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Un Sénat peut-il renforcer la démocratie malienne ?

La création d’un sénat semble, entre autres, l’une des grandes nouveautés du projet de révision constitutionnelle de notre pays.

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Cette proposition d’un système bicaméral est selon le Président IBK et le groupe parlementaire de la majorité présidentielle un moyen d’accroître la force du pouvoir législatif. Un tel projet va-t-il dans le sens de la relance de la démocratie malienne obtenue au prix du sang versé par nos martyrs ?

Ce projet de constitution suscite de vives réactions. Et pour cause, il ressort des rencontres entre IBK et les organisations de la société civile malienne, qu’une fois votée le 09 Juillet 2017, la nouvelle constitution l’autoriserait à nommer jusqu’à un tiers des personnes qui devraient siéger au sénat. Par ce mécanisme, les maliens perdraient donc le droit exclusif qui leur appartient, de choisir eux-mêmes ceux qui sont sensés être leurs mandataires, et seraient représentés par des personnes qu’ils n’ont jamais choisies en tant que tel. Ainsi, ce projet affaiblirait la démocratie malienne, car le futur sénat ne serait pas issu « du peuple ». Or, la maxime populaire veut que la démocratie soit « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

Une telle configuration soumettrait cette institution aux désidératas du chef de l’Etat, plutôt qu’à ceux du peuple. En effet, les sénateurs nommés pourraient, par sentiment de reconnaissance et surtout pour garder leur position, être des sortes de béni-oui-oui qui approuveraient tout projet émanant du sommet de l’Etat et ce, avec toutes les dérives que cela pourrait entrainer. Au Mali, connaissant le peu d’égard des élus pour les populations, il est permis de craindre que les règles d’éthique soient bafouées. Ainsi, l’extension des prérogatives du pouvoir législatif risque de n’être qu’un acte de communication qui ne fera gagner à l’institution législatrice aucune efficacité. Le sénateur, maillon de ce système, étant enchainé par sa nomination.

De tout ce qui précède, le sénat version IBK, si sa configuration se confirme, pourrait être un subterfuge pour renforcer le régime présidentiel déjà très fort au Mali. Le grand oublié est d’évidence le contribuable qui paiera d’avantage pour moins de représentativité à un parlement fonctionnant plus sur des règles de copinage politique que sur la méritocratie. Un tel sénat ne serait donc pas un outil de contre-pouvoir. En effet, si le tiers des sénateurs est à la solde du Président de la République, cette nouvelle chambre pourrait être utilisée à diverses fins dont celle de se maintenir au pouvoir. Ainsi, la création de cette deuxième chambre présente peu d’intérêt d’un strict point de vue démocratique.

Si l’on souhaitait vraiment accroitre le rôle du pouvoir législatif, il suffirait de respecter, voire d’étendre les prérogatives de l’assemblée nationale pour qu’elle joue réellement sa mission de contrôle de l’action gouvernementale. Or, cela ne semble pas avoir été pris en compte. Sans nécessairement créer un sénat, il faudrait renforcer les pouvoirs de nos députés de manière à ce qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle de contre-pouvoir. Cette simple disposition permettrait de créer un cadre juridique approprié à l’exercice d’un contrôle plus efficace qui aura pour fin de vérifier la conformité entre ce qui a été promis, et ce qui est réalisé. Ensuite, il faudrait à l’instar des grandes démocraties, que le gouvernement soit contraint par la loi, de rendre des comptes aux représentants du peuple qui auront été élus de manière à ce que la fonction de parlementaire soit réhabilitée aussi bien aux yeux de celui qui l’exerce et des populations mais aussi aux yeux des gouvernants.

En définitive, une réflexion profonde s’impose sur l’adéquation du régime présidentiel aux défis auxquels le Mali est confronté. Défis, qui sans réponses ancrées sur la démocratie, ne pourront être relevés que très difficilement. L’hyper présidentialisme ayant montré ses limites, ne faut-il pas tourner les regards vers un régime parlementaire?

Inna Maïga

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