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Viol : Un fardeau lourd à porter par les victimes

Abusées, discriminées et parfois mises au banc de la société, les victimes de viol mènent un combat à vie pour tenir. Récit !

« Quand je voyais un homme, je m’énervais. J’avais la rage. J’ai eu du mal à accepter le mariage», raconte Kôsira (Prénom modifié, ndlr). Nous sommes en 2006, à Sikasso, ville située au Sud du Mali. Ce jour-là, Kôsira a traversé une épreuve douloureuse. Violée à domicile et engrossée, la jeune Kôsira a failli se suicider. A l’époque elle était encore mineure et faisait la classe du 8ème. Aujourd’hui mariée, elle a décidé de briser le silence et raconter le calvaire vécu hors de son cercle familial. « Je venais du marché. Aux environs de 9 heures. Un dimanche. Il n’y avait personne à la maison. Papa était en brousse, maman et les autres membres de la famille étaient sortis aussi », se souvient Kôsira. Son violeur, un ami de son frère et habitué de la famille, profitera de cette occasion pour commettre son forfait. Selon la victime, ce jour-là, comme d’habitude, Binké était dans la chambre de son ami malgré que ce dernier soit absent.

« Il m’a appelé. Je ne soupçonnais rien. Certainement il avait tout planifié, connaissant le programme de la famille ce jour. Il m’a demandé de lui apporter un balai qu’il allait nettoyer quelque chose. Après le marché, j’avais mis un pagne et un T-shirt pour la cuisine. Dès que je suis rentrée dans la chambre pour nettoyer, il m’a attrapé par la main et m’a tiré vers lui et m’a jeté par terre, il y avait une natte. J’ai crié en demandant ce que j’avais de mal. Je n’avais pas compris. Jusqu’à ce qu’il m’a enlevé le pagne. Il m’a forcé. Tout est allé si vite», raconte-elle, la voix tremblotante.

«Après l’acte, j’ai failli me suicider. Car personne ne m’a crû. Il était comme un membre de notre famille vu qu’il n’avait pas ses parents biologiques dans le quartier. Pour mes parents et mes frères et sœurs, Il était sympa et sage pour faire une telle chose », ajoute Kôsira qui tombe enceinte par la suite tandis que son violeur se sauve pour de bon.

«Sous le choc, je n’ai pu rien faire tout le reste de la journée. Maman m’a demandé si j’étais malade, j’ai dit oui. Elle m’a donné du médicament. Jour après jour, ma vie a basculé. A deux mois des examens du DEF, on découvre que je suis enceinte », se remémore Kosira, loin d’être au bout de sa peine. Ayant appris cette nouvelle, son père se braque contre elle. «  Très furieux contre moi, papa et les autres m’ont tourné le dos car j’ai dit que le père de l’enfant était Binkè et ils pensaient que je couvrais le vrai père. Car Binkè a disparu dans la nature depuis longtemps sans éveiller de soupçon.

Seule face à son destin, elle abandonne l’école car les nouvelles vont vite. Désespérée et rejetée par sa famille, Kôsira finira par trouver quelqu’un pour la soutenir. Ironie du sort, ce dernier, du nom de Kôké, est l’un des amis de son violeur. « Il m’apportait soutien moral et financier à tel point que les gens le soupçonnaient d’être le vrai auteur de la grossesse », explique-t-elle. Mieux, celui-ci finit par la marier.

«J’ai accouché après, l’enfant est devenu le portrait craché de Binkè : son teint, ses yeux, sa tête, tout. C’est en ce moment que beaucoup ont commencé à croire à mon histoire. Pour d’autres, la manière dont Binkè est parti était suspecte. Beaucoup ont regretté d’avoir douté de moi. Peine perdue. Ma vie a changé. Je n’étais plus la même personne. Je me considérais comme seule et devais faire avec. Plus de sentiment. Mon cœur était devenu dur et très dur envers les hommes », affirme-t-elle.

De la même manière, elle « détestais son enfant » issue du viol. « C’est une cousine basée à Ségou qui est venue me prendre l’enfant et l’a adopté.  À l’état civil, j’ai donné le nom de Kôkè à l’enfant avec son consentement. Elle est toujours chez ma sœur. Elle a 17 ans maintenant. Elle a appris sa situation après mon mariage avec Kôkè », témoigne-t-elle.

Avec le soutien de son mari, Kôsira a appris la couture et essaie de se reconstruire un avenir.

