ls se revendiquent agissant au nom de la religion en massacrant des innocents, alors que les religions œuvrent pour la paix et l’amour de l’autre. Paradoxal non ? Comme le disait un homme de foi « tuer au nom de Dieu, c’est blasphémer ! ». Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une prise en otage de notre belle religion et d’une supercherie à laquelle personne ne croit vraiment.
Avant d’être religieux, le terrorisme au Sahel est d’abord une forme de grand banditisme. La zone sahélienne est en effet l’une des plaques tournantes intercontinentales de trafics en tout genre et le djihadisme est surtout utilisé comme paravent pour les activités illicites. Derrière le terrorisme se cache ainsi le vrai problème d’une grande partie du continent : la criminalité ordinaire, qui se drape des oripeaux de l’idéologie et de l’Islam pour justifier ses attaques, pillages et exactions.
Le terrorisme au Mali c’est aussi et avant tout une tentative de déstabilisation politique, une volonté d’ébranler les fondements même de notre société avec le dessein inavoué de soumettre un peuple rebelle à toute forme de domination. Qu’on ne se trompe pas, il y a des objectifs politiques cachés derrière cette macabre recrudescence de violences gratuites et abjectes. Naturellement, face à cette injustice, de nombreux Maliens se demandent d’où viennent les équipements des groupes terroristes et surtout qui est leur bailleur ?
Qu’ils aient des sponsors extérieurs, cela ne fait l’objet d’aucun doute. Mais ne minimisons pas non plus les conséquences des rançons versées il y a quelques années, lors de la libération d’otages occidentaux. Bien que les paiements de rançon ne soient jamais officiellement confirmés par les gouvernements concernés, une enquête par un quotidien américain indique que ce sont près de 58 millions de dollars (soit plus de 30 milliards de francs CFA) qui auraient été versés par la France à AQMI ou des groupes affiliés entre 2008 et 2014 (Rukmini Callimachi, « Paying Ransoms, Europe Bankrolls Qaeda Terror », New York Times, 29 juillet 2014).
Quelques 17 millions de dollars auraient ainsi été versés à l’organisation terroriste pour la libération de quatre Français enlevés en 2010 dans une mine d’uranium à Arlit, au nord du Niger, soit plus de 2,5 milliards par personne ! Au total, AQMI et ses filiales auraient accumulé un trésor de guerre d’au moins 125 millions de dollars (plus de 70 milliards de francs CFA) sur cette période grâce aux enlèvements d’Occidentaux.
Il ne faudrait qu’on oublie aussi le fait que nos fameux terroristes sont aussi et avant tout des narcotrafiquants surfant sur l’argent des substances vénéneuses. Le 2 novembre 2009, c’est avec stupéfaction que le monde a découvert l’affaire du Boeing 727, dénommé « Air Cocaïne ». Un avion qui a atterri en plein désert, dans la zone de Tarkint, dans la région de Gao, avec 10 tonnes de drogue avant d’être incendié. Et depuis, ce trafic a pris d’autres formes alimentant les réseaux terroristes.
Qui sait, si ce n’est pas une partie de cette drogue qui contribue à assombrir l’avenir de nombreux jeunes maliens dont une forte proportion en est devenue dépendante ? Pire, les jeunes combattants terroristes sont drogués avant d’être envoyés commettre des attentats kamikazes. Quand ils disent ne pas avoir peur de la mort, ils ne mentent qu’à eux-mêmes, car on sait qu’ils agissent sous le coup de produits psychotropes comme la kétamine ou la xylazine ou drogue du zombie.
Pour mener à bien cette lutte contre le terrorisme, l’aspect militaire est certes important, mais il faudrait que les populations puissent aussi jouer leur partition. Cela passe par la dénonciation de tout acte suspect, de toute conduite inappropriée et de tout commerce illicite. Autrement dit, lorsque vous voyez quelque chose, faites passer l’information afin que les réseaux cachés puissent être démantelés et l’économie parallèle des narcotrafiquants étouffée.
Salif Sanogo