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8 MARS 2014 : Pension de retraite de la femme fonctionnaire : LA NECESSAIRE RELECTURE

Elle continue toujours à faire l’objet de discrimination en matière de revenus, notamment, en ce qui concerne l’obtention, par ses ayants -droits, de la pension de retraite de la femme fonctionnaire décédée

directrice générale Caisse malienne sécurité sociale CMSS Mme Oumou Marie DICKO

Notre pays a ratifié plusieurs conventions internationales relatives à l’égalité de rémunération entre mains d’œuvre masculine et féminine. Il s’agit des conventions 100 et 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Mieux, l’article 1 de la Constitution prône « l’égalité en droits et devoirs de tous les Maliens », l’homme et la femme sont de la même manière assujettis au paiement de l’impôt qui frappe le revenu et non l’individu.

Pourtant durant plus de deux décennies la femme travailleuse salariée était considérée comme célibataire sans enfants, même mariée et ayant des enfants. Le salaire de cette dernière était plus lourdement taxé que celui de l’homme marié par l’impôt général sur le revenu (IGR). La Coordination des associations et organisations féminines (CAFO), dirigée à l’époque par Mme Soumaré Aïssata Diallo, a mené une lutte farouche pour corriger cette discrimination. Une lutte qui a abouti. Une ordonnance sera prise le 12 mai 1992 et appliquée par les autorités du Comité de transition pour le salut public (CTSP). Elle traite sur le même pied d’égalité l’homme et la femme indépendamment de leur situation matrimoniale dans l’article 16 du nouveau Code général des impôts.

Malgré l’existence de ces textes, la femme continue toujours à faire l’objet de discrimination en matière de revenus, notamment, en ce qui concerne l’obtention, par ses ayants -droits, de la pension de retraite de la femme fonctionnaire décédée.
Mme Bouaré Bintou Founé Samaké (WILDAF/Mali)

Qu’est-ce qu’une pension ? Quels sont les critères d’attribution et les textes qui régissent le régime de pension ? Les réponses à ces questions aideront à mieux comprendre le sujet.

 

SYSTèME DE REPARTITION. La pension de réversion correspond à une partie de la retraite dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé (salarié ou fonctionnaire). Elle peut être considérée comme une solidarité inter générationnelle dans notre pays. Car, elle est basée sur le système de répartition, c’est-à-dire que les cotisations des actifs d’aujourd’hui servent à payer les pensions des retraités actuels. Pourtant la réalité est que ces cotisations ne parviennent pas à couvrir les pensions de tous les retraités. Le nombre de bénéficiaires de pension s’élevait à 44 568 au 31 décembre 2013 dont 25 540 femmes. Plus de la moitié de l’effectif. Pour 2014, il est prévu plus de 2600 nouveaux retraités, explique Bassékou Kéïta, sous directeur « Liquidation des pensions » à la Caisse malienne de sécurité sociale (CMSS). Le nombre de bénéficiaires de pension avoisine celui des fonctionnaires en activité. Ce qui fait que l’Etat accorde une subvention à la Caisse malienne de sécurité sociale qui reste toujours confrontée à un déficit structurel.

L’octroi de la pension est règlementé par les textes. Les régimes de pension sont régis par les ordonnances 79-7/CMLN du 18 janvier 1979 pour les fonctionnaires civils, 33/CMLN du 30 septembre 1971 pour les militaires et la loi 95-071 du 25 août régit les pensions parlementaires. Pour l’ouverture du droit à la pension, il faut travailler et cotiser au minimum durant 15 ans de service  pour le fonctionnaire civil et militaire, précise Bassékou Kéïta. Lorsqu’un fonctionnaire civil décède ou s’il est radié avant d’accomplir les 15 années de service, il a droit à un remboursement de ses cotisations. Pour les députés, il faut au minimum effectuer un mandat pour avoir droit à la pension à l’âge requis.
Mme Fatoumata Siré Diakité (APDF)

La durée de service accompli détermine la nature de la pension. Il existe la pension proportionnelle et la pension d’ancienneté. Les fonctionnaires, qui accomplissent 15 à 27 ans de service effectif, ont droit à une pension proportionnelle. Et à partir de 27 ans et plus ils perçoivent la pension d’ancienneté. Chez les militaires, la pension proportionnelle est perçue entre 15 et 25 ans. Sont concernés par celle de l’ancienneté ceux qui ont accompli 25 années et plus de service.

La Directrice générale de la Caisse malienne de sécurité sociale, Mme Dicko Oumou Marie, lève toute équivoque sur l’octroi de pension aux ayants droits de la femme fonctionnaire décédée. Elle précise que la loi protège la femme. Si le mari n’est pas fonctionnaire et que la femme décède en laissant des enfants mineurs, il y aura une pension temporaire d’orphelin pour sa progéniture. Elle stipule également que le conjoint survivant d’une femme fonctionnaire peut prétendre à une pension égale à 50% de la pension d’ancienneté ou proportionnelle obtenue ou qu’elle aurait obtenue le jour de son décès. Elle est augmentée, le cas échéant, de la moitié de la rente d’invalidité, dont elle bénéficiait ou aurait pu bénéficier si elle remplie la condition d’antériorité de mariage. Cet article concerne le couple fonctionnaire.

Cependant pour obtenir cette pension, il faut remplir certains critères : l’intéressé doit être atteint d’une infirmité ou maladie incurable le rendant définitivement incapable de subvenir à ses besoins. La pension cesse d’être servie au veuf vivant en concubinage notoire. Autrement dit, si le conjoint survivant utilise l’argent à d’autres fins, la gestion lui sera retirée et attribuée au plus jeune enfant mineur de la défunte placé sous tutelle, ajoute Mme Dicko.