Juridiquement, c’est quoi le viol? Que dit la loi sur les cas de viol? Quelle peine encourent les auteurs ? 

Pour tenter de répondre à ces interrogations, nous avons approché un avocat, Maître Hamidou Maïga, pour mieux cerner le sujet selon la loi malienne. «Le viol se définit comme tout acte de pénétration sexuelle exercé sur une personne sans son consentement. Le viol est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq à vingt ans de réclusion criminelle. Le délai de prescription du viol comme toute infraction criminelle est de dix ans. C’est-à-dire à l’expiration de ce délai, l’action publique est éteinte, toute plainte de la victime sera déclarée irrecevable, passé ce délai», a-t-il expliqué.

Malheureusement, les auteurs de viol échappent parfois à la justice, surtout dans les contextes de conflits armés au Mali, où le viol est très souvent utilisé comme arme de guerre pour soumettre et terroriser la population. Ces viols s’accompagnent souvent de violences aggravantes qui sont entre autres : viols collectifs, viols avec objets, viol et mutilation des parties génitales. Ces cas ont été révélés lors de la 5ème audience publique de la Commission vérité, justice et réconciliation (Cvjr).  Une structure qui donne la parole aux victimes afin qu’elles se libèrent de leur chagrin. Elle plaide aussi auprès de l’Etat pour aider ces victimes à se réinsérer dans la société.

«Une victime de 54 ans violée par 7 individus armés devant son mari et son fils»

La première victime âgée de 54 ans, mariée, a subi un viol collectif il y a dix ans, à l’arrivée des terroristes à Gao.

À visage couvert, voix palpitante, en larme, elle a eu le courage de raconter ces sombres moments de sa vie: «Le jour où le consulat d’Algérie a été attaqué à Gao, des hommes armés ont fait irruption dans notre maison. Ils ont ligoté mon mari, mon fils de 15 ans. Il y avait mon beau-frère aussi et un colocataire. Ils étaient sept personnes (trois peaux claires et quatre peaux noires),  tous armés. Ils ont violé toutes les femmes à tour de rôle sous les regards impuissants des hommes. J’ai demandé à mon fils de ne pas regarder, mais ils le forçaient à regarder vers nous.  Depuis ce jour, mon mari  a disparu et jusqu’à ce jour la famille n’a aucune nouvelle de lui. Mon fils s’est exilé dans un pays voisin et ne souhaite plus me revoir. N’ayant pas pu supporter la scène, mon beau-frère est décédé après. J’ai voulu me suicider. Que Dieu préserve toutes les femmes de tels actes inhumains et dégradants», a témoigné la première victime, désemparée. Elle est victime de stigmatisation.

«Mineure violée pendant sa période de menstruation»

La troisième victime, âgée de 25 ans, a subi un viol à l’âge de 15 ans,  en 2012 à Gao, alors qu’elle avait ses menstrues.

«Ils nous ont suivi jusque dans une maison. Le propriétaire était absent. Au nombre de six, ils m’ont demandé d’abord de l’eau, et après ils ont dit qu’ils avaient besoin de femmes. J’étais avec ma cousine, elle était en état de grossesse. Elle a été épargnée. Ce jour j’étais en période menstruelle, je n’ai pas été épargnée. L’un d’entre eux m’a poussée  contre le mur et a abusé de moi», a-t-elle témoigné.

Après cet acte inhumain, elle a attrapé des infections sexuellement transmissibles et ses trompes ont été bouchées. Suite à cela, la victime n’est plus en mesure de procréer. Aujourd’hui, elle a besoin d’une prise en charge médicale.

Le regard de la société qui n’aide pas les victimes

Toutes les victimes ont comme dénominateur commun le rejet de la famille et de l’entourage. Elles sont abandonnées, stigmatisées par leurs propres parents et le voisinage. Alors qu’elles n’ont rien fait pour mériter cela.

Selon les statistiques de la Direction nationale de la population sur la situation des violences basées sur le genre au Mali, entre juillet 2020 et septembre 2021, il a été enregistré 2033 cas de VBG dont 38% de violences sexuelles. Le même document indique que de janvier à mars 2021, il y a eu 1879 incidents de VBG qui ont été rapportés, dont 99% d’incidents commis sur les femmes et les filles, avec 59% des filles de moins 18 ans.

Moussa Sékou Diaby

Source : Tjikan

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