Alors que s’amorce la transition qui veut voir émerger un Mali nouveau, nous avons demandé à un échantillon de Maliens (non exhaustif) de nous définir leur Mali kura. Dans différents domaines, huit en tout (politique, économie, éducation, santé, justice, sécurité, culture, sport) la rédaction a fait le choix d’ouvrir ses colonnes en cette semaine commémorative du soixantenaire de l’Indépendance.
Housseyni Saye, maire de la commune urbaine de Bandiagara : « Au Mali, il est essentiel de désarmer toutes les milices »
Mon Mali nouveau est un Mali d’une nouvelle attitude. Jusqu’ici, si les Maliens ne se sont jamais relevés, ce n’est pas à cause des textes, mais plutôt des hommes. Il n’y a pas de pays sans sécurité, sans armée. Un État suppose qu’une communauté de vie existe en son sein, mais pour que cela existe, il faut qu’il y ait des hommes qui le défendent. Nous avons petit à petit tué cette armée dans toutes ses valeurs : par la corruption, par le népotisme, par des hommes n’ayant pas la vocation. Il n’est pas possible de comprendre qu’il existe une armée et qu’à côté nous avons des milices qui n’ont rien à avoir avec la République, avec nos communautés, et qui sèment le désordre. Le pays est grand et la nature a horreur du vide. Nous ne pouvons pas avec 10 ou 15000 hommes et des moyens dérisoires contrôler un tel territoire. Nous avons sept frontières, nous devons les maîtriser. Il faut être sérieux. Le Malien ne l’est pas, du lambda au dirigeant. Dans le Mali nouveau, la sécurité, la défense, l’intégrité territoriale et la réconciliation doivent être les priorités nationales. Il nous faut plus d’hommes pour la défense du territoire, avec des matériels de pointe. Dans le Mali nouveau, il est essentiel de désarmer toutes les milices. Seule l’armée nationale doit détenir des armes, pour la sécurité et la sécurisation, pour la paix dans le pays. Il doit y avoir une tolérance zéro pour la détention d’armes illégales, les lois doivent être fortes et nous ne devons pas badiner avec. Dans le Mali nouveau, il faut l’exemplarité. Tantôt les Dogons accusent l’armée de quelque chose, tantôt ce sont les Peuls. Une armée n’a pas besoin de cela. L’État doit assumer sa position. C’est cette irresponsabilité et cette absence qui nous ont conduits là où nous sommes. Au centre, ne nous sommes pas sentis Maliens dans cette crise et les forces du mal ont pris le dessus. Ce n’est pas normal. Nous devons donc mettre la sécurité au centre de tout dans le Mali nouveau.
Modibo Galy Cissé, chercheur : « La sécurité est à un pays ce que la santé est à l’Homme ».
La sécurité est l’état d’une situation présentant le minimum de risques. C’est aussi l’état d’esprit d’une personne qui se sent tranquille et confiante. Le renouveau du Mali passe par la sécurité, l’absence de troubles, gage de la tranquillité de l’âme, comme l’écrivait Épicure.
Pour l’individu ou un groupe, c’est le sentiment (bien ou mal fondé) d’être à l’abri. Ce qui n’est plus d’actualité dans une bonne partie du Mali, à cause de la menace sécuritaire, qui a créé une situation dommageable. Le Mali nouveau naîtra du rétablissement de cette sécurité pour que l’État puisse jouer pleinement son rôle régalien. Cela passe par l’extinction de tous les groupes armés, au premier rang ceux d’obédience communautaire, qui poussent comme des champignons dans le pays et nuisent à l’union des cœurs et des esprits des fils du Mali. Cela permettra la restauration de la confiance entre les FAMa et les populations, condition sine qua non du renouvellement du contrat social entre gouvernants et gouvernés. C’est ce pacte qui permettra à l’État de régner, voire de rayonner, grâce à la confiance dont il jouira.
La sécurité est un tout et pour la réussir on a besoin du concours de tous. Les forces de défense et de sécurité du Mali kura doivent allier leur rôle de force de répression et celui de force d’éducation. Métier de sacerdoce, le port de l’uniforme doit être volontaire, motivé par le don de soi et le sacrifice. Pour ce faire, la pesanteur sociale qui fait que les recrues ne sont pas toutes à la hauteur (ni compétence, ni base éthique) doit être bannie par les Maliens pendant les recrutements. Et le nouveau Mali pourra compter sur une armée dans laquelle « les ânes courent moins vite que les chevaux », contrairement à la situation actuelle.