Ouverte le lundi dernier sous la présidence du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Malick Coulibaly, la 2ème session ordinaire de la Cour d’Assises de Bamako aura à juger 131 affaires pour 168 accusés dont 117 détenus. On note également dix femmes accusées d’infanticide volontaire. Le Procureur Général, Idrissa Harizo Maïga, estime que cette session s’ouvre sous de bons auspices. “Cela eu égard au renforcement conséquent du personnel magistrat de la Cour et subséquemment, de l’espoir désormais renaissant de l’amélioration accrue des performances attendues par tous” dira-t-il.
C’est parti depuis lundi 28 octobre pour les travaux de la 2ème session ordinaire de la Cour d’Assises de Bamako qui se déroulent à la Cour d’Appel. La cérémonie d’ouverture était placée sous la présidence du ministre de la Justice, Malick Coulibaly, en présence du Procureur Général Idrissa Harizo Maïga, du 1er président de la Cour d’Appel, Hamadou Sidibé et du président de l’Ordre des bâtonniers, Me Alhassane Sangaré.
Pour cette 2ème session ordinaire de la Cour d’Assises de Bamako, sont inscrites au rôle 131 affaires pour 168 accusés dont 117 détenus. Selon le Procureur général, les affaires sont reparties selon la nature des infractions.
S’agissant des crimes de sang, il s’agit de 16 assassinats, 7 meurtres, 13 coups mortels, 2 coups et blessures volontaires aggravés, 5 infanticides et un empoisonnement.
En ce qui concerne des infractions contre les mœurs, il y a 20 affaires de vol, 12 de pédophilie et un d’attentat à la pudeur.
Pour les infractions contre les biens, complicité d’association de malfaiteurs et de violence, on peut noter 10 vols qualifiés, 3 atteintes aux biens publics et 2 blanchiments.
S’agissant des infractions de terrorisme, elles sont au total 16 affaires tandis que pour les infractions contre la nation, l’Etat et la paix publique, il y a 4 affaires de traite de personnes, 2 incendies volontaires, 2 trafics de stupéfiants, un enlèvement. Sans oublier une affaire d’utilisation et de distribution de signes monétaires contrefaits.
Selon le Procureur Général, “cette deuxième session de la Cour d’Assises de Bamako s’ouvre sous de bons auspices, eu égard au renforcement conséquent du personnel magistrat de la Cour et subséquemment, de l’espoir désormais renaissant de l’amélioration accrue des performances attendues par tous.
C’est l’explication du rôle particulièrement chargé de cette session, qui comme les précédentes, prend complètement en charge tous les dossiers de détenus en état de recevoir jugement, et pas seulement, car il est également enrôlé, tous les renvois de la dernière session, composés essentiellement d’affaires de terrorisme”. Avant de préciser : “Au constat de la revue statistique des affaires proposées à l’examen de la Cour, il apparait clairement la prépondérance et la propagation de la violence comme mode d’expression de beaucoup de nos concitoyens.
Sous des formes multiples et variées, ses manifestations les plus graves vont de l’atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle à travers : assassinat, coups mortels, meurtre, coups et blessures volontaires aggravés, terrorisme, viol en bande, pédophilie…Toutes infractions qui, il y a peu, étaient considérées comme extrême, à cause de leur rareté, mais qui aujourd’hui à cause de leur fréquence, et par leur récurrence inclinent à leur banalisation, parfois au fait divers.
L’habitude ayant fait son effet, toutes ses cruautés émeuvent de moins en moins le citoyen lambda, la tendance à la cécité collective, à l’indifférence glaçante, l’absence totale de considération pour l’autre, l’insouciance malsaine et la propension à la déshumanisation des mœurs inquiètent et doivent interpeller”.
Le Procureur Général, Idrissa Harizo Maïga, a profité de cette opportunité pour mettre un accent particulier sur l’utilisation des réseaux sociaux par rapport à certains crimes. Il estime que “l’autre modalité de la violence consiste en la publicité donnée aux crimes les plus horribles par leur mise en ligne sur les réseaux sociaux : viols collectifs en bande, assassinats, phénomènes fâcheux selon l’usage qu’on en fait et dans la plupart des cas, c’est pour se délecter du malheur des autres.
Source de progrès pour les esprits sains, les réseaux sont devenus chez nous le moyen le plus usité pour véhiculer les venins de la médisance, de la méchanceté et de la bêtise.
Rançon de la démocratie, ils en sont devenus chez nous les premières tumeurs malignes mais aussi un instrument privilégié aux mains d’esprits retors qui s’en servent sans précaution pour laisser libre cours à leurs épanchements de bile contre les citoyens dont ils achèvent de détruire la vie à jamais : plusieurs cas de viols collectifs à Bamako mis en ligne sont des exemples illustratifs”.
Selon le Procureur Général : “Le remède unique à ses dérives, à ses tares sociales qui envahissent l’espace public de nos sociétés, comme une génération spontanée, reste l’application rigoureuse de la loi”. Avant de préciser : “Les juges doivent déchirer les voiles de l’indifférence et de l’habitude contrairement aux citoyens ordinaires, qui semblent s’en accommoder, là où il n’y a que du mépris à leur réserver.
L’inflation du crime, sa progression exponentielle, les efforts des magistrats tant du siège que du parquet, des greffiers et des secrétaires du parquet, des officiers de police judiciaire dont la tenue de la Cour d’Assises constitue le couronnement appellent à plus de responsabilité dans l’examen final des affaires et plus d’indulgence relativement à la régularité des procédures et des insuffisances qu’ils révèlent dans l’objectif d’amoindrir les renvois, tant les détenus sont nombreux et certains le sont depuis 2014 et la maison centrale d’arrêt de Bamako engorgée”.
Pour conclure ses propos, le Procureur Général évoque les affaires de corruption qui défrayent aujourd’hui la chronique au niveau du Pôle Economique et Financier. “Pour conseiller aux magistrats de ne jamais se laisser distraire par les commentaires et les supputations des citoyens, c’est leur droit, le plus important, c’est que dans l’instruction de ces affaires, la rigueur de l’application de la loi et le professionnalisme prévalent, que la pusillanimité soit bannie, qu’une exacte application de la loi soit observée, qu’il faille peser au trébuchet (petite balance de précision) les charges et les décharges ; mais surtout que, le réveil pour les incrédules soit cauchemardesque et le retour de manivelle brutal ; que ce ne soit pas un feu de paille comme le prédisent ou le souhaitent certains car il y a va de la crédibilité de la justice.
Dans l’espoir que cet appel sera entendu, non comme une injonction, mais comme une simple et humble attente adressée à des professionnels rompus à la tâche”. Parole du Procureur Général de la Cour d’Appel de Bamako.
El Hadj A.B. HAIDARA
Source: Aujourd’hui Mali