.

“Nous avons 30 talkie-walkies, c’est un de nos ressortissants au Congo qui les a envoyés”, indique son président, Mahamane Kebe, devant les tissus colorés de son échoppe de tailleur. “En ce moment, nous avons des éléments qui circulent dans le marché pour en assurer la sécurité”, souligne-t-il.

– Cartes d’électeurs –

Coiffée d’un voile jaune, la lèvre inférieure tatouée, Aminata Tounkara est venue en pirogue de Kodaga, plus à l’ouest, à la foire de Konna.

Cette mère de trois enfants, un bébé attaché dans le dos, regrette de ne pouvoir voter le 29 juillet: “Je n’ai pas de carte d’identité, donc je ne peux pas obtenir ma carte d’électeur”.

Selon la loi électorale, ces cartes biométriques, délivrées individuellement sur présentation d’identité, seront obligatoires pour voter, sauf “force majeure” autorisant l’utilisation de la carte d’identité.

Dans une école de Konna, un peloton de cette gendarmerie malienne introuvable dans le reste de la ville accomplit une mission aussi ponctuelle que capitale: la surveillance de la distribution des cartes d’électeurs.

Assis à une table, un électeur cherche dans une pile de cartes, outre la sienne, celles d’une dizaine de membres de sa famille.

“Normalement, nous n’avons pas le droit de donner la carte de quelqu’un d’autre, mais avec l’insécurité, tout le village ne peut pas se déplacer”, reconnaît un responsable du bureau de vote.

“Nous allons tout faire pour que l’élection se déroule très normalement ici à Konna”, affirme Yaya Traoré. “Mais, dans les villages des environs, personne n’ira voter” à cause de l’insécurité, selon lui.

Election ou pas, certaines mesures de sécurité, en particulier l’interdiction de la circulation des motos et des pick-up entre de nombreuses localités de la région, compliquent la vie quotidienne des habitants.

“C’est ma moto qui me permet de subvenir aux besoins des miens”, affirme Mahama Karabenta, pêcheur bozo du cercle de Youwarou, au nord-ouest de Konna, qui s’apprête à repartir au guidon de sa machine avec le mil acheté à la foire pour sa famille de 16 personnes.

Selon lui, “le mieux serait que les problèmes du Mali soient réglés, comme ça les gens pourraient circuler librement”.

 

Source: slateafrique

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