Tel un «Davos africain de la paix», la Biennale de Luanda, qui a démarré hier dans la capitale angolaise, réunit différents acteurs représentatifs des pouvoirs politiques et de la communauté artistique et scientifique du continent pour explorer les liens entre la culture et la paix. Pour le président de la République, la culture de la paix triomphera à quelque trois conditions
L’ouverture officielle de l’évènement a mobilisé une foule de personnalités au Centre de convention Talatona de Luanda, où Ibrahim Boubacar Keïta fit son entrée en compagnie de ses homologues João Manuel Gonçalves Lourenço (Angola) et Hage Gottfreid Geingob (Namibie). Il y a avait aussi Moussa Faki Mahamat et Audrey Azoulay, respectivement président de la Commission de l’Union africaine et directrice générale de l’Unesco.
Ces deux organisations et l’Angola sont les initiateurs de cette Biennale qui, pendant cinq jours, met en débat la thématique : « Construire et pérenniser la paix ». L’enjeu étant la facilitation de la diffusion d’œuvres artistiques, d’idées et de connaissances relatives à la culture de la paix. Cette manifestation est dictée par le défi de l’heure qui est de mettre fin aux conflits qui minent le continent. Pour y parvenir, l’Afrique doit avant tout « puiser dans ses cultures, ses arts et patrimoines », a soutenu le prix Nobel de la paix 2018, le Congolais Denis Mukwege. C’est ce qu’a compris l’UA, un des principaux initiateurs de cette rencontre. Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’organisation panafricaine, attend de ce Forum une analyse sans complaisance de la situation. