Je ne soutiens ni Issiaka Sidibé ni le Figaro du Mali. Car la question du moment n’est pas de déterminer son camp, mais de se poser des questions. A qui profite le bruit ? Pourquoi cet article ? A quelle fin ? Plus d’une semaine que l’on ne parle que de ce fait certes divers mais particulier en raison de la personne en cause.
Qu’a-t-on gagné à disserter sur des suppositions ? Une affaire du genre, on évite d’en rapporter par souci d’apaisement social. On le tait pour préserver l’image du Mali même si c’est vrai à fortiori… ! Ce n’est pas tout ce qu’on sait qu’on rapporte. Comme dit le proverbe bambara “on dit certaines choses, on garde d’autres au fond de soi” cela même quand ces choses sont vraies à fortiori…!
Pour la stabilité du pays, on se doit de prôner d’autres postures que d’attiser le feu et de cliver la population. Trainer une personne dans la boue n’est pas une atteinte à son seul être, c’est une salve contre son honneur dont pâtira in extenso sa famille, son cercle, etc.
Vivant à l’étranger, je me désole non seulement de cet inutile débat qui nous dévie de la réalité bien intéressante du Mali mais de l’image qu’il renvoie de mon pays qui a pourtant à en revendre.
Ceux qui profitent de cette regrettable parenthèse pour vouloir écorner l’image du Mali doivent se rendre à l’évidence qu’ils ont loupé le coche. Non seulement cette “affaire” n’en est pas une mais qu’elle ne peut servir d’alibi sérieux pour parler du Mali sérieusement.
Non, le Mali n’est pas devenu un pays “de promotion de la perversité” ! Non, le Mali, avance avec certes des difficultés inhérentes à toute sortie de crise mais cette avancée est perceptible à l’aune des réussites des grands raouts diplomatiques. Les chefs d’Etat seraient venus si le Mali n’était pas un pays respectable ? Je ne pense pas. Respectons-nous quand les autres nous respectent.
A-t-on souci de la stabilité du pays ? J’ose croire et je l’espère sinon… A-t-on pensé une fois aux conséquences de polarisation de la société sur un fait du genre “ragot” ? A-t-on pensé à la dignité de l’homme ou au foyer de la secrétaire ? Le puritanisme absolu est une vaine obsession ; balayons chacun devant notre porte avant de le réclamer aux autres.
Quand je dis qu’on ne doit pas dire tout, loin de moi l’idée d’encourager les pratiques blâmables sous le sceau de l’institutionnel. Non, je ne voudrais pas sacrifier la morale publique à l’autel de la protection de personnalités mais j’encourage à privilégier la stabilité des institutions et partant de l’État lui-même. Même quand la preuve est patente, il y a intérêt à étouffer “certaines affaires” par respect non pas aux personnes qui en sont les auteures mais pour les charges publiques qu’elles assument. Même quand elles sont vraies à fortiori… !
L’histoire politique foisonne des relations connues des cercles mais gardées au secret pour préserver l’image des institutions et du pays. Souvenez-vous de la romance d’Anne Pingeot ! Tout le monde le savait mais il fallait le taire pour l’intérêt du couple présidentiel et de la France.
Nombre de journalistes savaient la liaison de Chirac avec Jacqueline Chabridon mais l’histoire a été révélée quand elle ne comportait plus de risque de basculement pour les institutions. Au milieu des années 1970, le fringant Premier ministre avait toutes les chances de remporter les élections, toute chose qu’allaient compromettre un divorce et un remariage avec la journaliste de Figaro.
N’a-t-on pas par convenance caché le sacrifice à Vénus de Félix Faure même si son adversaire politique Clémenceau donnera cette épitaphe qui restera pour l’éternité “Il voulait être César, il ne fut que Pompée”.
Qui a entendu parler de Marita Lorenzo jusqu’à la publication de son livre en 2016 ? Ce silence consenti ou imposé l’a été pour l’intérêt de la cause d’une nation. A-t-on polémiqué outre mesure sur la passade présidentielle ayant impliqué Marilyn Monroe ? La presse compose avec les autorités pour garder certains secrets dans l’intérêt de l’Etat, car un journaliste est aussi un citoyen n’ayant son intérêt que dans la stabilité du pays.
Edgar Faure, le plus jeune avocat de son temps, qui devint président de l’Assemblée nationale, a été accusé d’avoir fait construire une porte dérobée dans l’Hôtel de Lassay pour pouvoir rencontrer ses maîtresses en toute discrétion. Mais ce n’est que bien plus tard quand cette rumeur n’avait plus d’incident sur la stabilité des institutions de la France, qu’elle a circulé.
Sait-on que des articles peuvent produire des drames involontaires ou volontaires ? L’Affaire Markovic insinuant la participation à des “parties fines” du couple Pompidou, n’était destinée qu’à déstabiliser le candidat.
Madame Caillaux n’a-t-elle pas pénétré dans les locaux de Figaro pour tirer sur le directeur qui tirait à boulets rouges sur son mari ?
Faisons attention à ne pas briser des vies, des carrières ! A-t-on encore fini d’évaluer les conséquences politiques et humaines de l’affaire DSK ? A-t-on oublié la triste histoire de la reine Nothando Dube de Swaziland accusée de se déguiser en soldat pour aller rejoindre son amant… le ministre de la Justice Ndumiso Mamba ? A-t-on déjà oublié Enock S. Ruberangabo vice-ministre des Postes et Télécommunications en RDC, limogé le 29 avril 2016 pour avoir “gravement manqué” à son “devoir déontologique et éthique”. Je ne défends ni DSK, ni la reine encore moins le ministre, car leur cas est indéfendable en raison des images et des charges lourdes irréfutables. Mais attention, tous les cas ne sont pas identiques.
Faisons attention à ce que nous écrivons ! Ne sacrifions pas l’honneur d’un être humain à ce haut niveau de responsabilité au motif d’une sacro-sainte liberté de la presse. Je soutiens les journalistes qui ont payé le prix fort pour l’avènement de la démocratie. Mais évitons que la mauvaise graine ne pollue une corporation héroïque par ses combats et indispensable pour l’essence de la démocratie.
Issiaka Sidibé est un être humain avec ses qualités et ses défauts mais il est surtout une personnalité de la République. Si ce statut ne peut l’exonérer d’attaque, il lui assure au moins le minimum de respect. Grand commis de l’Etat dans le domaine qu’il a connu le mieux, le douanier n’est pas un vulgaire type parachuté à la tête d’une institution et qui y trimballe ses tares. Non Isac comme l’appellent les intimes, est un des cadres de la 1ère heure du RPM né de la gestation d’Alternative 2002. Il a été élu député pour la première fois en 2002 devenant rapporteur de la Commission des finances. Au plus fort de la campagne de chasse aux sorcières contre les acteurs d’Alternative 2002 ou encore du FDR, jamais il n’a germé dans l’esprit d’Isac d’abandonner le navire qui tanguait dangereusement.
Si IBK n’a pas souhaité sa présence au perchoir, ce n’est point par inimitié mais par prudence en vue d’éviter que les esprits étroits y voient une promotion de famille. Hélas, on cherche un pou sur un crâne rasé !
Moussa Cissé
Ecrivain Paris
Source: La lettre du Mali