Cauri Art tient, du 2 au 7 janvier au palais de la culture, une exposition dédiée à Yoro Sidibé, chanteur traditionnel dozo. Un monument à l’hommage de celui qui excelle depuis plus de 60 ans dans l’univers des chants des chasseurs a été inauguré.
Yoro Sidibé a une soixantaine d’années de carrière. Et c’est pour le témoigner qu’il s’est présenté dans une tenue de chasseur traditionnel dozo datant de 1963, cousue d’amulettes, au lancement de l’exposition qui lui est consacrée le 2 janvier dernier. Plusieurs portraits de celui qui a commencé à chanter pour les chasseurs « alors que le président Modibo Kéïta était instituteur » sont exposés au Palais de la culture de Bamako jusqu’au 7 janvier.
Yoro Sidibé a fait 20 ans à l’école coranique. Il a appris la chasse grâce à son père avant de basculer dans les chants dozo. « Mon père tuait toute sorte de gibier. Mais quand il avait besoin de chanteur dozo, il en cherchait en vain. Voilà ce qui m’a poussé à chanter pour les chasseurs. Personne ne pourra vous dire qui est mon maître chanteur. Mais il existe et se trouve dans la brousse », se souvient-il.
Un lionceau vivant à Valérie Giscard d’Estaing
Pour reconnaître son service pour les chasseurs depuis 70 ans, Ousmane Traoré, un jeune artiste peintre et plasticien, a érigé en outre des portraits, un monument de 2,10 mètres à l’image de Yoro Sidibé. Fruit d’un travail d’un mois et 10 jours, le monument a été construit en plâtre, en fer et avec des ficelles. Yoro Sidibé a salué l’initiative de Cauri Art. Il a rappelé le rôle important qu’ont rempli jadis les chasseurs et regretté que ces derniers soient délaissés. « A chaque fois, je rappelle à mes confrères que le gouvernement malien a oublié les chasseurs. Si je vous raconte ce que j’ai accompli personnellement pour ce pays, vous allez avoir honte. En 1978, c’est moi qui ai offert un lionceau vivant à Valérie Giscard d’Estaing. A la suite de cela, il a offert 42 voitures Peugeot 505 à l’Etat malien. Que ce soit le Soudan ou le Mali, les fondements de nos territoires ont été bâtis par les chasseurs. Ces derniers ont également été les premiers soldats à nous défendre contre les agressions. C’est donc une reconnaissance que de bâtir un monument en l’honneur des chasseurs. Soyez-en remercier », a-t-il déclaré.
Yoro Sidibé a lancé un appel aux chanteurs traditionnels dozo à veiller sur cet art qui perd de son essence origine et tend vers le « griotisme ». Il a réitéré un vieux souhait, l’octroi d’un local propre aux chasseurs. Là, « ils pourraient même accompagner les jeunes militaires maliens de protections mystiques ».
Bourama Fotigui Coulibaly, secrétaire général de la Fédération nationale des chasseurs du Mali, regrette la faible attention de l’Etat à l’égard des chasseurs. « Durant le règne d’Alpha Oumar Konaré, le ministre de la culture d’alors, feu Pascal Baba Coulibaly, nous avons pu avoir le premier monument érigé en notre honneur. Quand Cheick Oumar Cissoko a pris les rênes du département de la culture, il a tout fait pour que Yoro Sidibé soit décoré. Mais malheureusement jusqu’à la fin de ses fonctions, cela n’a pas été une réalité. De cette date jusqu’à aujourd’hui, aucun ministre de la Culture ne s’est réellement occupé des chasseurs ».
Né officiellement vers la fin de la deuxième guerre mondiale, Yoro Sidibé a à son actif plus d’une quarantaine d’album, et est donné pour avoir tenu plus de 3000 animations folkloriques. Après plus de 60 ans de carrière au service des chasseurs, Yoro Sidibé n’entend pas se reposer et continue à transmettre son savoir-faire à la jeune génération. « C’est l’heure pour moi de prendre ma retraite aujourd’hui. Mais chaque jour on vient me confier des jeunes à instruire à l’univers des chants des chasseurs. Si je ne le fait pas, on pensera que c’est par égoïsme. »
Source : Journal du Mali