Viande, légumes, fruits et condiments ont vu leur prix grimper. Au grand dam des ménagères et des chefs de famille
Les vendeurs ne se trompent dans leurs manœuvres. Ils savent bien que si du côté des produits de grande consommation, les marges de spéculation sont minces, il y a toujours des possibilités de tripotage dans le reste du panier de la ménagère qui relève d’un secteur quasi incontrôlé et dont les réalités sont susceptibles de bouleversements à chaque heure. La seule règle qui vaille dans ce domaine est celle de l’offre et la demande.
Un tour dans certains marchés de condiments de la capitale en donne la certitude. Les ménagères auront du souci à se faire pour concocter les savoureux plats dont les jeûneurs raffolent pendant cette période de Ramadan. D’abord la viande, produit incontournable dans l’alimentation du Malien, connaît depuis une semaine un renchérissement. Les spéculateurs s’en donnent à cœur joie et ne manquent pas d’arguments pour expliquer la hausse des prix.
Sur les différents marchés de la place, la hausse semble s’être durablement installée surtout pour ce qui est de la viande de bœuf et de mouton. La hausse se situe entre 200 et 300 Fcfa selon la qualité.
Au marché Dibida, les tendances sont les suivantes : le kg de viande de bœuf avec os est passé en l’espace de 3 mois de 2000 Fcfa à 2200 Fcfa et le gigot sans os de 2500 Fcfa à 2750 Fcfa. Quant au foie de bœuf, particulièrement prisé par les gargotières, il est aujourd’hui cédé à 4000 Fcfa/kg contre 3750 Fcfa, avant cette période bénie de Ramadan.
Sur certains marchés, l’envolée est encore plus marquée. C’est le cas des marchés de Kalabancoro et Banankabougou. Ici le kg de viande avec os coûte 2250 Fcfa, tandis qu’il faut débourser 2800 Fcfa pour le kg de viande sans os.
Pour expliquer cette situation, les chevillards ne manquent pas d’arguments. Selon Alassane Dicko, boucher au marché de Magnambougou, l’explication est toute simple. « Je vous jure, chaque année, pendant la période hivernale, nous avons des problèmes d’approvisionnement en bœufs sur pied. Et depuis le début de l’hivernage, les bœufs sont devenus très chers, et les vrais taureaux bien en chair sont même rares. Un bon taureau se négocie aujourd’hui entre 850.000, voire 900.000 Fcfa contre, il y a peu de temps, 500.000 et 700.000 Fcfa, selon le poids de l’animal. Nous n’avons donc pas d’autres choix que de réorganiser un peu les prix », explique le boucher.
L’année dernière, le département du Commerce avait pris des mesures spécialement pour le mois de carême en prenant en charge la différence de 200 Fcfa sur chaque kg de viande dans les abattoirs. « Mais cette mesure n’ayant pas été reconduite, nous avons d’autre choix que d’appliquer les réalités du marché. Aujourd’hui, le kg de viande de bœuf avec os est cédé entre 2200 à 2300 Fcfa, selon les marchés. La viande de mouton est passée de 2700 Fcfa à 3000 Fcfa le kg. Certains vendeurs non installés dans les marchés le vendent moins cher. Tout dépend du prix du bœuf sur le marché de bétail, ou de la manière dont tu as acquis l’animal », développe notre interlocuteur. Côté volaille et poisson la tendance est la même, voire pire (nous y reviendrons).
L’OIGNON ET LA POMME DE TERRE. La spéculation ne porte pas que sur la viande. D’autres produits essentiels du panier de la ménagère tels que l’oignon, la tomate, la pomme de terre et autres légumes frais connaissent une certaine flambe.
La preuve encore par le marché, en l’occurrence celui de la « Place de Niono », principal centre de négoce des produits secs, des oignons et des pommes de terre en provenance des zones de production. « Niono » est aussi et surtout le point d’approvisionnement des autres marchés d’oignons de la capitale. Ici, des cargaisons d’oignons arrivent à flux incessant. Mais, dès leur arrivée, les véhicules transportant les légumes sont pris d’assaut par les commerçantes. Alors commencent les marchandages acharnés entre grossistes et détaillants. Malgré cette abondance apparente, les prix ne baissent pas. Au contraire, ils ont notablement flambé. Le kilogramme d’échalote fraiche est passé de 175 Fcfa/kg à 250, voire 300 Fcfa, selon les négociants. Le kilogramme de gros oignons passe de 200 à 350 Fcfa.
Le marché de légumes de «Wonida », est l’un des marchés les plus colorés et les plus bondés. Ici, reconnaissent les vendeurs, pendant cette période les légumes provenant d’autres horizons sont meilleurs à ce que l’on trouve à Bamako. Les prix ne peuvent alors que s’en ressentir. « Pendant cette période, tous les produits frais prennent l’ascenseur. Par exemple, les carottes proviennent de Sikasso, de Koutiala et du Burkina Faso. Elles sont meilleures que celles dans les jardins de la périphérie de Bamako, d’où leur cherté. Tous les produits frais, sans exception, sont actuellement sous tension. Et l’annonce du mois de Ramadan n’arrange pas les choses. Mais nous ne pouvons rien. Nous sommes obligés de vendre comme ça », résume une vendeuse.
Comme la plupart des ménagères rencontrées au marché de légumes du Dibiba, Mme Soumaré Oumou Touré, est désemparée. « A l’exception du sel, tout est devenu cher. Les prix des condiments grimpent pendant le Ramadan. L’oignon et la pomme de terre ont donné le ton. La pomme de terre est passée du jour au lendemain de 250 à 450, voire 500 Fcfa/kg. La tomate, le chou, la carotte, le poivron, le céleri, le persil et le piment ont aussi vu leur prix prendre l’ascenseur », lance-t-elle, très dépitée. Elle invite les autorités à surveiller le marché pendant cette période.
Un sentiment de crainte et d’incompréhension anime à juste titre les ménagères qui doivent se démener pour offrir à leurs familles des mets délicieux. Elles vont désormais devoir rivaliser d’ingéniosité pour faire face à cette nouvelle donne. Les chefs de famille qui espéraient également un Ramadan paisible grâce à la stabilité des prix des produits de première nécessité vont aussi devoir – et comme d’habitude – revoir leurs calculs pour augmenter un peu le « na songo ». Ainsi va le Ramadan à Bamako où les années se suivent et se ressemblent.
D. DJIRE
source : L’Essor