Tout comme les autres nouvelles régions, Dioïla attend encore la mise en œuvre des actions qui concrétiseront son nouveau statut de capitale régionale
Le Cercle de Dioïla a été érigé en région administrative. Son érection en une circonscription régionale est consacrée par la loi n° 2012-17 du 2 mars 2012 portant création de circonscriptions administratives en République du Mali. Un texte qui a fait passer les régions maliennes de 8 à 19, plus le district de Bamako. L’objectif visé est de rapprocher davantage l’administration des communautés, afin qu’elles puissent mieux s’épanouir dans les domaines économique, social, culturel et sécuritaire.
L’acte 1 entrant dans le cadre de l’opérationnalisation de la Région de Dioïla a été la nomination du gouverneur par décret n° 2018-0608/P-RM du 27 juillet 2018. Puis a suivi la nomination de quelques chefs de service, dont les directeurs régionaux du budget, du contrôle financier, de l’administration pénitentiaire et de la protection civile.
Ces avancées notoires enregistrées dans le processus sont unanimement saluées par les populations, qui estiment qu’un vieux rêve se réalise enfin. « C’est un pas de plus! C’est quelque chose qui va droit au cœur de la population de Dioïla…», laisse entendre Mahamadou Sidibé, enseignant-sociologue, natif de la nouvelle région. A l’instar de nombreux habitants de la localité qui souhaitent néanmoins une célérité dans la conduite du processus, il enchaîne aussitôt : « On demande aux autorités du pays de multiplier les efforts pour que tous les responsables soient nommés dans un bref délai afin qu’on puisse être détaché définitivement de Koulikoro (ex-région de tutelle, NDLR). »
Dioïla a changé de statut ! Et la ville a entamé sa mue, elle se modernise. Les opérateurs économiques commencent à s’installer en nombre. Signe de ce dynamisme naissant dans le monde des affaires, les parcelles y ont doublé de valeur, constate un interlocuteur.
Les jeunes de la nouvelle circonscription régionale fondent beaucoup d’espoir sur ce nouveau statut, qui offrira, à coup sûr de nouvelles opportunités d’emplois. On peut dire que l’érection de Dioïla en région est faite pour les jeunes, pour qui connaît les quotas liés aux différents financements des projets et programmes de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’Agence pour la promotion de l’emploi des jeunes (APEJ) au niveau régional. « De fait, on peut dire pratiquement que toutes les personnes qui seront directement recrutées, seront au moins issues d’un des cercles ou villages de Dioïla », se réjouit, tout sourire Daouda Fomba, président de la coordination des actions de l’association « Siguida Yélé » de Dioïla.
ALLER VITE- Toutefois, il sollicite les autorités en vue de l’accélération du processus d’opérationnalisation, estimant que la nomination du gouverneur reste pour le moment la seule action d’envergure concrète posée par l’Etat. « Les sites sont réservés pour abriter les locaux du gouverneur, mais les constructions n’ont même pas commencé », déplore le jeune leader qui, au passage, regrette le manque d’espaces pour l’épanouissement des jeunes.
Mme Diakité Fanta Diarra, présidente des femmes de Dioïla, pense, de son côté, que le processus facilitera les démarches administratives, notamment pour les élèves qui sont confrontés aux difficultés liées à l’accès à la ville de Koulikoro. Aussi, avec l’initiative, les arrondissements de Dioïla seront érigés en cercles, ce qui augmentera naturellement le nombre des communes.
Ils sont nombreux, les habitants, à estimer que la nouvelle région n’est toujours pas pleinement opérationnelle, et ce, en dépit du fait que les autorités du pays aient pris plusieurs actes administratifs dans ce sens. « Jusqu’à présent, depuis la nomination du gouverneur, il y a un an, il n’y a pas de préfet à Dioïla. Aussi, le cabinet du gouverneur tarde à être composé », regrette Yacouba D. Marico, maire de la Commune rurale de Kaladougou. Cependant, concède-t-il, avec les nominations, l’Etat est en train de mettre en place tout ce qu’il faut comme services régionaux afin de permettre l’opérationnalisation de la Région.
« Les populations sont quand même pressées. Je pense qu’il faut aller vite parce que tout simplement c’est une question fondamentale », estime l’édile. Comme pour dire que le processus engendrera de « nouvelles retombées économiques importantes dans tous les domaines ».Par ailleurs, administrativement, le processus permettra de désengorger les autres capitales régionales. Au lieu d’aller résoudre un problème administratif à Koulikoro, explique Yacouba D. Marico, on pourra le solutionner ici en faisant un peu d’économie et en se mettant à l’abri de toute forme d’insécurité.
SCEPTICISME- Autres acteurs, autres points de vue sur la question. Gagnés par un scepticisme qu’ils arrivent à dissimuler à peine, certains de nos interlocuteurs vont jusqu’à remettre en cause l’érection de Dioïla en région. « Dans la pratique, il n’y a pas de région, parce qu’on a obligé le président de la République à ériger cette localité en région, à la veille de l’élection présidentielle 2018. La forme y est, mais le contenu n’y est pas, parce que les structures qui accompagnent le gouvernorat sont presque inexistantes », fulmine N’Golo Diallo, proviseur du lycée Dowélé Marico de Dioïla. Pour qui, s’il y a une région, il faut qu’elle ait des cercles.
Cet avis du proviseur est partagé par Modibo Marico, secrétaire général adjoint de la société civile de la Commune de Kaladougou. « On a l’impression que le gouverneur a été tout simplement nommé pour qu’on se taise. Parce que jusqu’à preuve du contraire, non seulement le gouverneur n’a pas de cabinet, mais aussi les découpages administratifs qui ont été proposés, n’ont pas été encore approuvés », déplore-t-il. Et d’ajouter : « Tantôt on est considéré comme une région, tantôt on est considéré comme un cercle ».
De son côté, le gouverneur de la région, Dédéou Bagna Maïga, reste confiant. Cette assurance lui fera dire que concernant l’érection des arrondissements en cercles de la nouvelle circonscription régionale les choses évoluent positivement. Pour étayer ses propos, le chef de l’exécutif régional affirme avoir fait des propositions lors des concertations régionales sur le découpage territorial. « Donc les conclusions retenues ont été soumises à qui de droit et actuellement au niveau national, on est en train de travailler sur ces propositions », explique-t-il.
Le gouverneur ajoute que son directeur de cabinet a été également nommé, assurant que le staff est en cours de formation. « C’est une nouvelle création à opérationnaliser. Donc, quand on dit à opérationnaliser il y a énormément d’étapes par lesquelles il faut passer, sans quoi on biaiserait le bon fonctionnement de la région », soutient Dédéou Bagna Maïga.
Il faudra d’abord penser à mettre en place les personnes qui sont chargées d’animer la nouvelle circonscription, notamment les chefs des services techniques régionaux et autres, puis les infrastructures pour que tous les animateurs soient dans de bonnes conditions. Donc, de la patience, recommande Dédéou Bagna Maïga.
Bembablin DOUMBIA