Nous le savons : c’est dans un contexte inédit, extrêmement difficile pour le Mali que le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, a entamé depuis quelques semaines, des discussions informelles avec plusieurs responsables de partis politiques et de la société civile. Les conclusions de ces échanges sont très attendues. Même si de nombreux analystes ont déjà leurs petites idées.
Le Président IBK s’adressera-t-il bientôt à la nation pour en annoncer les grandes lignes ? Un gouvernement d’union nationale est-il la solution pour le Mali actuellement ? Comment serait appréciée la présence de l’opposition dans une équipe gouvernementale ? Son chef de file, l’honorable Soumaïla Cissé, acceptera-t-il de prendre la tête d’un tel gouvernement ? Un technocrate sera-t-il nommé à la tête de la Primature ? Le Chef de l’Etat gardera-t-il l’actuel Premier ministre ? Le Président IBK joue-t-il au dilatoire comme l’en soupçonne la Coalition des forces patriotiques (COFOP) dans un communiqué rendu public à cet effet ?
S’agissant du gouvernement d’union nationale, le Président du parti Yèlèma Le Changement, Moussa Mara, fut le premier acteur politique à se montrer favorable à un tel schéma. Déjà en novembre 2018, il l’a fait savoir dans une interview accordée à nos confrères de Jeune Afrique en marge du forum MEDays, à Tanger au Maroc. « Le pays fait toujours face à d’immenses défis. Tout cela nécessite que l’essentiel du pays œuvre dans la même direction. Il faut que nous gouvernions tous ensemble », a souligné l’ancien Premier ministre. A la question de savoir s’il appelle « à la constitution d’un gouvernement d’union nationale ? », Moussa Mara répond : « Absolument. Aujourd’hui, deux blocs se font face et se regardent en chiens de faïence. Le Président doit dépasser cela, appeler le camp de Soumaïla Cissé et l’associer au pouvoir. Malheureusement, il n’est pas du tout entré dans cette dynamique. On pensait qu’il mettrait en place un gouvernement intérimaire, qu’on ferait les législatives, puisque nous pourrions repartir du bon pied. Mais il vient de permettre aux députés de prolonger leur propre mandat et de reporter les élections. Où a-t-on vu une chose pareille ? Jamais dans l’histoire du pays cela ne s’était produit. C’est fouler notre Constitution et notre démocratie aux pieds».
A l’opposé de Moussa Mara, Modibo Sidibé, dont le nom est cité par les rumeurs comme candidat sérieux à la Primature, pense que le gouvernement d’union nationale sera une catastrophe pour le Mali.
La formation d’un gouvernement d’union nationale, sans de grandes explications, risque d’être comprise par une frange importante de l’opinion comme un partage de cadeau. Un tel schéma carboniserait l’image de certains leaders de l’opposition et pourrait discréditer davantage les politiques. Et surtout des voix s’étaient levées un moment pour les présenter comme des cadres affamés cherchant à manger dans la soupe populaire.
Les responsables de l’opposition et du camp présidentiel doivent prendre en compte cette dimension et travailler à rassurer les sceptiques sur la nécessité de se réunir pour sauver la République et non partager « le gâteau ». La gravité de la situation est telle que, si les différentes forces ne se mettent pas ensemble, le Mali va disparaître. Et demain, il n’y aura plus de pays à gouverner. Il ne faut pas que certains de nos compatriotes perdent de vue cette donne qui nous oblige à nous unir pour faire face aux défis importants auxquels le pays fait face.
Il faut au Mali un gouvernement de mission comprenant des technocrates venus de la société civile et des partis politiques avec un Premier ministre à équidistance de tous les fronts. Ce gouvernement doit avoir un mandat clairement défini pour une durée bien précise. Il faut deux ans pour mener les réformes nécessaires à la consolidation du processus démocratique qui a vacillé en mars 2012 sous les balles des mutins du capitaine Amadou Haya Sanogo. Le débat qui devrait être mené à la suite de l’effondrement des institutions n’a pas eu lieu après la libération des 2/3 du territoire des griffes des groupes islamistes et séparatistes.
Ce gouvernement s’attellera à mener les réformes et commencer à installer les nouvelles institutions à partir du premier semestre 2021.
Le Challenger