Malgré tout le tohubohu, l’intervention de Monsieur Slensky à l’Union africaine était inopportune et sans aucun intérêt. Le discours de N.Sarkozy (un délinquant corrompu, prétentieux, arrogant et suffisant) du 26 juillet 2007 à l’Université de Dakar était provocateur, irrévérencieux, blessant, méprisant, vexatoire et que sais-je encore ?
En cela nous pouvons le maudire et le haïr mais, ce discours contient en filigrane deux vérités irréfragables qui ne doivent plus échapper à nos réflexions : « Les africains ont été historiquement des peuples faibles et ses élites politiques et intellectuelles continuent encore de se montrer incapables de poser avec clarté les véritables problèmes de leurs peuples en vue de leur trouver des solutions idoines.»
Les chercheurs sérieux comme P. Chalmin (spécialiste des marchés de matières premières, Coordonnateur du Rapport annuel Cyclope sur l’état et les perspectives des marchés mondiaux de matières premières et animateur du Club Ulysse d’économistes) doivent se tordre de rire sur cette dramatisation de la communauté internationale relative à une éventuelle « menace de famine en Afrique » provoquée par la guerre en Ukraine. Et d’autre part, les tensions, on les avait déjà en 2021 du fait notamment de l’importance des achats chinois. Dire que c’est la guerre en Ukraine qui provoque une crise alimentaire mondiale, est totalement loufoque. D’abord, la faillite des politiques agricoles en Afrique n’est pas une nouveauté et d’autre part, P.Chalmin observe, dans une interview récente que « les tensions sur les marchés agricoles mondiaux, sont antérieures à la crise ukrainienne puisqu’elles remontent à 2021 du fait de l’importance des achats chinois en 2021… De plus, pour être honnête, pour l’instant les corridors (en question) laisseraient plus se passer du maïs que du blé. Et va se poser le problème de l’arrivée de la nouvelle campagne, donc de la nouvelle récolte ukrainienne. Celle-ci effectivement aura du mal à sortir ». On est bel et bien en face d’une manipulation qui instrumentalise le ventre des peuples africains pour, comme toujours, les placer comme les supplétifs inconditionnels de toutes les guerres de l’Occident conduites par l’OTAN. Pourquoi se précipiter, alors, qu’il y avait tout intérêt à attendre la conférence internationale sur la crise alimentaire liée à la guerre en Ukraine que doit organiser le gouvernement allemand le 24 juin à Berlin.
La crise alimentaire africaine tire son origine de la conjonction plusieurs facteurs liés archi analysés et bien connus : des politiques agricoles défectueuses, des investissements infrastructurels insuffisants, des recours imparfaits à la recherche agro économique et au progrès techniques, une gouvernance de l’économie agricole désastreuse, une urbanisation rapide et chaotique. Tout cela contribue à l’accroissement rapide de la demande, aux restrictions de l’offre et à l’intrusion de la spéculation financière, etc…
Ce diagnostic nous l’avons établi plusieurs recherches dans différentes analyses (1°« L’État, le technicien et le banquier face aux défis du monde rural sénégalais », 1996 ; 2°) un article : Pénuries alimentaires, émeutes de la faim et relance des stratégies vivrières en Afrique, article publié par le quotidien Walfadjiri) ; 3°) Une intervention au Forum International du « Dakar Agricole » (Hôtel Méridien Président, les 04 et 05 février 2005) sous la présidence effective du Président Abdoulaye Wade en présence des hauts cadres de l’ISRA, de trois éminentes autorités du domaine, les Docteurs Baba Dioum, Abdoulaye Seck et Mamadou Cissoko de la Ropa et d’une délégation de la FAO. Le Président A. Wade avait noté dans son discours d’ouverture que : « Malgré les importantes ressources naturelles sur une superficie de 30,3 millions de km², représentant 22% des terres de la planète, l’Afrique continue de connaître déficits alimentaires graves et une sous-alimentation qui sont les résultats de la qualité de nos politiques agraires qui n’ont point tiré profit des énormes progrès de la science et de la technologie. » Il concluait son intervention en notant que « Le développement économique et social ne peut se concevoir sans une implication de tous les acteurs selon une approche participative et itérative. Celle-ci pour être efficiente, passe par une recherche scientifique et technique capable d’écouter et de comprendre les messages des marchés, des organisations professionnelles et interprofessionnelles bien formées, bien informées, une administration publique plus créative et un secteur privé qui massifie ses investissements en agriculture. »
Lors de cette rencontre, j’avais rédigé avec le Président Abdoulaye Wade, jusqu’à 04 heures du matin, « La Déclaration de Dakar sur les politiques agricoles en Afrique ». Il était clairement noté que : « les agricultures des pays du Sud doivent impérativement s’interroger sur la manière de concevoir le développement agricole en prenant en considération les atouts et les contraintes politiques, techniques et sociologiques propres aux pays en développement sans nuire à une promotion équilibrée et mutuellement enrichissante des échanges internationaux. Cette nouvelle approche est en train de se concrétiser à travers la nouvelle politique agricole commune de la Cedeao fondée sur une répartition et une gestion équitable des ressources, assurant des revenus suffisants et stables, permettant au producteur de vivre dignement des fruits de son travail et favorisant l’intégration régionale.»
La réunion de l’Uemoa, la semaine dernière, à Niamey portait sur « l’impérative souveraineté alimentaire » ; elle corrobore les réformes impératives des politiques agricoles. Il faut rappeler l’expérience de la Goana initiée par le Président A. Wade. J’avais noté dans mon article de Walfadjiri que le « succès de la nouvelle initiative dépendrait, en grande partie… le démarrage ferme fondé sur une accumulation initiale de stocks alimentaires permettant d’éviter toute perturbation économique dans la période d’installation (stocks de sécurité, fonds de stabilisation…), la mise en place en amont comme en aval d’instruments de politique pertinents tels que la maîtrise du facteur eau, l’accès aux engrais et à des variétés de semences à haut rendement, une réforme foncière courageuse, la construction d’infrastructures de transports, de stockage et de commercialisation et l’instauration d’un système de gestion et d’évaluation de cette stratégie qui serve à assurer la coordination des diverses actions sectorielles et l’appréciation de leur évaluation macroéconomique ».
Moustapha Kassé
Source: Le Démocrate- Mali