Après 3O ans, la démocratie malienne est encore très malade. Son état de santé, malgré les tentatives de soins, se dégrade chaque jour. Trois décennies durant, elle n’a pas eu un médecin capable de traiter son mal. Et oui, le Mali démocratique n’a pas, jusqu’à présent, trouver un président pour sortir le pays de l’ornière. Pourtant, c’est pour ce vrai changement que des centaines de personnes ont sacrifié leur vie en 1991. Ils sont tombés dans les manifestations pour chasser le dictateur Moussa Traoré du pouvoir. Le bonheur attendu quelques années après le départ du dictateur agonisant, Moussa Traoré, n’est pas encore arrivé. Même si la démocratie a garanti les libertés collectives et individuelles, dont la liberté d’expression, la liberté de la presse, le multipartisme…elle connait beaucoup de difficultés. A cause du laxisme des gouvernants, le Mali va droit au mur.
La mort de l’école malienne
On peut tout reprocher au président Moussa Traoré sauf d’avoir tué l’école malienne. Cette école qui était une des références dans la sous-région sous Modibo Keita et Moussa Traoré, a été mise à genou par les démocrates, ceux-là qui ont promis une éducation de qualité aux Maliens. Le premier président démocratique, un enseignant, a échoué dans sa politique de faire de l’école malienne la plus enviée. Son projet un village, une école, a été l’une des causes de la mort de l’école malienne. Pourquoi ? Le recrutement massif d’enseignants sans penser à la qualité. Le nombre d’école a amélioré, le chômage a été combattu, mais ce projet a joué sur la qualité de l’enseignement.
Après lui, ATT a continué le même chemin : comme Alpha, il voulait que chaque village malien ait une école chez lui. Le manque de formation des enseignants a joué et continue de jouer sur la qualité de l’enseignement au Mali. En plus de ce manque de formation, la grève intempestive a impacté sur la qualité de l’enseignement au Mali. En plus des enseignants, les élèves et étudiants, à travers l’AEEM, perturbent les cours comme ils voulaient devant les yeux laxistes des autorités.
Les président Alpha et ATT valent mieux qu’IBK sur ce point. De 2013 à jusqu’à sa chute en 2020, le secteur de l’éducation était l’un des secteurs les plus paralysés au Mali. Ces dernières années, les écoliers ont plus passé du temps à la maison que dans les classes.
L’insécurité généralisée
Depuis une décennie, le Mali traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire à cause de l’insécurité. Cette insécurité, même si le Mali ne l’a pas connu sous Alpha Oumar Konaré, sa part de responsabilité est énorme : la flamme de la paix signée en 1996.
Pour ATT, c’est son laxisme, sa négligence qu’il faut évoquer. Il est également accusé d’avoir accepté l’installation des groupes armés au Mali, ceux-là dont l’installation sur le terroir a été refusée par les autorités de certains pays, notamment le Niger. Le coup d’État lâche et irréfléchie de 2012 a aggravé cette insécurité. D’une partie du nord, l’insécurité a affecté toutes les régions de cette partie du pays, puis le centre a été affecté. A la différence du nord, l’amalgame a donné naissance à des conflits intercommunautaires au centre.
Sous le président IBK qui avait promis la sécurité aux Maliens, l’insécurité a augmenté. Ses discours creux et ses menaces de ne pas discuter avec les détenteurs des armes n’ont rien servi. L’insécurité s’est généralisée partout dans le pays, près de la capitale. C’est sous son règne que des dizaines de villages sont rayés de la carte du Mali, des centaines de civils (hommes, femmes, enfants) sont tués jusque dans leur maison ; des champs et des récoltes incendiés, des animaux enlevés. L’insécurité fait d’ailleurs partie des causes des manifestations qui ont abouti au renversement du régime IBK.
Mais cette insécurité, malgré le départ d’IBK, continue de faire des ravages. Les dernières, ce sont la 33 militaire qui sont morts lors d’une embuscade à Tessit dans le cercle de Ansongo. Les colonels qui sont au pouvoir actuellement semblent ne pas être mieux que le régime IBK dans la lutte contre le terrorisme.
