Le Mali a désormais 63 ans. Que de chemins parcourus, de combats menés, d’œuvres réalisées, mais aussi d’espoirs déçus. Au lendemain de son indépendance, le Mali se voulait grand, exemplaire, comme fut l’empire dont il porte le nom. Il était le fer de lance, avec d’autres pays, du développement de l’Afrique, pour l’Afrique, par les Africains. Aujourd’hui, hélas et encore hélas, le chantier de reconstruction de la Souveraineté acquise est à ses débuts. Au Mali, l’on ose même certains écarts linguistiques pour l’on ne sait quel dessein politique. Souveraineté, oh Souveraineté, depuis quand peut-on vous perdre pour vous retrouver aussi facilement ?!
S’il y a bien un terme synonyme au mot Indépendance, c’est bien le mot Souveraineté. Et en ces temps, où le nationalisme semble avoir élu domicile au Mali, l’on ne jure que par ce mot. L’on y célèbre même une journée de « Souveraineté retrouvée ». Tout est fait, ou du moins semble être fait, pour prouver que l’on est sur la bonne voie, que le pays a trouvé ses hommes providentiels, que le monde nous envie une prise de conscience rare, et qu’une bonne partie de l’humanité veut tout simplement notre perte.
L’on omet de préciser qu’aucun pays au monde, même les plus développés, ne peuvent prétendre avoir une totale indépendance. Que ce soit les concepts Souveraineté ou Indépendance, ils contiennent une bonne dose de relativité. L’interdépendance vitale entre États est une réalité. Il n’est pas rare de constater que beaucoup s’affrontent sur les plans militaire et diplomatique en omettant soigneusement des pans entiers de secteurs économiques qui les lient.
La Souveraineté, elle est alimentaire, numérique, politique, économique, culturelle, énergétique. Célébrer une journée de Souveraineté retrouvée, en plus de faire ombrage à l’histoire de l’accession à l’indépendance du Mali, sonne comme un non-sens absolu à l’heure où le pays peine à faire face aux besoins les plus élémentaires du citoyen ; dont une bonne fourniture de l’électricité, pas qu’à Bamako mais sur tout le territoire, une grande disponibilité des denrées alimentaires en nombre et en variétés, une éducation de qualité pour tous que l’on soit du monde rural ou urbain, l’accès à des soins de santé décents, des infrastructures routières en phase avec le parc automobile des grandes villes et surtout afin de désenclaver davantage un pays si immense. C’est au milieu de ce marasme, que les autorités de Transition ont eu l’idée d’instaurer une telle journée. Où sont la logique, la cohérence, le sens du discernement et surtout le respect envers un peuple qui a tant souffert ?
Nous aurions pu, NON, nous aurions dû, instaurer une journée, à l’image de celle des martyrs, afin que l’on se rappelle et que l’on rende hommage aux nombreux victimes de la barbarie de l’extrémisme violent. Sobaneda, Ogossagou, et tant d’autres localités devenus tristement célèbres, méritent que l’on se souvienne d’elles ! Mais au lieu de cela, l’on se complait, l’on se congratule, et l’on ne cesse de liguer des Maliens contre d’autres Maliens car les uns auraient des points de vue antipatriotiques. N’est-il pas temps de mettre une dose de vérité et de franchise dans le discours officiel ? Le chantier est immense, et l’on ne peut reconstruire une maison qui a, si souvent, souffert de mauvaises fondations.
Qu’Allah bénisse le Mali et qu’il donne aux familles éplorées la foi de surmonter la dure épreuve de la mort de leurs proches.
La Rédaction
Source: L’Alternance