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Une figure emblématique au ministère de la santé et des affaires sociales : Mali, entretien avec Michel Hamala Sidibé

Après presque une décennie à la Direction exécutive d’Onusida, Michel Sidibé, a été nommé Ministre de la santé au Mali en mai dernier. Réel défenseur de la justice sociale, Michel Sidibé s’investit aujourd’hui pleinement pour améliorer la situation sanitaire au Mali. Entretien.

 

54 ÉTATS : Pourriez-vous dresser un bilan de la situation sanitaire au Mali. Plus précisément, quelles sont les pathologies dominantes au Mali et quel est le taux de mortalité maternelle et infantile ?

 

Michel Hamala Sidibé : Le Mali est confronté à des défis de nouveau type qui exigent une approche multisectorielle, innovante et coordonnée.

La crise sécuritaire dans le centre nord du Mali a été catastrophique pour notre pays avec la dégradation des infrastructures sanitaires, le vol du matériel médical, des menaces de mort sur le personnel soignant entraînant des déserts médicaux. Au vu de ce tableau et depuis notre prise de fonction nous nous employons à redonner de l’espoir à nos populations et à renforcer les liens de confiance entre les administrés et les pouvoirs publics en contribuant substantiellement à la fourniture des services essentiels de base et en faisant de la santé un vecteur de paix et de réconciliation.

En sus des maladies endémiques comme le paludisme qui reste la première cause de mortalité au Mali, et les épidémies du VIH, la tuberculose et les hépatites, nous sommes toujours confrontés à la problématique des maladies émergentes communément appelées les maladies chroniques non transmissibles (MCNT) comme le diabète, l’hypertension et les cancers…. Les indicateurs de santé au Mali restent particulièrement préoccupants et contribuent grandement à la perte en capital humain accumulée par un pays dont près de la moitié de la population est âgée de moins de 16 ans.

Après trente années de baisse constante, la mortalité́ infantile a nettement augmenté, passant de 95 à 101 décès pour 1 000 naissances vivantes entre 2012 et 2018, et la mortalité maternelle reste l’une des pires dans la région, avec 325 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2018.

54 ÉTATS : Monsieur le Ministre, vous avez une solide connaissance des enjeux de santé publique, de part notamment votre poste occupé à Onusida. Vous êtes en poste depuis mai 2019, quelle place accorderez-vous à la lutte contre le sida, aux maladies liées entre elles, notamment la tuberculose et le cancer du col de l’utérus et à leur intégration dans une politique de santé plus large ?

Michel Hamala Sidibé : Ma nomination récente comme ministre de la santé et des affaires sociales au Mali est un grand honneur pour moi et me permet de redécouvrir mon pays après des années d’engagement sur le plan international au service de la lutte contre les pandémies et principalement contre le sida et d’autres affections associées.

Pour ce qui concerne le sida, nous avons une épidémie de type concentrée avec une prévalence plus ou moins faible 1,1%.

Mes années d’expérience doivent être un atout et favoriser rapidement l’atteinte des objectifs mondiaux au Mali

Avec l’émergence des autotests, nous allons rapidement mettre en place des stratégies permettant de dépister le plus grand nombre de nos concitoyens qui restent séro-ignorants. Nous avons déjà entamé des réformes dans ce sens et pris des engagements avec la création d’un programme intégré VIH/Tuberculoses/Hépatites. Par ailleurs compte tenu de la masse critique de nouveaux cas de cancers du col de l’utérus enregistrés par jour et les difficultés d’accès de plus en plus criardes, de façon concomitante nous sommes entrain de mettre en place des stratégies avancées et spécifiques pour favoriser le diagnostic précoce du cancer du col de l’utérus et promouvoir la vaccination des jeunes filles contre le papilloma virus.

54 ÉTATS : Le parcours de soins pour les personnes atteintes de cancer reste complexe, parfois chaotique. Comment le simplifier et l’humaniser ?

Michel Hamala Sidibé : En effet, suite à des réductions budgétaires, le Mali n’a dépensé que 0,85% du PIB en soins de santé et 4,32% du budget national révisé en 2018, et 0,05% du PIB et 0,2% du budget national spécifiquement pour les soins de santé primaires. Cependant, dès ma prise de fonction, j’ai demandé aux services compétents du ministère d’évaluer le parcours du patient atteint du cancer, et ce travail a démontré l’évidence du parcours complexe, titanesque et surtout très onéreux qui augmente le taux de perdus de vue et par conséquent le taux de décès liés aux cancers. Le problème n’est pas tant le manque de ressources humaines qualifiées, mais plutôt la gestion d’une situation d’insécurités récurrentes et grandissantes dans une portion importante de notre territoire qui désorganise et déstructure par moment notre système de santé. L’accessibilité géographique et financière des populations aux services de santé reste toujours aléatoire, donc crée une inadéquation entre l’offre et la demande de services. Ceci favorise un désert médical dans certaines zones.

54 ÉTATS : Où en est la question de la sécurité sociale au Mali ? Comment est-ce que la prise en charge fonctionne pour les personnes en incapacité de payer leurs soins et frais médicaux ?

Michel Hamala Sidibé : Le financement de la santé au Mali reste peu adéquat avec une contribution trop importante de la population à travers les paiements directs et une faible couverture en mutuelles de santé. Aussi, les ressources humaines mal reparties, insuffisantes, peu performantes et peu motivées (formation, utilisation, motivation).

Le Mali a fait un bond en avant avec la mise en place de son régime de protection sociale à travers la création de l’Assurance maladie obligatoire (AMO)

Toutefois, en 2009 le Mali a fait un bond en avant avec la mise en place de son régime de protection sociale à travers la création de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) qui est une des réformes les plus importantes au Mali.

C’est une assurance au profit des fonctionnaires civils et militaires, les députés, les travailleurs régis par le code du travail en activité ou à la retraite ainsi que leurs ayant droits. Elle est fondée sur le principe de solidarité et des mutualisations des risques.

Par ailleurs pour un accès pour tous, je me dois de rappeler que le Mali est résolument engagé dans la lutte contre les inégalités sociales.

Notre stratégie de décentralisation nous donne l’opportunité de mettre en place une véritable démocratie sanitaire en faisant intervenir conjointement les services de l’État et les collectivités territoriales (communes et cercles). C’est dire que les indigents sont pris entièrement en charge pour leurs soins médicaux, examens et bilans de santé ainsi que les frais d’hospitalisation avec à la charge de l’Etat 85% et 15 % restant à la charge des collectivités.

En février 2019, le Président de la République a lancé la reforme de santé la plus ambitieuse de l’histoire du Mali

Aussi, en février 2019, le Président de la République a lancé la reforme de santé la plus ambitieuse de l’histoire du Mali

Celle-ci a acté la gratuité totale des soins primaires pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, la remise à niveau du plateau technique, le déploiement et la formation de dizaines de milliers d’agents de santé communautaires pour agir au plus près de 18 millions de Maliens, disséminés sur un territoire grand comme deux fois la France.

54 ÉTATS : Et enfin, faute de ressources humaines qualifiées, pensez-vous que l’avenir de la santé au Mali soit dans la télémédecine ?

Michel Hamala Sidibé : Le désinvestissement par le Gouvernement du Mali du secteur des soins de santé́ primaires à la suite de l’Initiative de Bamako et l’introduction du recouvrement des coûts doivent être rectifiés.

Je reste convaincu que la télémédecine et en général la E-santé est une alternative crédible et indispensable qui doit guider et orienter nos politiques et stratégies d’offres de soins.

Nous sommes aujourd’hui en pleine discussion presque aboutie avec des partenaires pour développer l’innovation en santé à travers la numérisation des centres de santé à la base en les connectant entre elles.

Il s’agit d’un projet d’amélioration des soins de santé primaire à travers la restructuration d’environ 500 Centre de Santé Communautaire (CsCom) en s’appuyant sur la solution numérique.

Cette solution passera par la mise en place de la télé-médecine, la télé-assistance et la télé-expertise. Nous voulons tendre vers un écosystème de santé numérique résilient. Le choix des CsCom n’est pas fortuit car nous sommes convaincus que l’amélioration, de la santé des maliens, passe par l’amélioration de l’offre de soins de proximité qui constituent le premier maillon de la pyramide sanitaire.

Notre ambition est de bâtir un système de santé solide en reformant en profondeur le système tout en s’appuyant sur l’innovation pour y parvenir. Avec cette interconnexion, notre vision est de faire du Mali le premier pôle d’excellence numérique en santé en Afrique. Les avantages immédiats que l’on pourrait tirés seraient entre autres :

– Rapprocher les soins des populations

– Améliorer la qualité des soins

– Elargir l’offre de soins de premier niveau

– Rationnaliser la gestion de structures de soins de santé primaire

– Mise en place d’un modèle économique innovant et intelligent…

Dans les prochains mois, nous allons organiser une foire internationale de l’innovation en santé au Mali.

Source: 54etats.com

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