Maison de la presse Bamako, le 22 janvier 2020
Monsieur le Président de la Maison de la Presse,
Monsieur le Président de l’Union des Radios et Télévisions Libres du Mali (URTEL)
Mesdames et messieurs les représentants des associations des média publics et privés, nationaux et internationaux,
Mesdames et messieurs les directeurs et représentants des organes médiatiques écrits, audiovisuels et en ligne, nationaux et internationaux,
Mesdames et messieurs les internautes, activistes des réseaux sociaux,
Mesdames et Messieurs,
Nous voici encore réunis, par la grâce de ALLAH SOUBHANA WATAALA, le Très Miséricordieux, pour la vingt et unième année consécutive, pour la cérémonie de présentation de mes vœux de très bonne et heureuse année 2020 à vous tous ici présents et aux organes, associations et regroupements de presse que vous représentez.
Comme l’année dernière, j’ai tenu compte du nouvel espace médiatique qui intègre désormais et pleinement la presse en ligne et les activistes sur les réseaux sociaux en associant leurs acteurs à ce moment de convivialité et d’échanges sur les questions d’intérêt national et sur l’actualité internationale.
Vous tous, accepterez sans doute de transmettre mes vœux à vos confrères de la presse régionale et locale qui, comme je l’ai maintes fois répété, jouent leur pleine partition « dans la sensibilisation contre le terrorisme, la préservation de nos valeurs socio-culturelles, la transparence dans la gestion de la Cité et la consolidation des bases économiques et sociales de notre pays. »
Mesdames, Messieurs,
En 2019, au classement mondial de la liberté de la presse de « Reporters Sans Frontières », le Mali a occupé le rang de 112e sur 180 pays classés, contre 115 e en 2018, soit une amélioration de 3 points. me-mountaga-tall-a-lissue-de-la-rencontre-entre-lopposition-et-une-delegation-de-haut-niveau-des-nations-unies-et-de-lue-le-mandat-de-la-minusma-doit-etre-revu Cette amélioration fort encourageante ne doit pas, cependant, cacher les contraintes auxquelles restent confrontés les organes médiatiques écrits et audiovisuels dont les moindres ne sont pas leur indépendance économique, la formation des journalistes et l’épée de Damoclès de la prison.
C’est pourquoi nous continuons à plaider inlassablement pour une augmentation substantielle de l’aide à la presse, la dépénalisation des délits de presse concomitamment avec une déontologie plus forte et une éthique plus soutenue sous le meilleur et le plus dur des jugements, celui des pairs, et le cas échéant de justes réparations pécuniaires pour les personnes lésées. Car Mesdames et messieurs, aucune démagogie ne nous amènerait à confondre dépénalisation et impunité.
De la même façon les atteintes à la presse ne doivent être couvertes par la même impunité. A cet égard, nous ne cesserons pas de réclamer la vérité et toute la vérité sur la disparition de votre confrère Birama Touré, les menaces qui pèsent sur ceux qui disent en savoir quelque chose et sur l’assassinat sur notre sol des journalistes de Radio France Internationale (RFI) Ghislaine Dupont et Claude Verlon.
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Mesdames, Messieurs,
L’année dernière, en ces lieu et moment, j’ai textuellement dit « De façon générale, il ne serait point exagéré de dire de l’année 2018 « annus horribilis », une année particulièrement difficile pour le Mali. ». Evoquant l’année 2019 dans son discours à la nation du 31 décembre 2019, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta a repris les mêmes termes. Je n’en dirais donc pas plus.
Mais nous ne sortirons de ce cycle infernal que si nous avons le courage et la lucidité d’une véritable introspection individuelle et collective et d’un devoir de vérité.
Car le Mali, disons-le est victime d’abord et surtout de ses dirigeants et de certains de leurs comportements. En effet, et je répète depuis des décennies, le comportement de certains aventuriers politiques (les trahisons, les retournements spectaculaires de veste, la mauvaise gestion et les détournements de deniers publics, les invectives et les coups bas, les fraudes électorales et les scissions politiques, les discours irresponsables et excessifs, l’implication dans des scandales financiers, la non-prise en compte des besoins du plus grand nombre, l’abandon de nos valeurs sociétales, culturelles et religieuses…) a fortement altéré l’image de l’homme politique et jeté un discrédit sur la politique.
