La population de Daban, dans le Bélédougou, a commémoré, le 11 mai, la victoire de ses héros sur l’armée coloniale, le 11 mai 1880, à Dio. Ce 143ème anniversaire était placé sous le signe de la gloire et de la grandeur de l’ethnie Bamanan. La cérémonie s’est déroulée dans la cour de l’école fondamentale.
Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître. La célébration du 143e anniversaire de la victoire héroïque des combattants de Daban sur l’armée coloniale a été un franc succès. Elle restera longtemps gravée dans la mémoire de la population de Daban et des invités. En effet, pour ne pas se faire raconter cette page glorieuse de l’histoire de leur village avec des falsifications, la population de Daban a massivement répondu à l’appel des organisateurs. Très tôt le matin, elle a pris d’assaut la cour de l’école pour être témoin du récit de la victoire éclatante de la bataille du 11 mai 1880 sur l’occupant français.
La cérémonie débuta par le mot de bienvenue de Maxime Traoré, représentant le chef de village de Daban. M. Diabaté, porte- parole des associations OBARA et Faso Kanu, a remercié la population de Daban pour la confiance placée aux deux associations dont l’un des combats est la manifestation de la vérité historique de la période coloniale dans notre pays. Quant à M’Pié Traoré, maire de la commune de Daban, il a salué l’initiative et encouragé les responsables de OBARA et Faso Kanu pour leur soutien à cette première édition de la victoire de son village, le 11 mai 1880, sur l’impérialisme français. Représentant le sous- préfet de Néguelé empêché, au nom de ce dernier, le maire dira que l’accompagnement des autorités à de telle initiative ne fera pas défaut.
La cérémonie a été agrémentée par le folklore du terroir: N’Goussou et Kôtêba.
Le film de la bataille historique de Dio par Niaman Badian Traoré, porte-parole du village de Daban
«L’homme sans ancrage ressemble à un zèbre sans rayures.
En Afrique de l’Ouest, la conquête coloniale a été à la fois riche en péripéties et rebondissements. Rudes, complexes, partout à travers le pays, de combats acharnés ont émaillé le parcours du colon mécréant. Le sang a coulé, beaucoup coulé.
Avant que Ségou, Sikasso, Kidal, etc. ne tombent d’autres peuples ont combattu l’ennemi jusqu’au sacrifice suprême. La défense de la patrie n’a pas été un dîner de gala.
Quant au Bélédougou, le grand Bélédougou, terre des Hommes de la gloire, de la grandeur, l’un des berceaux de l’ethnie Bamanan, il a marqué par ses hauts faits d’armes l’époque coloniale.
Hommages et honneur à nos historiens, qui par des manuscrits de qualité, ont cherché à démystifier le colon blanc dans sa folle aventure de conquête. Ils ont critiqué, dénoncé les travers de cette colonisation inhumaine, sauvage et barbare. Cependant, certaines zones d’ombres restent non éclairées: c’est le cas de Daban, ancien chef-lieu de canton, contrée de N’Tjibakoungo dans le grand Bélédougou.
Loin d’être une légende ou une fiction, les faits que nous citerons sont bien une réalité. Oui, Daban a livré la bataille contre les Français à deux reprises.
Mme Adama Bah Konaré et son mari Alpha Oumar Konaré dans leur livre «Les Grandes dates du Mali», Bakari Kamian, Jean Bosco Konaré, tous historiens reconnaissent toutes ou parties des batailles de Daban contre le Blanc.
À l’entrée de Koulouba, on peut voir la liste des villages ou localités qui ont affiché une résistance à la pénétration coloniale, le nom de Daban vient en troisième position sur cette liste.
Au fort de Médine (Kayes), où se trouvait le marché des esclaves, le nom de Daban est gravé dans un registre parmi les villages de la résistance.
«Les Pionniers du Soudan», un livre écrit par Jacques Meniaud, secrétaire de Archinard, tous Français, disponible aux Archives Nationales, réserve un espace pour les batailles de Daban contre leur pays.
L’histoire de Daban est aussi racontée de génération en génération ici même à Daban.
Nous disons tout ceci pour porter à la connaissance de l’assistance que nous n’inventons rien.
