Dans un entretien à bâtons rompus, le président du Groupement des importateurs et distributeurs agrées des intrants agricoles du Mali (Gidiam) Sinaly Bakaïna Traoré, dénonce la corruption et le favoritisme dans le secteur des marchés des engrais. Selon lui, l’Etat malien débourse chaque année des milliards de Fcfa, qui sont détournés après par certains opérateurs économiques. Rien qu’en 2019, beaucoup de paysans n’ont pas reçu leurs intrants alors que les mandats sont au Trésor public pour régler les factures de certains fournisseurs.
Le président du Groupement des importateurs et distributeurs agrées des intrants agricoles du Mali (Gidiam) Sinaly Bakaïna Traoré est très remonté cette fois-ci contre le département de l’Agriculture qui a ficelé la liste des fournisseurs retenus pour l’approvisionnement des producteurs en intrants agricoles subventionnés par l’Etat au titre de la campagne 2020. Selon lui, tout a été mis en place pour faire éliminer les sociétés qui n’ont pas les moyens de mettre la main à la poche afin de corrompre certains membres de la commission. Il s’agira tout simplement de faire disparaitre ces sociétés puisqu’en quelques années, certaines entreprises étaient obligées de fermer boutique pour ne pas avoir des soucis avec les impôts.
La raison est simple : les marchés sont partagés entre les gros opérateurs économiques qui ont d’ailleurs de la peine à les exécuter.
Le Groupement des importateurs-distributeurs agrées des intrants agricoles du Mali a été donc créé en 2016 pour soutenir la politique de la sécurité alimentaire et défendre les intérêts de ses membres. D’où la démarche entamée depuis des mois pour que la campagne agricole 2020 puisse être une réussite. Cela passe obligatoirement par l’implication de tous les acteurs. Malheureusement, beaucoup de gens ont été surpris après la publication de la liste des fournisseurs, le 26 juin 2020.
C’est la catastrophe, selon Sinaly Bakaïna Traoré. “C’est du jamais vu ! Je pense que c’est du n’importe quoi. Nous avons été très surpris de voir les noms de beaucoup de sociétés qui ne sont pas dans notre secteur. Donc, elles sont néophytes en la matière. Et comment vont- elles procéder à la distribution des engrais pour que les paysans puissent recevoir à temps leurs produits ? Je ne pense pas qu’elles seront capables de le faire”, nous a confié Sinaly Bakaïna.
Ensuite, il dénonce le favoritisme et la magouille dans le secteur : “Aujourd’hui, le marché des engrais est devenu un véritable réseau mafieux que nous avons toujours dénoncé. Imaginez, des fabricants d’engrais sont devenus eux-aussi distributeurs en même temps. Des opérateurs économiques évoluant auparavant dans d’autres domaines sont devenus des fournisseurs d’engrais. Il est temps que l’Etat prenne ses responsabilités. Tout le monde est devenu fournisseur d’engrais.
Au finish, les vrais acteurs vont leur laisser la place et fermer boutique, alors que nous contribuons à la création d’emplois et à la lutte contre le chômage”.
Aux dires du président du Gidiam, la campagne agricole 2020 souffre d’incohérence : “Pour la première fois, chaque postulant a déboursé 500 000 Fcfa pour avoir les dossiers de la manifestation d’intérêt. Pire encore, c’était ouvert seulement aux sociétés qui ont un chiffre d’affaires de 10 milliards de Fcfa. C’est une façon d’écarter les petites sociétés comme nous. Quand nous avons dénoncé, le ministre de l’Agriculture Baba Moulaye Haïdara a eu peur. Finalement, le département a choisi 23 sociétés dont certaines ne sont pas dans le domaine de distribution des intrants agricoles”. Selon lui, il est important de supprimer le système de monopole et de revenir sur l’ancien système, à savoir la concurrence pour que les paysans puissent recevoir à temps leurs engrais.
Dans une correspondance adressée au ministre de l’Agriculture, le 27 avril 2020, le Président du Gidiam précise : “La manifestation d’intérêt lancée par le département pour la sélection de certains fournisseurs au titre de la campagne 2020 ne favorise pas la promotion des Pme-Pmi et est contraire aux dispositions du décret N°2018-0473/PM-RM du 28 mai 2018.
Les critères énumérés sont inspirés de l’Appel d’offres de la Cmdt, mais la Cmdt n’impose pas de chiffre d’affaires dans ses critères. Au contraire, dans l’esprit du décret, elle a fait l’allotissement d’une quinzaine de lots de 1 000 tonnes aux Pme-Pmi”. Avant de souligner : “Aussi, au regard de l’actualité dominée par la pandémie de Covid 19, qui est en train de compromettre toutes les initiatives de croissance, il est important d’élargir la participation à la fourniture d’intrants au bénéfice de l’atteinte des objectifs de production. Le manque de concurrence ne permet pas d’offrir aux paysans des intrants de qualité et à moindre coût”.
El Hadj A.B. HAIDARA
Source: Aujourd’hui-Mali