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30 ans après l’assassinat de Cabral : Que devient le Mali ?

C’est avec effroi et amertume que le peuple malien a appris avec stupeur l’assassinat crapuleux du leader estudiantin Abdoul Karim Camara dit Cabral par les sbires de l’apache régime de Moussa Traoré. C’était le mercredi noir du 17 mars 1980.

 

Que voulait au juste Cabral ?

A travers les mouvements des élèves et étudiants du Mali regroupés alors dans l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM), Abdoul Karim Camara, cet brillant et sobre étudiant de philosophie à l’Ecole normale supérieure (Ensup) de Bamako, a voulu redonner au peuple malien la confiance requise pour la fondation d’un Mali nouveau débarrassé à jamais des serres des bourreaux de nos masses laborieuses.

Il a voulu imprimer en lettres d’or la marque patriotique de la jeunesse combattante du Mali. A travers l’UNEM, Cabral a voulu combattre sans réserve la gabegie, l’escroquerie, la dilapidation par les apatrides bourreaux du peuple, des richesses nationales.

Cabral voulait démontrer à la face du monde que le Mali est une terre de combat contre les ennemis de la nation d’où qu’ils viennent. Il fut un combattant intrépide pour la cause légitime de notre peuple travailleur.

Abdoul Karim Camara dit Cabral a montré aux générations montantes que la lutte des classes est et reste le moteur de l’histoire universelle. Hélas ! Sa vie fut écourtée, étranglée à la fleur de l’âge par Moussa Traoré et ses serviteurs.

Cabral succomba aux tortures de ses tortionnaires au Camp des commandos parachutistes de Djicoroni-Para. Peu avant sa mort atroce, Cabral a été contrait de lire une déclaration fatidique appelant à la fin définitive de la grève des élèves et étudiants du Mali. C’est avec sueur froide que nous avons écouté ces derniers mots du Camarade Abdoul Karim Camara dit Cabral.

Il a dit: «Camarades, la lutte est terminée… Les cours reprennent demain matin à 7h 30 mn».

Trente (30) ans, que devient le Mali pour la cause duquel Cabral a sacrifié sa vie ?

Le premier constat que nous faisons aujourd’hui c’est que Moussa Traoré qui a trempé sa main dans le sang de notre peuple vit une retraite dorée trente ans après l’assassinat crapuleux de Cabral. Tout se passe aujourd’hui comme si Moussa est un saint. Ici, le temps rendra justice à notre peuple travailleur.

Le cimetière de Hamdallaye est devenu un lieu de pèlerinage pour les sbires du régime rétrograde et sanguinaire de Moussa Traoré. Quelle force et quelle insulte à l’adresse de ce peuple qui a sacrifié un de ses valeureux fils pour l’édification d’un Mali nouveau débarrassé et vengé des affres de ce général «saint». Dieu ne dort pourtant pas !

Abdoul Karim Camara dit Cabral est mort, le mercredi le 17 mars 1980, les armes à la main. Les bourreaux d’hier de Cabral se font passer aujourd’hui pour des gentils hommes chaque fois qu’il est question de financer des activités à la mémoire de l’illustre disparu. Que cela est tout simplement ridicule et vraiment indécent !

 

Si Cabral pouvait ressusciter, ce 17 mars 2018 !

Il constatera avec amertume que ceux qui se disaient «amis» de Cabral sont aujourd’hui les fidèles compagnons de ses assassins. Ces «amis» n’ont rien à envier aujourd’hui aux ennemis d’hier de notre peuple travailleur.

Ils sont honteusement devenus les consciences dormantes de nos gouvernants, prêts à remuer la cloche de la «démocratie» à la malienne pour spolier notre peuple digne et fier de son identité millénaire.

Aujourd’hui, il apparait plus que jamais incertain que le secrétaire général de l’Union des élèves et étudiants du Mali, en la personne de Abdoul Karim Camara ait été enterré au cimetière d’Hamdallaye.

Selon certaines indiscrétions, son corps a été transporté à Gao pour être enterré à quelques centaines de mètres de l’aéroport  de cette ville qui a une très longue et riche histoire. Un jour, les Maliens sauront la vraie version de la vérité sur le lieu d’enterrement de Cabral.

En attendant, les marchands d’illusions peuvent continuer à célébrer dans le coaltar sans nom de la journée mémorable de la mort de ce valeureux fils de notre peuple.

Aujourd’hui, il faut dire que les «démocrates» ont trahi la mémoire  sans vergogne la cause supérieure de notre peuple. La troisième République a trahi la mémoire de ceux de nos enfants et de nos femmes tombés sur le champ de l’honneur pour l’émergence d’un Mali radicalement nouveau. Ce Mali nouveau, il naîtra !

Aucun devin de la politique ne peut arrêter ce cours de l’histoire de notre peuple. Ceux qui ont versé le sang de nos femmes et de nos enfants répondront immanquablement de leurs actes. Cela est d’autant évident qu’à beau refuser la parole au peuple, il finit toujours par la pendre.

Le 17 mars restera à jamais gravé dans les annales de l’histoire de notre patrie. Abdoul Karim Camara dit Cabral n’est pas mort pour rien.

Les générations montantes exigeront que justice soit rendue.

Dors en paix Cabral. La lutte continue !

Fodé KEITA

 

 

Assassinat de Cabral (17 MARS 1980) :

Le film du crime

 

Abdoul Karim Camara dit Cabral

 

Le 17 mars 1980, Abdoul Karim Camara dit Cabral, secrétaire général de l’Union Nationale des Elèves et Etudiants du Mali (UNEEM) est mort, assassiné entre les mains des Services de Sécurité du Général Moussa Traoré. A l’occasion du 38ème anniversaire du crime, nous vous proposons les circonstances de la mort atroce de cette figure emblématique.

