La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a publié, le 31 août 2022, sa note trimestrielle sur les tendances des violations et atteintes aux droits de l’homme et au droit international humanitaire au Mali couvrant la période du 1er avril au 30 juin 2022. La mission enregistre une baisse de 42% comparativement au trimestre précédent.
Durant cette période, la MINUSMA, selon la note, a recensé 467 cas de violations et atteintes aux droits de l’homme et au droit international humanitaire (317 civils tués, 73 enlevés/disparus et 77 blessés). « Ces données, documentées, représentent une baisse de 42% comparativement au trimestre précédent (812 cas recensés, dont 543 civils tués, 107 enlevés/disparus et 107 blessés). Les principaux auteurs des actes de violence contre les civils ont été les groupes tels que le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et autres groupes similaires qui ont été responsables de 297 atteintes graves aux droits de l’homme », peut-on lire dans la note.
La MINUSMA précise également que ces groupes se sont illustrés par des attaques incessantes contre les civils, les forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) ainsi que contre la force de la MINUSMA qui, au total, ont fait au moins 200 morts, 44 blessés et occasionné le déplacement de milliers de civils. « Les actes de violence perpétrés par les milices et autres groupes d’autodéfense communautaires ont, quant à eux, doublé, passant de 15 pour le trimestre précédent à 34 pour la période en revue. La majorité des victimes de ces groupes ont été recensées principalement dans les cercles de Bandiagara, Bankass, Djenné, Mopti et Niono », ajoute le document.
En ce qui concerne les groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, la MINUSMA a documenté 14 atteintes aux droits de l’homme leur étant imputables, soit une hausse de 16 pour cent en comparaison avec le trimestre précédent.
Les violations de droits de l’homme imputables aux FDSM ont, quant à elles, enregistré une baisse de 62 pour cent, passant de 320 entre la période de janvier à mars 2022 à 122 au cours de la période couverte par cette note. « Une analyse géographique indique que les principaux actes de violence contre les civils et leurs biens ont été commis dans les régions de Bandiagara (158 violations et atteintes), Douentza (81 violations et atteintes), Mopti (80 violations et atteintes), Ségou (53 violations et atteintes), Ménaka (39 violations et atteintes), et Gao (32 violations et atteintes) », précise la note.
Situation sécuritaire toujours préoccupante
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) rappelle toujours dans sa note que d’une manière plus générale, la situation sécuritaire est restée préoccupante au cours de la période en revue. « Le centre du pays a été le théâtre de multiples attaques des groupes extrémistes contre les civils, y compris des représailles contre les populations accusées de « collaboration » avec l’Etat et/ou d’avoir dénoncé des « accords de paix » locaux, ainsi que contre les FDSM », souligne la MINUSMA.
De même, la mission souligne que les tensions intercommunautaires ont contribué à l’aggravation de la situation. « Dans les régions du nord, la situation a été principalement marquée par une détérioration considérable des conditions sécuritaires dans la zone des trois frontières de la région du Liptako-Gourma entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, et la poursuite des affrontements armés entre l’EIGS et le MSA-D/GATIA. Les populations civiles paient un lourd tribut aux exactions que continuent de perpétrer les groupes extrémistes », précise-t-elle.
Selon la note, au cours de la période susmentionnée, la MINUSMA a continué à appuyer activement les efforts du gouvernement malien visant à assurer un meilleur respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire et une lutte plus efficace contre l’impunité.
Réactions du gouvernement
Dans un mémorandum en date du 29 août 2022, le gouvernement du Mali, ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, précise que, sur la forme de la note, le gouvernement tient à rappeler que le régime de sanctions sur le Mali a été mis en place par le Conseil de sécurité à sa demande dans le contexte des affrontements meurtriers entre les mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger , afin d’aider à lever les entraves à la mise en œuvre diligente de cet Accord .
« Au titre de la coopération avec les parties prenantes et les institutions, les autorités maliennes, à travers les différentes structures sollicitées, ont toujours collaboré de bonne foi avec le Groupe d’experts au cours des visites effectuées au Mali et mis à sa disposition les informations demandées et disponibles. En outre , le Gouvernement du Mali rappelle avoir informé le Groupe d’experts de la désignation d’un point focal au sein du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale chargé de la coordination des activités aussi bien du Groupe que du Comité. Toutefois, malgré les garanties données par le Groupe à la suite des remarques formulées dans le cadre de la collaboration, la partie malienne constate, avec regret, l’absence de réciprocité concernant notamment la mise à la disposition des rapports du Groupe, pour ses observations avant la publication des documents », peut-on lire dans le document.