En effet, la France n’avait pas la mainmise sur l’Afrique. C’est en 1880 qu’à partir du Sénégal elle a entrepris un projet de mise en place des postes du Sénégal au Niger en vue de conquérir l’Afrique occidentale. Ainsi, le 20 mars 1880, une mission française conduite par le capitaine Gallieni est partie de Médine pour Ségou auprès du sultan Ahmadou. La mission comprenait outre Gallieni, les lieutenants Vallières et Piétri, les docteurs Tautain et Bayol, futur résident de Bamako, les interprètes Alpha Séga et Alassane. Vingt- cinq (25) tirailleurs formaient l’escorte de protection. Une centaine d’âniers conduisaient 300 ânes et 12 mulets chargés de vivres, de campements de la mission et de cadeaux considérables pour Ahmadou.
Tout alla bien jusqu’à Kita où le chef de mission put faire signer des traités de protectorat et d’amitié par différents chefs malinkés et en particulier par Tokonta, chef effectif de la Confédération de Kita, le 25 avril 1880, qui offrait gracieusement les terrains pour l’établissement d’un poste.
Pour continuer vers Bamako, le capitaine Gallieni a pris la route de Bélédougou. Au même moment, les Bamanans de Bélédougou menaient une guerre acharnée au sultan de Ségou, lui coupant les communications entre ses États de Ségou et ceux de Nioro, ainsi que la route par le Baoulé allant à la forteresse de Mourgoula. Gallieni faisait croire aux Bamanans qu’il est de leur côté contre Ahmadou.
Arrivé à Dio, cet argument n’a pas empêché Naballa Diarra, chef de ce village, de dépêcher une mission auprès de Naba Traoré, chef de village de Daban, pour lui annoncer le passage de l’homme blanc lourdement chargé. En effet, Daban était un village réputé sinon le plus réputé de la contrée pour ses exploits en matière de guerre, pour son audace et son courage à ne reculer devant aucun danger. Naba Traoré a alors ordonné à ses guerriers d’abandonner tous les projets et de partir à Dio récupérer le chargement dont il est question pour qu’il en fasse prix de dolo. Ainsi, le 11 mai 1880, les Hommes de Naba, chef de village de Daban, ont attaqué le convoi français, récupéré vivres, armements dont un canon et quatre (04) espingoles et bien d’autres choses après avoir tué quatorze (14) indigènes. Les Blancs ont préféré fuir pour sauver leur peau.
Au retour des «Tékérés», surnom des guerriers hors pair, à Daban avec butin, la chaleur de l’accueil était indescriptible. Une fête fut organisée immédiatement. Tout le folklore du village est sorti ce jour: Kôtêba, N’Goussoun, Bondiala, Tchibarani, Bourou, etc.
Après la bataille de Dio, la France a envoyé à Daban des émissaires pour négocier la récupération des matériels saisis. Daban a non seulement refusé toute restitution mais a immolé un des émissaires au fétiche protecteur du village, rasé la tête d’un deuxième transformé en berger avec les gamins et un troisième fut gardé comme serviteur auprès du chef».
Les associations OBARA et Faso Kanu ont apporté leur soutien à cette manifestation. La délégation des deux associations était conduite par Ibrahima Kébé, porte- parole du mouvement politique Faso- Kanu.
Yoro SOW, envoyé spécial
Création de Daban
Le village de Daban a été créé par Antlè Traoré dit Antlèkoro, chasseur craint, énigmatique qui, au cours d’une partie de chasse, tomba sur une clairière étrange en pleine forêt dense, giboyeuse. Antlèkoro, perplexe, séduit, émerveillé par la beauté de l’espace mystique, s’y installa et fonda «Daba» qui signifie «le grand espace».
L’actuel chef de village s’appelle aussi Antlè Traoré.
Daban est le chef-lieu de la commune rurale qui porte le même nom et qui est peuplée de 17 856 habitants. La commune est sous les autorités administratives de la sous- préfecture de Néguéla, de la préfecture de Kati dans la région de Koulikoro. Elle est limitée au nord par la commune de Djiwoyo (Kolokani), à l’ouest par celle de Madina (Kita), au sud par la commune sœur de N’Tjiba et à l’est par celle de Tioribougou (Kolokani).
Source : Inter De Bamako