Les deux sections syndicales qui se partagent les agents de ce corps sont divisées sur la question du statut. L’une réclame leur rattachement au ministère de la Sécurité et de la Protection civile. L’autre estime qu’ils doivent rester sous la tutelle de la Justice.
La situation actuelle des fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée prête à confusion. Ce corps paramilitaire qui intervient dans la sécurité, à travers ses missions d’exécution des décisions de justice privatives de liberté, de sécurisation interne et externe des établissements pénitentiaires et de réinsertion sociale des personnes détenues, est du ressort du département de la Justice et des Droits de l’Homme. Mais les surveillants de prisons militent dans deux sections syndicales, notamment la section syndicale des surveillants de prisons (SSSP) et la section syndicale des surveillants de prison du Mali.
Le combat de la première section syndicale est de ramener ce corps dans le giron du département de la Sécurité et de la Protection civile. Elle n’apprécie guère de voir les surveillants maintenus dans leur statut actuel et dénonce un amalgame. Elle déplore aussi des conditions de vie précaires et espère à travers leur rattachement au ministère de la Sécurité une amélioration de leurs conditions. En effet, créé depuis 1996, le corps des surveillants de prisons semble être laissé pour compte. Ils effectuent un travail difficile, souvent au péril de leur vie. Il est utile de rappeler les turbulences connues par ce corps qui réclamait un statut particulier prenant en compte leurs préoccupations essentielles. En mars dernier, la SSSP a déposé un préavis de grève de 120 heures, soit 5 jours d’arrêt de travail. Les syndicalistes avaient exprimés trois points de revendications à savoir : l’adoption des deux décrets relatifs aux primes et indemnités à allouer aux fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée et l’application intégrale de la loi n° 031/2016 du 7 juillet 2016 relative au statut des fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée. Enfin, ils avaient aussi émis le vœu de voir le rattachement des fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée au ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Cette cessation de travail qui aurait eu certainement des conséquences désastreuses sur les services pénitentiaires a avorté parce que le mot d’ordre de grève a été levé à la dernière minute, après la signature d’un protocole d’accord avec le gouvernement à l’issue d’un processus de conciliation.
Le secrétaire général de la SSSP, lieutenant Daouda Konaté, édifie suffisamment sur ce corps et ses préoccupations actuelles. Selon lui, le corps des surveillants de prisons a été créé dans de circonstances pas favorables suite de la radiation de 800 élèves gendarmes, et à travers le décret du 17 janvier portant statut particulier des fonctionnaires du cadre de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée.
Cinq cent de ces gendarmes radiés avaient rallié le corps de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée. Les 300 autres ont été versés dans le corps de la Protection civile.
Le syndicaliste explique que le transfert de compétences n’a pas été encadré, encore moins suivi entre surveillants de prisons et gardes pénitentiaires d’une part, et entre surveillants de prisons et administrateurs d’autre part. Le syndicaliste pointe du doigt, le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme qui de par son statut de tutelle n’a pris aucune mesure pour s’imprégner des principes fondamentaux d’organisation et de fonctionnement d’un service complexe de sécurité. « Ces insuffisances continuent à impacter les grandes orientations politiques et stratégiques de l’administration pénitentiaire dans notre pays », souligne notre interlocuteur.
A titre d’illustration, Daouda Konaté relève que contrairement à toutes les forces militaires et paramilitaires, le ministère de la Justice n’arrive pas à recruter malgré l’effectif très critique des fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée, en dépit de la situation sécuritaire du pays. Le syndicaliste dresse l’état des lieux et évoque l’urgence et la nécessité de recruter dans le domaine. « Le besoin de recevoir un nouveau souffle est criard pour ce corps. Il y a 59 maisons d’arrêt dans le pays et notre effectif n’atteint même pas 800 », explique le responsable de la SSSP. Il s’empresse de préciser aussi que depuis la transposition de la Fonction publique au ministère de la Justice en 2016, il n’y a pas eu de recrutement parce que ce département ne maîtrise pas le mécanisme de recrutement d’un corps de sécurité, selon lui.
