Une brouille diplomatique s’est installée entre l’Algérie et le Mali, voire avec les pays de l’Alliance des États du Sahel. Les relations étaient devenues tièdes entre Bamako et Alger à cause de la situation d’insécurité dans le nord Mali.
Mais ce qui viendra exacerber davantage la crise, c’est la destruction – début avril à Tinzaouatène – d’un drone malien par l’Algérie. Le Mali a de facto accusé l’Algérie de soutenir le terrorisme.
Les trois pays ont – à l’unanimité – condamné la destruction du drone de Bamako par Alger.
Solidarité des pays AES
Un communiqué conjoint du collège des chefs d’Etat de la confédération AES a considéré la « destruction du drone des forces armées maliennes comme étant une action visant tous les Etats membres de la confédération AES et une voie perfide dans le cadre de la promotion du terrorisme ainsi que de contribuer à la déstabilisation de la région ».
L’Algérie a rejeté ces accusations et assure que son espace aérien a été violé sur une distance de 1,6 km par le drone malien qui prenait une « trajectoire offensive ».
Le gouvernement algérien a dit regretter profondément, ce qu’il appelle, l’alignement inconsidéré du Niger et du Burkina Faso sur les thèses présentées par le Mali.
Par mesure de réciprocité, l’Algérie a ensuite rappelé l’ensemble de ses ambassadeurs en poste au Mali, au Niger et a décidé de reporter à une date ultérieure, la prise de fonction de son nouvel ambassadeur au Burkina Faso.

La décision de l’Algérie de fermer son espace aérien au Mali intervient dans le cadre d’une polémique sur l’abattage d’un drone malien.
Enfin, l’Algérie a annoncé la fermeture de son espace aérien au Mali. Bamako a répliqué en fermant à son tour son espace aérien. Depuis c’est le statu quo.
La crise Algérie/AES n’a pas surpris !
Pour nombre d’observateurs, la crise entre la nouvelle Alliance du Sahel et l’Algérie n’a pas été une surprise.
« Nous ne sommes pas tout à fait surpris. Depuis la dénonciation de l’accord d’Algérie par le Mali, il fallait s’attendre à une réaction d’une manière ou d’une autre de la part d’Algérie », a déclaré Amadé Adama Soro, spécialiste du monde arabe et des questions géopolitiques, journaliste, éditorialiste.
Accord d’Alger
L’accord d’Alger qui visait à mettre fin à la guerre du Mali, a été signé le 15 mai et 20 juin 2015 à Bamako — après des négociations menées à Alger — entre le Mali et les séparatistes Touareg.
« La situation s’est détériorée avec la destruction du drone malien par l’armée algérienne », indique-t-il.
Le journaliste, éditorialiste affirme que même s’il y a une tension entre l’Algérie et les trois pays, la porte du dialogue n’est pas totalement fermée.
« L’Algérie continue d’avoir des relations avec le Niger, avec le Burkina Faso », a-t-il insisté.
« Ça ne doit pas dégénérer sur une crise ouverte… L’affaire est restée circonscrite au niveau diplomatique », a assuré le chef du service Actualité internationale sur Savane médias ajoutant qu’il ne pense pas qu’il va y avoir une escalade.
« D’ici là, les deux parties vont privilégier le dialogue. La preuve est que le Burkina Faso a reçu récemment (en avril) un grand dignitaire religieux algérien de la confrérie tidjanite », a-t-il rassuré.
Pour l’éditorialiste, les voies diplomatiques doivent s’activer pour réconcilier tous ces pays qui sont frères et qui partagent le plus souvent les mêmes populations de part et d’autre de leurs frontières.
Le temps de la diplomatie
Des pays neutres ou des puissances régionales d’Afrique ou d’ailleurs peuvent jouer un rôle important pour rapprocher les positions et consolider toute cette zone dans la lutte contre le terrorisme. Des leaders culturels ou religieux peuvent avoir aussi leur partition à jouer.
Aucun pays ni soutien n’est de trop dans l’alliance qui doit combattre et terrasser le terrorisme dans le Sahel.
De toute façon, nombre d’observateurs de la situation géopolitique de la région estiment qu’il est urgent de recourir à des facilitateurs pour renouer le dialogue entre les deux pays qui ont besoin de coopération face au terrorisme.

La crise Algérie/AES n’a pas surpris (Photo : AES Infos)
Dans la région, le président ghanéen John Mahama qui a un envoyé spécial dédié à la confédération AES dont fait partie le Mali peut être utile.
L’Union Africain a sa partition à jouer, avec notamment son président en exercice l’Angolais João Lourenço, qui vient de réussir avec tact à obtenir la libération du président déchu du Gabon Ali Bongo et de sa famille, contribuant à la réconciliation dans ce pays.
L’Afrique du Sud, un profil très intéressant
Sans parler de l’Afrique du Sud, un pays qui entretient de bonnes relations avec les deux capitales Bamako et Alger.
La diplomatie sud-africaine, par ses initiatives audacieuses et souveraines comme la plainte en génocide contre Israël et les efforts de correction des inégalités postapartheid, est une voix crédible qui peut jouer un rôle important en arrière-plan. Sa présence parmi les pays des BRICS qui tentent de créer une voie vers un monde plus équilibrée est un autre atout non négligeable.
Tous ces efforts pourront aider à relancer le Comité mixte algéro-malien chargé du suivi de la coopération militaire et technique qui avait été créé en octobre 2005 et qui se réunissait tous les ans alternativement au Mali et en Algérie.
Sa première session du comité a eu lieu en 2006 et sa 15e et dernière session en janvier 2023.
Vivement une nouvelle session pour que tous se concentrent mieux sur la lutte contre le terrorisme dans le Sahel