Le Forum de la coopération Chine-Afrique réunit à Pékin une vingtaine de dirigeants africains sous le regard bienveillant de Xi Jinping. Derrière les sourires et les promesses d’investissements, la dépendance économique de l’Afrique envers la Chine suscite des questions.
Il y a quelque chose de fascinant dans ces grands sommets internationaux. Pékin est à nouveau sous le feu des projecteurs, accueillant avec tout l’apparat possible une vingtaine de dirigeants africains pour le Forum de la coopération Chine-Afrique. Ce mercredi soir, 4 septembre 2024, s’ouvre en grande pompe ce qui est présenté comme le plus important sommet diplomatique dans le pays depuis des années. Photo de famille, dîner de bienvenue, discours enflammés… Le président chinois Xi Jinping met les petits plats dans les grands. Mais au-delà des sourires et des accolades, il est difficile de ne pas voir dans cet événement un jeu d’influence bien rôdé.
La Chine, deuxième économie mondiale et désormais le premier partenaire commercial du continent africain, n’a jamais caché son ambition de s’imposer comme l’acteur incontournable du développement africain. Routes, ponts, infrastructures, prêts généreux : Pékin s’active depuis des années à façonner l’avenir économique de l’Afrique. Certains y voient une aubaine, une opportunité inespérée de rattraper un retard criant en matière de développement. Et il est vrai que les chiffres impressionnent : des milliards d’investissements, des projets colossaux, des villes métamorphosées.
Mais, car il y a toujours un « mais », cette belle histoire de coopération a aussi un arrière-goût amer pour beaucoup. L’Afrique, véritable terrain de jeu économique pour les grandes puissances, semble parfois prise dans une relation un peu trop déséquilibrée avec l’Empire du Milieu. Les prêts chinois, généreusement accordés à des conditions alléchantes, finissent par devenir un fardeau pour nombre de pays africains, pris dans la spirale de la dette. Combien de fois a-t-on entendu parler de projets faramineux financés par la Chine qui, quelques années plus tard, s’avèrent peu viables, laissant derrière eux des dettes impossibles à rembourser ?
Construire sans perdre son indépendance en chemin
Et que dire des contreparties politiques ? Si la Chine se garde bien d’intervenir directement dans les affaires internes de ses partenaires africains, le poids de son influence est indéniable. Chaque nouveau projet, chaque nouvelle infrastructure, s’accompagne discrètement d’une dépendance croissante vis-à-vis de Pékin. Certains observateurs parlent même d’un « néo-colonialisme économique », un terme fort, certes, mais qui soulève des questions légitimes.
En attendant, sur la scène diplomatique, le spectacle continue. Xi Jinping, maître de cérémonie, prononcera sans doute un discours empreint de promesses et de bonnes intentions, soulignant l’importance d’une coopération « gagnant-gagnant ». Mais cette relation est-elle réellement équilibrée ? L’Afrique, en quête désespérée de développement et d’infrastructures modernes, semble parfois trop vite séduite par les sirènes chinoises. Derrière les accords et les contrats se cache une réalité plus complexe, celle d’une dépendance qui pourrait bien coûter cher à long terme.
Alors, que restera-t-il de cette grande photo de famille prise à Pékin ? Pour l’instant, les sourires sont là, les poignées de main aussi. Mais il faudra bien plus qu’un grand dîner et des discours pour répondre aux vrais défis du partenariat sino-africain. L’Afrique a besoin d’infrastructures, c’est indéniable. Mais elle a surtout besoin de les construire sans perdre son indépendance en chemin.
Oumarou Fomba