Pour le surveillant de prison, l’administration n’arrive pas non plus à doter convenablement les fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée, notamment en tenues et matériels de sécurité. Il mesure la fragilité de ce corps et réclame une amélioration des conditions de vie de surveillants de prisons. Pour lui, le préalable à ce niveau, c’est de verser le corps des surveillants de prisons dans le giron du ministère de la Sécurité et de la Protection civile. « Nous relevons du ministère de la Justice et des Droits de l’Homme qui n’est consulté que sur des questions juridiques et judiciaires. Ce ministère ne maîtrise pas les mécanismes de fonctionnement d’un corps paramilitaire. Il oublie souvent qu’il a un corps de force de sécurité à gérer », soutient notre interlocuteur. Par ailleurs, il tient à lever toutes équivoques sur leur situation. Il renchérit : « Nous sommes un corps de sécurité. Nous ne pouvons pas travailler comme des fonctionnaires classiques compte tenu de nos spécificités. Pour que nous soyons compris, il est nécessaire aujourd’hui que nous soyons rattachés au ministère de la Sécurité et de la Protection civile ». Daouda Konaté indique aussi qu’à l’image de la Gendarmerie nationale et de la Garde nationale, le corps de surveillants de prisons peut être rattaché au ministère de la Sécurité tout en permettant au département de la Justice de garder tout son pouvoir de contrôle judiciaire sur le fonctionnement des établissements pénitentiaires.
D’après lui, cette mesure aura pour avantage de favoriser le développement du service public pénitentiaire, de dispenser le ministère de la Justice de la gestion de questions qu’il ne maîtrise pas. Par ailleurs les fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée pourraient bénéficier des avantages de la loi de la réforme de la sécurité et de la loi de programmation militaire. Si le rattachement du corps des surveillants de prisons est le cheval de bataille de cette branche syndicale, l’autre branche affiliée à l’UNTM pense le contraire. Son secrétaire général, le capitaine Abdoulaye Fofana, pense que la question n’est pas d’actualité. « Cela ne résoudra pas les problèmes. Également les standards internationaux veulent que toutes les administrations pénitentiaires soient rattachées au ministère de la Justice » estime-t-il. Cependant, il avoue que le ministère de la Justice ne maîtrise pas bien l’aspect paramilitaire.
La plupart de ses cadres ne sont pas des techniciens de forces de sécurité. Par conséquent, ce département doit avoir la charge de faire recours à des cadres de l’administration pénitentiaire pour qu’ils puissent l’épauler en plus du directeur national dans ses œuvres quotidiennes. « Il faut des inspecteurs, comme conseiller pourquoi pas comme secrétaire général pour que les soucis puissent être mieux cernés mieux traités et gérés », propose-t-il.
La section syndicale dirigée par le capitaine Abdoulaye Fofana se penche alors sur d’autres doléances notamment l’application effective de la loi n° 031/2016 du 7 juillet 2016 relative au statut des fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée. Elle souhaite que les surveillants de prisons soient inclus dans les missions onusiennes et plaide pour la création d’une direction générale.
Il y a quelque temps, le Conseil des ministres a adopté le 5 mai dernier, un projet de décret portant allocation d’une indemnité de logement aux fonctionnaires du cadre de la surveillance des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée, et fixant les montants mensuels d’indemnité de logement.
La SSSP qui trouve cette indemnité insuffisante, a fait un mémorandum pour la dénoncer. L’indemnité de résidence figure également parmi ses doléances. « Depuis qu’il y a eu le basculement (les gardiens de prisons ne sont plus gérés par le statut général), la Fonction publique a rétracté cette ancienne indemnité. De janvier 2017 à maintenant, on a pas touché un centime au titre de cette indemnité », se plaint le syndicaliste Fofana qui milite également pour l’accès au titre d’officiers de police judiciaire.
Même si les doléances des deux sections syndicales tendent à l’amélioration des conditions de vie, la question de la tutelle divise. A ce propos, le conseiller technique au ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, Mathieu, joint au téléphone souligne que le gouvernement a tranché la question. Les surveillants de prisons resteront dans le giron du département de la Justice. « Leur mission est de surveiller les prisonniers et la gestion de ces derniers relèvent de ce département. Dans tous les pays du monde, les surveillants de prisons relèvent du ministère de la justice », rappelle le conseiller technique.
Par ailleurs, celui-ci souligne que son département est en train de faire des efforts pour une amélioration globale des conditions de travail, en atteste le décret adopté en conseil des ministres du 5 mai dernier. Le même département projette aussi de recruter. Concernant la formation, il a reconnu qu’il y avait des difficultés à ce niveau sans donner trop de détails.
Aminata Dindi
Sissoko
Source: L’Essor- Mali