Le coureur érythréen Natnael Berhane est devenu le dimanche 19 janvier le premier coureur africain à remporter le classement général de la Tropicale Amissa Bongo. Il a obtenu son succès grâce au jeu des bonifications lors des sprints intermédiaires dans la dernière étape à Libreville. Ce succès de prestige montre à quel point le cyclisme africain a progressé et ouvre la voie à tous ceux qui sont passionnés par le cyclisme sur ce continent.
De notre envoyé spécial au Gabon,
« C’est incroyable, je n’y crois pas. » Voilà les premiers mots de l’Erythréen Natnael Berhane. Quelques secondes plus tôt, il venait de franchir la ligne d’arrivée, les bras levés vers le ciel voilé de Libreville. En 2011, il avait gagné sa première étape dans ces mêmes rues et s’était révélé au grand public. Mais aujourd’hui, c’est une course professionnelle de sept jours qu’il vient de remporter. Une sacrée performance.
Un garçon attachant
Natnael Berhane a profité de sa pointe de vitesse pour remporter les bonifications du jour et détrôner l’Espagnol Luis Léon Sanchez, que tout le monde voyait déjà vainqueur. La journée fut d’une densité incroyable.
« Je veux remercier tous mes coéquipiers qui ont fait un travail énorme aujourd’hui », lance Berhane, le corps encore tremblant. Mais cette victoire est celle d’un garçon attachant, travailleur, qui a toujours cru que son destin était d’être coureur cycliste professionnel. « J’ai travaillé beaucoup en pensant chaque jour à cette victoire. Je dédie ce succès à l’Erythrée. Je suis tellement heureux que je ne sais pas quoi dire », raconte toujours aussi timidement Natnael Berhane. « Je déteste le stress, je suis comme ça », dit-il en souriant de toutes ses dents. La foule qui s’est agglutinée autour de lui prouve à quel point les choses ont changé pour le cyclisme africain.
« La Tropicale est le vrai baromètre du cyclisme en Afrique. Il y a quelques années, les coureurs africains avaient du mal. Aujourd’hui on découvre des coureurs de talent », explique son directeur sportif Jean-René Bernaudeau. Les yeux voilés de larmes, il vient de féliciter son coureur d’une longue étreinte. Jean-René Bernaudeau est un père pour Natnael Berhane. Il l’a remarqué sur les routes africaines et a fait le pari d’en faire un champion.
« J’ai découvert un beau coureur africain, intelligent, qui sera, j’espère, l’ambassadeur du continent africain. Le sport, c’est aussi la détection de talent. Aujourd’hui je suis fier d’avoir fait confiance à un Africain noir », poursuit Bernaudeau. Il ajoute : « Je suis ému, car je suis le premier à avoir fait confiance à un coureur de grand talent sans regarder sa couleur. »
« Je combats le racisme à ma façon »
Jean-René Bernaudeau avait déjà été le premier à lancer des coureurs antillais comme Yohann Gène, le vainqueur de la précédente édition. « Je combats le racisme à ma façon. Ce que je vis en ce moment, cela ne s’achète pas », précise l’ancien équipier de Bernard Hinault. « C’est le premier. A lui d’ouvrir la voie pour que tous les coureurs d’Afrique pensent que ce n’est pas impossible de le faire », nous lâche Jean-René Bernaudeau.
« C’est génial pour lui. J’ai partagé sa chambre toute cette semaine et je lui disais qu’il ne fallait pas se mettre de pression. Il est resté serein et c’est ce qu’il fallait. Il écoute tous les conseils et il est très humble. Si on le laisse progresser tranquillement, il va devenir un grand coureur », raconte volontiers Yohann Gène, qui tient là un beau successeur.
« C‘est un modèle pour nous », rapporte Rasmané Ouedraogo. Le sourire aux lèvres et le regard brillant, le coureur burkinabè résume bien ce que le cyclisme africain vient de vivre aujourd’hui.
Avec politesse et même un peu gêné, Natnael Berhane tente de se frayer un chemin dans la foule qui s’est agglutinée autour de lui. Il doit maintenant se diriger vers le podium protocolaire où le président gabonais Ali Bongo, qui a suivi la course dans la voiture de Bernard Hinault, va lui remettre son trophée.
rfi