Il ne faut pas se faire d’illusions : la guerre mortelle que se livrent Abdoulaye Wade et Macky Sall par le frère de ce dernier interposé risque d’être longue et dangereuse pour tout le monde. Entre un ancien Président de la République qui n’a absolument plus rien à perdre du moment que son fils croupit en prison, sans aucune perspective sérieuse de sortir du tunnel de Rebeuss à très brève échéance, et un chef d’Etat en exercice qui cristallise les déceptions autour de sa personne, tout devient possible.
On ne reviendra pas sur les impostures coupables de Me Wade depuis sa défaite de mars 2012. Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est fondamentalement la gouvernance d’un Macky Sall incapable de réaliser une synthèse opérationnelle, active et crédible contre le mal qui a essentiellement perdu son prédécesseur : la corruption. Les affaires opportunément brandies par Me Wade, celles de Mittal et Petro Tim, en sont les reflets pertinents.
Face aux accusations persistantes de corruption et de détournements de deniers publics formulées par le PDS et son chef depuis plusieurs mois, le régime Sall s’accroche mollement à de fragiles bouées de sauvetage qui ne semblent pas devoir résister longtemps à la furia libérale. Sur Arcelor Mittal, la posture du gouvernement est intenable. Devant l’Assemblée nationale au mois de juin dernier, la seule «réponse» apportée alors par le ministre de l’Economie et des Finances a été de souhaiter qu’Arcelor Mittal veuille bien rendre publique la délibération ayant sanctionné l’accord entre les deux parties ! C’est à croire que les électeurs sénégalais avaient élu le magnat anglo-indien Lakshmi Mittal à la présidence de la République du Sénégal ! Ce niveau de dissimulation est effarant pour un gouvernement élu justement pour mettre un frein à la mal gouvernance. Si le pouvoir se refuse à faire un communiqué de presse en bonne et due forme sur cette question, préférant les mots et paroles de certains ministres, on est enclin à croire qu’il cherche à se protéger en ne posant aucun acte qui s’avérerait être un mensonge, un jour ou l’autre. Un mensonge d’Etat, s’entend.
À propos de Petro Tim, on ne comprend pas non plus pourquoi Macky Sall et ceux qui l’entourent préfèrent prolonger la polémique au détriment d’une expression définitive de la vérité, si bien sûr vérité il y a. Leur ligne de défense est devenue une rengaine obsolète : «Abdoulaye Wade n’a qu’à amener ses preuves». Nous ne sommes pas devant un tribunal où les preuves incombent à l’accusateur, mais dans un combat entre citoyens politiciens et autorités d’Etat. C’est à ces dernières de rassurer tout le monde, si elles en ont les moyens. Le problème, c’est que, autant on ignore le degré de fiabilité des propos et documents de Me Wade, autant le pouvoir ne pose aucun acte décisif qui renverrait durablement l’ancien chef d’Etat sur les cordes du ring. Si Macky Sall n’a rien à se reprocher sur ce dossier pétrole, les moyens et la puissance de l’Etat doivent lui permettre d’éclairer la lanterne assombrie des Sénégalais. Ça ne doit pas être si compliqué !
En attendant, le seul vaincu de ce feuilleton à milliards de francs Cfa, c’est ce Président élu à près de 66% des électeurs et qui, sur des cas présumés de corruption et de concussion, se réfugie aujourd’hui dans une posture défensive. Les temps changent !
Momar DIENG Depuis Dakar