La tradition est séculaire dans les pays francophones. Après neuf mois d’études, d’octobre à juillet, le monde scolaire bénéficie d’une pause de trois mois. La période est propice pour les élèves, les lycéens, les étudiants d’imaginer et d’exécuter de courts programmes de détente et de loisir. Les préoccupations sociales transforment les perceptions de l’environnement familial et du monde du travail dans l’esprit des jeunes maliens.
Le diplôme ne donne plus droit automatiquement à un emploi dans la fonction publique du pays. La plupart des entreprises commerciales, manufacturières, agricoles, ou des BTP, sont d’inspiration familiale. Elles appliquent l’adage qui conseille que « la charité bien ordonnée commence par soi même ».
Les postes mis en jeu lors des concours de recrutement sont très limités. Les diplômés démunis au chômage sont légion dans le pays. Les petits frères des aînés diplômés sans emploi ont vite tiré les leçons des déceptions vécues dans les millions de foyers villageois. Pendant les vacances sans complexes, ils assaillent les ateliers pour apprendre de petits métiers en qualité d’apprentis. Ils économisent les gains perçus pour mieux préparer la rentrée scolaire et soulager les parents.
A Ségou, ils sont nombreux dans les ateliers de métallurgie et de menuiserie. Ils sont dans les champs familiaux et autres groupements professionnels. A la recherche des bénédictions parentales, nous avons constaté l’acte reconnaissant de garçons et de filles qui aident leurs mamans dans les travaux domestiques. Ceux qui lient leurs peines actuelles à de possibles péchés profitent des vacances pour apprendre le Coran. Les petits commerces attirent une forte proportion des vacanciers. Leur ambition est de se former à un métier pour assurer l’avenir. Ces enfants pour la plupart aussi gagnent un peu d’argent afin de préparer la rentrée scolaire et faire face à certains de leurs dépenses. Ce jeune garçon d’environ 18 ans en est un bon exemple. Concentré autour d’une moto «djakarta» démontée, Modibo N’Dao s’affairait à nettoyer le moteur de la moto autrement dit faire l’entretien de l’engin.
Nous avons suivi un moment un scolaire apprenti mécanicien temporaire. Concentré et sérieux, il semble s’y connaître. En effet, la technique en matière de réparation de moto n’est plus un secret pour ce futur candidat au Bac, section sciences économiques. Le studieux Modibo passe à la rentrée prochaine en terminale au Lycée Cabral de Ségou. Il fait ce travail depuis quatre ans pendant les vacances. Avant il partait à la découverte des nouvelles merveilles de la capitale. Le bilan est triste. Et Modibo résume ses recherches en ces termes :« J’ai fini de découvrir Bamako. J’ai réalisé qu’il était temps d’apprendre un métier qui peut me servir dans l’avenir ».
Ce garçon veut monter dans un avenir proche son propre atelier mécanique et créer des emplois pour d’autres jeunes issus de familles pauvres. « Après le bac je compte poursuivre mes études dans le domaine de la mécanique pour parfaire mes connaissances. » explique Modibo. En tant que premier garçon de sa famille, il est conscient de son devoir de se battre pour prendre la relève. « Je n’ai pas d’autre option que de travailler et le seul moyen pour moi d’échapper au chômage est de travailler à mon compte » estime-t-il.
Combien il gagne dans cette activité, notre lycéen indique que l’argent qu’il gagne importe peu. Faisant preuve de sagesse il fait la leçon aux oisifs :« Je ne suis pas venu ici pour de l’argent mais pour apprendre un métier. Cependant j’avoue que je gagne ce qu’il faut pour m’acheter des habits, des chaussures et du crédit pour mon téléphone du coup j’allège la charge de mon père qui peut prendre en charge mes frères et sœurs» .
Le métier d’ébéniste n’a plus de secret. L’élève Cheick Modibo Sidibé est un assidu de l’atelier de bois « Sidi Traoré et fils ». Il fabrique déjà des tables à manger, des chaises en bois etc. Il a débuté il y a trois ans, Cheick Modibo arrive à faire face à ses dépenses personnelles. Il promet de décrocher le Bac technique la rentrée prochaine. « J’ai choisi moi-même de venir faire ce travail pendant mes périodes libres. Je le fais car je suis un passionné de ce métier », dit-il. Grace à ce travail temporaire, il est désormais indépendant au plan financier. Il apprend à être responsable et à bien gérer dans le futur.
Le jeune Oumar Touré sera en 5e année coranique à la rentrée prochaine. Pendant ces vacances, il a choisi les petits commerces. Il aide son père à écouler ses marchandises. Le garçon de 10 ans propose une panoplie d’articles divers dont les insecticides, les chargeurs de téléphones, les pochettes. Il a pris plaisir à ne plus aller quémander quelques pièces de monnaie auprès des aînés.
Comme nos premiers interlocuteurs, Issa Konta travaille dans un atelier métallique. Le courageux garçon tentera ses chances au DEF lors de la rentrée scolaire prochaine. Il veut devenir électricien. Comme apprenti, il n’a pas de salaire fixe. Le patron lui donne 300 FCFA ou 500FCFA par jour. Cette somme lui permet déjà de continuer ses études et de réaliser ses rêves de devenir technicien. De nombreux autres jeunes s’occupent des travaux champêtres pour contribuer à garnir le grenier familial.
Mariam A. Traoré
AMAP-Ségou
Source: Essor