Cette sortie, peu adroite, du Premier ministre est une regrettable confession de l’impuissance de notre armée nationale à prendre ses responsabilités dans la crise qui est la nôtre. Regrettable, car ces propos mettent à nu le discours soldatesque de la « montée en puissance ». Regrettable en ce sens que le moment choisi est peu indiqué. En effet, les militaires ne peuvent se prévaloir de deux coups d’Etat en l’espace d’une année pour ensuite avouer leur incapacité à gérer une guerre dont ils ont voulu tenir responsable l’ancien régime.
De Président du comité stratégique du M5-RFP, le Premier ministre Maïga a le bon sens de se muer en « concepteur linguistique » des forfaitures de la transition militaire. Il est inspiré pour avoir le mot juste à toutes les situations, même les plus condamnables par la Constitution. Ainsi, la rectification de la transition évoque, avec allégresse, un « plan B » à la sortie annoncée de la France. Par déduction logique, la sécurité dans le centre et dans le Nord du Mali avait pour plan A, la France. Avec l’arrivée des mercenaires russes, pour près de 72 milliards par an, il nous faut espérer que cette autre armée étrangère aura la gentillesse d’en finir avec la guerre au Mali et d’inculquer à notre armée le savoir-faire nécessaire pour combattre au nom de la patrie. Étant entendu que le diagnostic pointera du doigt un manque de savoir-faire et non de volonté des chefs militaires à aller combattre.
Cette armée malienne serait donc, dans l’esprit de nos autorités, le « Plan C ». Sacrilège pour Modibo Keïta et ses compagnons. Lui qui disait, le 20 septembre 1961 à l’occasion de la visite du Président ivoirien Felix Houphouët Boigny : « on est bien défendu que par soi-même, et c’est pourquoi nous avons notre armée nationale, bien équipée et solidement soutenue par le peuple lui-même. Ne se retournerait-il pas dans sa tombe quand il pensera à cette autre phrase prononcée à l’occasion du premier anniversaire de notre indépendance : « Notre liberté serait un mot vide de sens si nous devions toujours dépendre de tel ou tel pays, et si, à tout moment, on devait nous le rappeler. ».
Le Plan C ne devrait-il pas être le plan A ? Attendre de la France ou de la Russie une libération de nos territoires reviendrait à attendre d’un politique, à l’agenda caché, l’organisation d’élections transparentes.
Yacouba KEBE