Le gouvernement ajoute également : « Le Gouvernement du Mali déplore cette pratique du Groupe, particulièrement les entraves à l’accès des structures compétentes maliennes à ces rapports pendant que des fuites de certains passages orientés de ces rapports sont organisées dans la presse internationale. Cette posture et les allégations se rapportant aux autorités maliennes ainsi que les FAMa, amènent le Gouvernement du Mali à émettre de fortes réserves sur la méthodologie et la démarche de travail du Groupe, particulièrement en ce qui a trait au respect des principes et standards établis au sein des Nations Unies, notamment l’impartialité, la transparence, l’objectivité, la crédibilité, le professionnalisme et la cohérence. »
S’en tenir strictement au champ d’application de son mandat
Sur le fond de ladite note, le gouvernement souligne : « Au titre des observations d’ordre général, comme indiqué dans la lettre en date du 10 août 2022 du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, SEM Abdoulaye Diop, adressée au président du Comité du Conseil de sécurité concernant le Mali, le Gouvernement du Mali constate, avec regret, que le Groupe d’experts sur les sanctions concernant le Mali sort de plus en plus de son mandat. La mise en œuvre de l’Accord couvre uniquement les régions du Nord du Mali, les autres régions de notre pays ne sont pas dans le champ d’application de l’Accord. De manière spécifique, le Gouvernement du Mali note que le présent rapport est une synthèse des rapports trimestriels du Secrétaire général sur la situation au Mali faisant déjà l’objet d’un examen périodique par le Conseil de sécurité. La question se pose sur la valeur ajoutée du travail mené par le Groupe qui semble être un doublon de celui mené par le Secrétaire général et bien d’autres mécanismes dits indépendants des Nations Unies pour le Mali. C’est pourquoi, le Gouvernement du Mali appelle le Groupe d’experts à s’en tenir strictement au champ d’application de son mandat. »
S’agissant de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, le gouvernement rappelle : « Mise en oeuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger : Sur cette question et contrairement aux allégations infondées du Groupe d’experts au paragraphe 9 du rapport, le Gouvernement n’a jamais eu l’intention de mener une confrontation avec les autres parties à l’Accord. Certes, les graves sanctions économiques et financières prises par la CEDEAO contre le Mali ont constitué un cas de force majeure qui a impacté négativement l’ensemble des activités du pays, y compris donc la mise en œuvre de l’Accord mais le Gouvernement ne s’est jamais écarté de son application. D’ailleurs, le Gouvernement du Mali rappelle qu’aussitôt ce cas de force majeur levé, le 3 juillet 2022, il a organisé, du 1 au 5 août 2022, une réunion de haut niveau décisionnel des parties à l’Accord, qui a été sanctionnée par des décisions importantes sur les quotas de désarmement, de démobilisation et de réinsertion et sur bien d’autres questions. »
Des précisions du gouvernement
Selon le gouvernement, il est excessif d’écrire dans le rapport que la mise en œuvre de l’accord « était au point mort » durant la période couverte par le présent rapport, surtout au moment où d’autres progrès ont été enregistrés dans les différents volets de la mise en œuvre de l’Accord. Il s’agit, entre autres, de la tenue régulière des sessions de la Commission technique de Sécurité (CTS) dont la 52e le 16 juin 2022 avec la participation de toutes les parties : le déploiement de la 3e compagnie du BATFAR de Kidal courant novembre 2021 ; la signature de dix (10) conventions, le 21 octobre 2021, entre le ministre de l’Economie et des Finances et les présidents des Collectivités des régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudéni et Ménaka pour le financement de seize (16) projets pour un montant total de 38,450 milliards de FCFA dans le cadre du Fonds de développement durable ; l’approbation suivant Décret n ° 2021-0591 / PT – RM du 10 septembre 2021 de la Politique Nationale de Réparation en faveur des Victimes des crises au Mali depuis 1960 et son plan d’actions 2021-2025 pour un montant de 65,467 milliards de francs CFA ; l’adoption par le Conseil des ministres du 27 mai 2022 du Document de Stratégie nationale de la Réconciliation et de la Cohésion sociale et son Plan d’actions 2022 2026 et l’adoption par le conseil des ministres du 24 août 2022 de la Stratégie nationale de Stabilisation des régions du Centre du pays.
« Au titre des réformes politiques et institutionnelles prévues par l’Accord, il y a lieu de préciser que la conduite de certaines réformes politiques et institutionnelles nécessite un peu plus de temps de consultations et de préparation en vue d’assurer l’adhésion des forces politiques et sociales maliennes, condition essentielle pour la réussite du processus de refondation du Mali. En dépit de ces contraintes objectives, le processus a connu des progrès réels, notamment la promulgation de la loi électorale, ainsi que la mise en place d’une commission composée d’éminentes personnalités de toutes les composantes de la société malienne, chargée de la rédaction de la nouvelle Constitution. Les réformes politiques et institutionnelles sont prévues de mars 2022 à juillet 2023 », précise le gouvernement dans le mémorandum.
Ismaël Traoré
Source : Ziré