Tout a commencé par l’affaire de Ségou, après l’accalmie observée dans la grève des élèves et étudiants, à la mi-novembre 1979. Grève pendant laquelle l’Union Nationale des Elèves et Etudiants du Mali (UNEEM) avait montré qu’elle était la force dirigeante du mouvement scolaire.

Le 15 janvier 1980, à l’ouverture du congrès de l’Union nationale des jeunes du Mali (UNJM) à Bamako, le Secrétaire politique de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) annonce la dissolution de l’UNEEM. Dès cette annonce, la fièvre s’empara de nouveau du monde des élèves et étudiants surtout qu’auparavant, les rencontres entre l’UDPM et l’UNEEM n’avaient pas abouti à des résultats satisfaisants.

Le Bureau de coordination de l’UNEEM devant cette décision, invite les Comités à s’imposer davantage au sein de leurs établissements. On assiste alors à des grèves tournantes dans les lycées à travers le pays tout entier.

Le 13 février 1980, les élèves de Banankoro (Région de Ségou) déclenchent une grève pour exiger la reconnaissance du bureau UNEEM. A. Kané, membre du bureau de coordination de l’Union Nationale des Elèves et Etudiants du Mali (UNEEM), soupçonné d’avoir lancé ce mouvement, est arrêté en plein cours, le Jeudi 14 février. Le même jour à Bamako, Tiéblé Dramé, Secrétaire général de l’UNEEM, est arrêté à son tour.

Le 15 février, les élèves du Lycée de Ségou, de l’Ecole nationale technique des filles (ENTF) et des écoles fondamentales décident de marcher sur la brigade de gendarmerie pour libérer leur camarade.

Les forces de l’ordre ouvrent le feu et deux garçons de l’école du Groupe Central sont grièvement atteints. L’un des garçons, Sidi Moctar Sacko, quatorze (14) ans, est amputé d’un bras et l’autre Moulaye Diarra, seize  (16) ans, a reçu une balle dans le crâne. Le lycéen Macky Touré est arrêté.

Une semaine plus tard, l’UNEEM tient un congrès dans la clandestinité. A l’unanimité, Cabral est porté à la tête de l’organisation.

Les premières revendications, en tant que conséquences de la crise sont: libération immédiate et inconditionnelle des élèves de Ségou ; reconnaissance du nouveau bureau de coordination. Entre temps, la grève a gagné tout le pays.

Le 8 mars 1980, le Palais de Justice de Ségou est en effervescence: A. Kané et l’élève M. Touré doivent passer en jugement.

En ville, une manifestation grandiose est organisée par les scolaires. Néanmoins Kané est condamné à huit mois de prison ferme et l’élève à trois (03) mois.

Dans ce climat de tension et d’indignation, les élèves et étudiants de la capitale, sous la direction de Cabral, décident de faire capoter la conférence des chefs d’Etats des pays sahariens qui se tient à l’Hôtel de l’Amitié.

Ils passent aussitôt à l’action. La répression s’abat : des arrestations sont opérées partout mais les pouvoirs publics restent fébriles et inquiets. Cabral demeure introuvable !

Alors on se saisit de sa mère (pendant qu’elle revenait de la mosquée) et de son frère aîné. Ceux-ci, malgré un interrogatoire poussé, restent muets.

Le lendemain vers 13 heures, on arrête un autre frère qui ne résiste pas aux épreuves et avoue que Cabral se trouve dans un village situé non loin de la frontière guinéenne, chez leur sœur aînée.

Les policiers C.O.B. et Boré sont envoyés à sa recherche. Abdoul Karim Camara dit Cabral est arrêté, (alors qu’il se trouvait dans un camion à une dizaine de km de la frontière guinéenne) et ramené à Bamako, le 14 mars 1980, vers 22 heures.

A son arrivée au commissariat du 2ème Arrondissement, la “Poudrière” (où se trouve en garde à vue Rokya Kouyaté, secrétaire générale du Lycée de filles) ses parents sont libérés.

On présente Cabral à sa mère qui sanglote et s’écrie “nfa, nfa, on t’a eu ? Tuez-le d’un seul coup au lieu de lui faire subir une mort lente et douloureuse !”.

Après cette action psychologique destinée à le briser, Cabral est mis au “violon”. On avertit alors le Directeur de la Police et le Chef de l’Etat-major de la gendarmerie qui arrivent sur les lieux.

On déshabille Cabral, (il ne lui reste qu’un slip de couleur verte) et on l’attache. Puis, pleuvent les coups. Cabral tombe et reste immobile au sol.

On appelle la Radio-Mali pour que l’on vienne enregistrer les déclarations du prisonnier. On oblige Cabral à lire un texte déjà mis au point. Mais, la qualité de l’enregistrement est altérée par l’épuisement physique et moral de la victime.

On recommence une fois, deux fois, trois fois. Ce n’est qu’à la quatrième tentative que les tortionnaires se déclarent satisfaits de l’enregistrement qui sera diffusé le dimanche soir, demandant la reprise des cours pour le lundi matin.

Aussitôt après, Cabral est transférée au Camp-Para de Djikoroni, où se trouve déjà réunie une brochette de responsables politiques au plus haut niveau. Et les tortures reprennent. Cette fois là, définitivement à bout de forces, Cabral tombe pour ne plus jamais se relever. Faiblement, il réclame de l’eau. Il meurt avant d’en recevoir.

Un héros était mort ; une étoile est née, au firmament de la lutte pour la liberté et la démocratie.

Abdoul Karim Camara dit Cabral”, nous nous souvenons.

  1. Sankaré (26 Mars)

 

Par Inter De Bamako

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