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Terrorisme au Sahel : un nouveau front à la frontière mauritanienne

Où déployer les forces pour contenir les terroristes djihadistes ? La question mérite d’être posée après l’attaque perpétrée dans la région de Ségou.


La nouvelle attaque contre une emprise militaire à l’ouest de Ségou, à 80 kilomètres à peine de la frontière mauritanienne, place désormais cette région comme le second point chaud du pays. Juste après celle des trois frontières qui jouxtent le Niger et le Burkina Faso où sont prévus, depuis le sommet de Pau, des renforts du dispositif français Barkhane et des bataillons africains du G5 Sahel censés éradiquer les GAT, les groupes armés terroristes affiliés à l’État islamique à l’origine de la mort de centaines de soldats. Dans la région de Ségou, en revanche, aucun renfort ne semble être à l’ordre du jour alors que cette vaste zone peuplée est sillonnée par des GAT, qui se réclament, eux, d’Al-Qaïda. Ce sont probablement leurs combattants qui ont tué 20 gendarmes en prenant d’assaut leur camp de Sokolo, situé dans le cercle de Niono.

Une attaque perpétrée comme d’habitude à cinq heures du matin, qui a surpris les militaires endormis et les sentinelles, pas assez nombreuses ou qui n’étaient pas sur leurs gardes. Personne n’a entendu arriver les motos des terroristes, qui ont dû franchir à pied les derniers mètres. Deux heures de combat avant que les terroristes se rendent maîtres du camp et emportent une dizaine de véhicules, des armes, des munitions et leurs cadavres pour les enterrer eux-mêmes, afin qu’ils ne puissent pas être reconnus. Le temps que les renforts arrivent de Diabaly, pourtant situé à peine à une dizaine de kilomètres, ils s’étaient évanouis dans la nature. L’avion de reconnaissance de l’armée malienne n’a rien vu non plus.

Après chaque attaque, les terroristes s’égaient par petits groupes de deux ou trois motos dans une région traversée par une multitude de pistes à travers les champs, des canaux, des bosquets et des hameaux peuplés d’habitants terrorisés par des GAT, qui contrôlent aujourd’hui de facto les campagnes laissées à l’abandon, comme dans la région des trois frontières. Le vide sécuritaire et administratif a laissé peu à peu la place à la loi des djihadistes, qui enrôlent les jeunes sans travail, en colère contre l’État et la corruption des fonctionnaires et des militaires qui prélèvent, pour augmenter leur solde souvent inexistante, des « taxes » indues aux contrôles prétextes qu’ils opèrent à la sortie des villages, sur des pistes peu empruntées par les terroristes.

La méthode mauritanienne

Du coup, la région passe sous leur emprise qu’il sera très difficile d’éliminer, comme c’est le cas dans la région des trois frontières où troupes africaines et françaises devraient bientôt se concentrer, sans garantie de résultats. En activant leur front à l’ouest, les GAT, dans une entente tactique, pourraient « soulager » leurs effectifs du centre qui vont très vite se retrouver face à plus de soldats. L’objectif recherché par les chefs terroristes est de redéployer, afin qu’elles dégarnissent les trois frontières, une partie des troupes du G5 vers la Mauritanie. Un pays que les GAT ne se risquent plus à attaquer, car il a su s’adapter à la situation sur le plan intérieur, en surveillant de très près ses imams, tout en les convainquant du bien-fondé de la lutte antiterroriste en leur concédant une marge de manœuvre, sur le plan religieux; qui pourrait valoir de pacte de non-agression avec les extrémistes.

Du coup, à Nouakchott, pas d’imams, comme on le voit à Bamako, qui vocifèrent dans les rues pour fonder un parti politique et demander le départ des troupes françaises, plus discrètes. Ce sont pourtant des forces spéciales tricolores qui ont été les mentors sur la frontière des groupements d’intervention mauritaniens, très impliqués dans la lutte antiterroriste. Une politique volontariste de Nouakchott qui s’est traduite par une remise à niveau de ses armées, avec un escadron de reconnaissance, trois bataillons parachutistes, d’autres d’infanterie et deux de troupes à chameau de la Garde nationale, qui connaissent le désert comme leur poche.

Beaucoup ont déjà opéré avec succès par le passé contre des GAT en territoire malien, au nom d’un accord sur le droit de suite. Le même qui unit le Mali et le Burkina Faso, inclus aussi dans le G5, mais qui ont eu il y a quelques mois des différents à propos de leur souveraineté nationale, alors que les groupes terroristes, eux, ne s’embarrassent pas des frontières pour perpétrer des massacres dans les deux pays. Dans les zones près de la Mauritanie où les gendarmes ont été tués, les djihadistes ne la franchissent pas : ils préfèrent rester au Mali et se réfugier dans la forêt de Wagadou qui leur sert de bases arrière. Une immense étendue d’acacias et d’épineux d’une centaine de kilomètres de long sur une quarantaine de large où ont déjà été menées des opérations combinées avec l’armée mauritanienne.

Une zone « oubliée »

En novembre dernier, les soldats maliens s’y sont risqués seuls avec un succès mitigé. Ils ont, selon un bilan contesté, tué des djihadistes, en essuyant des pertes importantes pendant les combats contre un ennemi à l’abri derrière des tranchées et des mines antipersonnel. À partir de ces repaires, les islamistes lancent des opérations contre des convois ou des postes de l’armée. Le 13 décembre dernier, le sous-préfet de Farako a été enlevé à son domicile par des hommes à moto, toujours dans la région de Ségou.

Le directeur de l’Académie de Ségou avait adressé une lettre ouverte au ministre de la Sécurité et de la Protection civile pour attirer son attention sur ce qui se passe dans cette zone « complètement oubliée des autorités où il n’y a même pas une base militaire pour sécuriser les populations », écrit Mali info. En février 2019, un préfet et un journaliste kidnappés avaient pu être libérés. Un juge de Niono, lui, était mort aux mains de ses ravisseurs en 2017. Le 2 janvier de cette année, les djihadistes ont attaqué la prison civile de Niono, la ville au centre de la zone en guerre permanente. Sans succès.

Ils ont perdu un homme dans cet assaut manqué. Mais en décembre 2016, ils avaient réussi leur coup en faisant évader 93 détenus, dont probablement plusieurs de leurs membres. Une présence qui remonte à loin. En 2013, pendant la remontée sur Tombouctou à travers la même région de la colonne de l’opération Serval commandée sur le terrain par le général Barrera, les groupes terroristes étaient déjà présents. N’osant pas se frotter aux blindés français, ils s’étaient repliés avec leurs pick-up dans la forêt de Wagadou. Sept ans après, ils sont toujours là. Et personne n’a réussi à les déloger.

Sourcelepoint.fr

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