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Il est heureux que dans ce contexte de corruption politique, économique et des mœurs, des femmes et des hommes ont su mettre au-dessus de tout, l’intérêt général et les valeurs cardinales de notre peuple, tels que le respect de l’autre et du bien public, la loyauté, la droiture, la dignité, la vérité et la justice au détriment de leurs intérêts personnels.
Ces hommes, avec la sentinelle vigilante que devient de plus l’opinion publique sous votre impulsion, feront inéluctablement le Mali, le relèveront et lui redonneront sa dignité et sa place dans le concert des nations.
Mesdames et messieurs, parce qu’on lui a fait toucher le fond, le Mali renaîtra nécessairement.
Certains acteurs de la société civile, dans ce naufrage collectif n’ont malheureusement pas su tenir leur rang. Se sentant plus à l’aise dans les antichambres des palais et ministères, ils se sont eux aussi rendus complices de nombreux errements. Gloire à ceux, nombreux parmi eux, qui ont su rester eux-mêmes.
Mesdames et messieurs, c’est dans ce contexte que la Corruption, érigée au rang de politique d’Etat dans notre pays a tout gangréné, tout perverti : les élections, les diplômes, les passe-droits, les nominations, les promotions, les recrutements y compris dans l’armée, les marchés publics, les sentences judiciaires, le foncier… et j’en passe.
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Ces pratiques, en vigueur depuis longtemps, ont actuellement dépassé toutes les limites tant les princes du jour sont assurées d’une totale impunité.
En effet, les mêmes au sommet de l’Etat depuis trois décennies, n’ont jamais rendu compte et ont conduit notre pays dans le précipice.
Ils ont poussé l’absence de patriotisme jusqu’à démanteler notre armée nationale, hier forte et crainte et à introduire la corruption en son sein. Pire, des fonds alloués à l’achat d’équipements et de fournitures militaires sont aujourd’hui détournés au vu et au su de tous et aucune dénonciation ni procédure ne semble troubler leurs auteurs également connus de tous.
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C’est sous cet angle, Mesdames et messieurs qu’après les légitimes émotions et révoltes et les actes de solidarité après les drames survenus au nord et au centre du Mali que nous devons procéder à une froide analyse de la situation dans laquelle nous sommes.
La situation sécuritaire au Mali et dans la sous-région a atteint, aujourd’hui, un seuil critique.
L’année 2019 a été caractérisée par de multiples attaques terroristes au Mali, au Burkina et au Niger faisant des milliers morts et de blessés, même si les chiffres ont été parfois édulcorés par les autorités maliennes. D’ailleurs, les spécialistes en comptabilité macabre ont changé d’employeurs et personne d’autre, fort heureusement n’est intéressée par le job. Du moins pour s’extasier devant un drame national et en souhaiter toujours plus.
Aussi, je vous convie, Mesdames et messieurs, à avoir dans vos prières quotidiennes, une pensée pieuse pour toutes les victimes civiles et militaires, maliennes et étrangères de cette tragédie.
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La situation est encore plus inquiétante au Mali en raison de l’absence des services de l’État dans la plupart des localités du Nord et du Centre, des violences sur fond de tensions communautaires suscitées au Centre et des attaques de plus en plus meurtrières contre les forces de défense et de sécurité, ainsi que des civils.
Nous réitérons ici nos fermes condamnations de ces massacres, exterminations et hécatombes et nous nous inclinons pieusement devant la mémoire des disparus et souhaitons prompt rétablissement aux blessés. Nous réitérons également notre confiance et notre soutien à nos forces de défense et de sécurité.
Mesdames et messieurs,
Pourquoi et comment une armée si forte et dissuasive comme la nôtre s’est retrouvée un moment par terre ? Quand cela a-t-il commencé ? Quelles en sont les responsabilités ?