La corruption
Si au moment de la dictature, les gens ont peur de corrompre ou d’être corrompu, c’est le contraire qui étonne pendant ces 30 ans de démocratie. Si même dans les pays développés, ce sont les fonctionnaires de l’État qui sont les plus pauvres, au Mali, nombreux d’entre eux sont des milliardaires. La corruption est passée par là. Les corrompus sont dans les gros véhicule alors que ceux qui travaillent dignement croupissent dans la pauvreté. Dans l’administration, au lieu du mérite, c’est l’appartenance à un camp politique, une famille du patron…qui est favorisée pour une promotion. C’est ce qui explique d’ailleurs le nombre élevé des partis politiques. Les militants du camp politique au pouvoir sont rois et les autres sont relégués au second plan. Le clanisme est, est au vu et au su de tous, encouragé pendant les concours d’entrée à la fonction, le recrutement dans les différents corps de
L’armée…La surfacturation, le détournement de l’argent destinée aux militaires…tous ces maux restent, le plus souvent, impunis.
Cette même corruption met en cause la crédibilité des élections. Au lieu de convaincre les électeurs par un programme de société, les candidats préfèrent acheter la voix des électeurs à des billets de banques.
Des politiciens menteurs
Au Mali, nombreux sont des citoyens qui ne croient pas aux paroles des hommes politiques. « Les politiciens sont tous les mêmes. Ils ne disent jamais ce qu’ils font. Ils veulent nous tromper. On ne les croit pas et on ne votera pas pour celui qui ne nous donne pas de l’argent », ce sont des arguments qu’avancent pas mal de Maliens à chaque fois qu’on leur parle d’un homme politique. Et oui, il y a, certes, des hommes politiques qui ne mentent pas, qui sont francs avec les populations, qui disent la vérité quel que soit la situation, mais nombreux sont également ceux qui disent ce qu’ils ne font jamais et font ce qu’ils ne disent jamais. Par exemple, la corruption et l’impunité ont été beaucoup développés sous le président IBK qui a promis de combattre ces maux. Sur le dialogue avec les groupes armés, il s’est dédié et s’est ridiculisé. Ce sont à cause de ces promesses qui ne se tiennent pas que les gouvernés n’ont plus confiance aux gouvernants. Et ce manque de confiance a conduit au non-respect de l’autorité de l’État. Les gouvernés n’ont plus confiance aux gouvernants car ceux-ci font, eux -mêmes, les pratiques qu’ils ont dénoncé sous le règne de leur adversaire. Alpha, ATT, IBK ont tous promis de combattre la corruption. Mais ce mal s’aggrave chaque jour. Même Bah N’daw qui promis l’impunité zéro n’est pas sur la voie de réussir ce combat.
La part de responsabilité du citoyen
C’est vrai, les dirigeants ont leur part de responsabilité dans les difficultés que traversent le Mali, mais les citoyens en ont aussi leur part de responsabilité. Chacun dénonce la corruption, le népotisme, le clientélisme, mais le hic est que le même citoyen accepte d’être corrompu et corrompt dans les pratiques. Y a-t-il une différence entre le citoyen qui vend sa voix à un candidat à 2000 f et celui qui l’achète ? entre celui brule le feu tricolore et le policier qui lui prend 1000 F sans lui remettre le ticket ? …non, ils sont tous égaux.
Quant à la jeunesse, on accuse les acteurs du mouvement démocratique d’avoir échoué dans la gestion du pays, mais ces mêmes jeunes passent le clair de leur temps à faire le jeu de ces mêmes acteurs de 1991.
Pour être bref, les deux coups d’État sont les conséquences de l’échec de la démocratie malienne. Et l’échec de cette démocratie n’est pas la faute qu’aux gouvernants, c’est aussi la faute des gouvernés.
Ce qu’il faut revoir
Après 30 années d’échec, les Maliens doivent accepter le changement. Et ce changement n’est pas un vain mot. Les pratiques doivent changer à tous les niveaux. Les autorités doivent montrer le bon exemple en luttant contre la corruption, le népotisme, le clientélisme, le clanisme, l’impunité. Elles doivent travailler à assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, rendre à l’école malienne ses valeurs d’antan. Elles doivent commencer à dire la vérité aux citoyens : ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas.
Quant aux citoyens, ils doivent choisir un président selon son programme et non son argent. S’ils sont prêts pour le changement qu’ils chantent toujours, ils doivent refuser d’être corrompus et de corrompre. Ils doivent respecter les lois de la République.
Boureima Guindo
Source: Journal le Pays- Mali