INJUSTICE SOCIALE. Concernant le critère d’attribution de la pension de la fonctionnaire décédée, bon nombre de femmes crient à l’injustice. Elles estiment qu’une relecture des textes s’avère nécessaire. Membre du Collectif des femmes du Mali (COFEM), Rokia Ba Touré estime que c’est une injustice sociale qui dévalorise le travail de la femme. Elle part du principe que la pension est un droit pour la femme et que ses ayant-droits doivent en bénéficier sans restriction.
Mme Rokia Ba Touré (COFEM)

La pension étant destinée aux enfants, elle permet de couvrir les besoins du foyer. « Peu, importe à quels fins, l’homme utilisera l’argent. La conjointe n’étant plus là, l’homme peut se remarier et avoir des enfants qui ne sont pas les siennes. Il est temps que les textes en la matière soient relus », fera-t-elle remarquer. Le ministère de la Promotion de la Femme, de la Famille et de l’Enfant et les Associations féminines doivent œuvrer ensemble pour mettre la femme dans tous ses droits.

Même son de cloche chez Mme Fatoumata Siré Diakité, présidente de l’Association pour la promotion des droits et défense de la femme (APDF). Elle indique qu’on ne peut pas parler de parité genre à ce niveau. « La femme fonctionnaire a cotisé durant toute sa carrière. Et lorsqu’elle n’est plus là, ses enfants n’ont que le capital de décès », s’indigne-t-elle. Les femmes doivent être informées de leurs droits et des engagements internationaux pris par notre pays. Elles doivent travailler avec les nouveaux élus pour que les lois puissent être appliquées. Mme Diakité propose que les responsables chargés de l’application de ces lois soient informés et  formés. Pour corriger cette injustice, elle conseille au couple dès le départ de se partager les enfants sur le bulletin de salaire en prônant le dialogue entre conjoints.

La présidente du  Groupe Pivot Droit et citoyenneté des femmes (GP/DCF) Mme Traoré Nana Sissako, pense que l‘article 40 de l’Ordonnance N° 79-7 du CMLN  du 18 janvier 1979 est une discrimination flagrante des droits des femmes, car le conjoint de la fonctionnaire doit être dans une incapacité totale de se procurer des ressources. Et pour bénéficier de la pension de sa conjointe, il doit disposer d’un certificat d’indigence établi par les autorités locales. Par contre quand la femme fonctionnaire décède et qu’elle laisse des orphelins mineurs et que le conjoint n’est pas salarié, les mineurs bénéficieront de la pension temporaire d’orphelin jusqu’à l’âge de 21 ans. Mais si elle décède en laissant les orphelins mineurs, qui sont à la charge de leur père fonctionnaire, leurs droits sont alors reniés, constate la présidente du GP/DCF. L’existence de pareils textes constitue un recul démocratique. Il est impérieux d’encourager toute action tendant à valoriser le travail de la femme. En octroyant  une pension à la fonctionnaire décédée ses ayants droits seraient à l’abri des besoins et moins exposés à certains obstacles sociaux. L‘Etat doit revoir le contenu des textes législatifs y afférant, tout en les rendant conformes à la Constitution et faire de leur application des priorités. Le gouvernement, dans le souci du respect des engagements nationaux, régionaux et internationaux auxquels il a souscrit, a adopté « une Politique nationale genre » le 24 novembre 2010 pour la réduction des inégalités. L’application effective de cette politique nationale genre sera

l’ultime solution, soulignera Mme Traoré.

SANS FEMME, PAS DE DEVELOPPEMENT. La présidente de WILDAF/ Mali, Mme Bouaré Bintou Founé Samaké, va plus loin. « Il est imaginable que notre pays applique encore un tel texte. Les autorités doivent adopter des lois conformes à nos réalités », souligne t-elle.  La situation qui prévaut aboutit souvent à des drames. Son association a eu à gérer certains cas, où les maris étaient fortement soutenus par leurs femmes. Leur décès a causé énormément de problèmes dans la famille.
Mme Traoré Nana Sissoko (GP/DCF)

Par ailleurs, elle relève une contradiction entre les textes. Le Code de la famille et des personnes stipule que l’homme est le chef de la famille. A ce titre, les charges principales du foyer lui incombent. Cela veut dire qu’il est à même d’assurer les dépenses de la famille, même après le décès de sa conjointe. Cependant la Loi fondamentale du Mali précise à son article 2 que « tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée». Le Code de la famille et des personnes ne serait-il pas contraire à l’article 2 de La Constitution malienne ?

Les femmes doivent lutter pour obtenir tous leurs droits. Et dans ce combat, elles doivent être aidées par les hommes. « L’épouse seule n’est pas concernée, mais toute la famille, » a conclu Mme Bouaré Bintou Founé Samaké.

Au Mali, des progrès ont été réalisés dans le domaine de la parité genre. Mais, c’est l’application des droits de la femme qui posent encore problème. Le salut du peuple et des autorités résidera dans le rétrécissement du fossé de l’inégalité, afin d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Sans les femmes, nul ne saurait parler de développement. Cette citation de Stendhal en fait foi: « Femmes, c’est vous qui tenez entre vos mains le salut du monde ». Vivement que le pouvoir d’Etat s’en inspire pour rendre justice aux Maliennes fonctionnaires ou contractuelles.

C. DIALLO

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