Les principaux responsables de ce drame national sont à rechercher d’abord ici parmi nous. C’est eux qui ont fait des maliens des gens qui « tendent la sébile » pour leur sécurité. En cela, toute accusation contre les forces étrangères sur notre sol pourrait exonérer les vrais coupables de leurs responsabilités premières.
Je n’exonère pas, en disant cela, la Minusma de ses faiblesses intrinsèques qui doivent être corrigées si l’on veut que cette force atteigne ses propres objectifs et réponde aux attentes des maliens. En un mot, il est important que son mandat soit revu et devienne plus robuste.
Quant à la force Barkhane et à toutes les controverses qu’elle soulève, il suffit pour s’entendre, de revenir à des considérations simples et de poser des questions tout aussi simples. Que s’est-il passé entre 2012 et 2019 pour que la France, accueillie et acclamée en sauveur soit accusée de tant de maux ? la réponse est toute simple : le manque de résultats visibles. Ce constat semble aujourd’hui partagé.
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Quid donc de la demande de départ des troupes étrangères ? Dans le principe, cette question ne se pose pas. Bien sûr que ces troupes doivent partir. Elles-mêmes n’ont pas vocation à rester ad vitae aeternam et d’ailleurs les opinions publiques de leurs pays d’origine finiront par réclamer leur départ. Que ferait alors le Mali ce jour ? Car n’oublions jamais que la sécurité ne se délègue pas : elle s’assume. Les seules et vraies questions sont donc de savoir quand et comment partir ? Empêchons nos gouvernants de détourner les fonds alloués à la défense et à la sécurité, recrutons, formons et équipons nos FAMa pour une réelle montée en puissance et nous n’aurons plus besoin de personne. Et nous sortirons ainsi des vaines polémiques.
Mesdames et messieurs,
Que de tintamarres autour de ce qui a été pompeusement appelé « le Dialogue National Inclusif ». Ceux qui y ont participé mérite notre respect et notre considération. Le CNID-FYT et moi-même n’y avons pas participé et avec nos partenaires du Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD), nous avions exposé nos griefs, craintes et appréhensions.
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Il n’est pas fréquent que l’on souhaite avoir tort. Mais en l’occurrence et pour le bien du pays nous aurions, à la sortie du DNI, aimé avoir tort. Malheureusement !!!
Le DNI a abouti à 4 résolutions qui sont autant de truismes c’est-à-dire selon le dictionnaire « une vérité banale, si évidente qu’elle ne mériterait pas d’être énoncée ». Et cela parce que ceux qui savaient la vérité l’ont caché aux participants de bonne foi peu initiés à la gestion des affaires publiques.
Quelle plus-value a apporté le DNI en demandant l’organisation des élections législatives qui, au demeurant n’auraient jamais dû être reportées et dont d’ailleurs le report n’avait jamais été accepté par l’opinion. Fallait-il dépenser des milliards pour dire cela ?
La valeur ajoutée du DNI aurait été d’apporter des solutions aux causes réelles des reports car disons-le, le gouvernement n’a pas refusé d’organiser les législatives : il n’a pas pu les organiser en raison de ses engagements dans l’Accord d’Alger, de l’insécurité (plus de 100 communes n’ont pu participer à la DNI) et de l’impérieuse nécessité de revisiter le système et les textes électoraux du Mali, l’opposition politique n’étant pas disposée à subir à nouveau les fraudes constatées lors des présidentielles de 2018.
Les mêmes considérations valent pour l’organisation du référendum constitutionnel et le DNI n’a donné aucune indication sur les points à réviser. Le statut quo donc.
A-t-on besoin de demander à un gouvernement responsable de « ramener la paix et la sécurité dans le pays et promouvoir le vivre-ensemble ; redéployer l’Administration et les services sociaux de base et de sécuriser les axes routiers » ?
Enfin sur l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger le DNI aurait fait œuvre utile en indiquant les points à relire et à obtenir le consentement des mouvements signataires présents. Il n’en fut malheureusement rien. Par ce que verrouillé, ce débat n’a pas eu lieu.
En conclusion, au-delà d’une couteuse communication en temps et en moyens financiers qui se poursuit d’ailleurs, le DNI n’a abouti à aucune avancée significative. Les malien(nes) sont tenus, pour sortir de la crise de poursuivre la réflexion et l’action car le pouvoir, malheureusement, a atteint son seuil d’incompétence ainsi que l’atteste la relance de la crise scolaire et les maliens ont quant à eux atteint leur seuil de tolérance.
Mesdames et messieurs,
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Le respect de l’Etat de droit est une obligation impérative en démocratie. En cela et à défaut de pouvoir juger l’affaire dite des « bérets rouges », toutes les personnes incarcérées doivent être immédiatement libérées et des décisions définitives prises pour toutes celles qui sont poursuivies qui ne peuvent ni ne doivent demeurer plus longtemps dans une situation judiciaire incertaine qui frise la prise d’otages.
L’Etat de droit, c’est aussi le respect des libertés syndicales et la capacité de l’Etat à négocier. Pour notre part, les récentes déclarations du gouvernement sur la crise scolaire sont inacceptables et jettent inutilement de l’huile sur le feu.
Mesdames et messieurs,
En matière économique, notre gouvernement s’enorgueillit d’un taux de croissance de 5% l’an dans un ensemble sous -régional ou le taux moyen est de 6%. Bizarre ! Mais le produit des performances économiques, si elles existent, ne doivent pas échoir dans des escarcelles privées. Or le mal-vivre n’a jamais été forte au Mali et les « tensions de trésorerie » mettent en péril la survie de nos opérateurs économiques.
Au Mali, nonobstant les discours d’autosatisfaction, l’indice de développement humain est resté notamment faible. bamada.net/mountaga-tall-degaine En effet, le Mali est classé par les Nations Unies au 182e rang sur 188 pays. Le panier de la ménagère continue naturellement à être désespérément vide.
L’insécurité a certes une part dans cette situation, mais celle-ci résulte aussi en grande partie de l’insuffisance des politiques publiques et de la mauvaise gouvernance.
Comme l’a d’ailleurs indiqué un expert indépendant de l’ONU, « le manque de présence des institutions de l’État dans de nombreuses régions, ainsi que le climat politique, économique et social désastreux, suscitent de plus en plus de frustration et de ressentiment parmi la population ».
Mesdames et messieurs,
Il y a quelques jours, le 18 janvier, recevant les vœux de la direction et des militants du CNID – Faso Yiriwa Ton, j’ai essayé de poser un diagnostic précis et honnête de la vie de notre parti, 5ème force politique sur plus de 200 partis.
Pour éviter les redites à ce sujet je rappellerai que nous avons essayé, tout au long de l’année écoulée, de respecter nos rendez-vous statutaires, de consolider les bases du parti à l’intérieur, de former nos militant(es) surtout les femmes et les jeunes, de prendre part à toutes les manifestations pour la défense de la démocratie ou le soutien à nos Forces de Défense et de Sécurité pour lesquelles d’ailleurs les femmes du parti ont organisé une séance de don de sang.
Mais ni notre rang ni ces actions ne nous donnent pleinement satisfaction d’où notre forte résolution de tout mettre en œuvre en cette année 2020 pour combler les insuffisances et obtenir de meilleurs résultats.
Mesdames et Messieurs,
En conclusion de mes vœux de l’année dernière, je vous disais que « Nul ne peut aimer son pays et le laisser dans cet état dans lequel se trouve le Mali aujourd’hui.
C’est donc une responsabilité partagée de toutes les Maliennes et de tous les Maliens, chacun à la place qui est la sienne, de donner un coup d’arrêt au naufrage collectif en cours.
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Ceci reste ma conviction.
Bonne et heureuse année 2020 à toutes et tous.
Que Dieu bénisse et sauve la Mali. Amine !
Bamako le 21 janvier 2020
Maître Mountaga TALL
Président du CNID – FYT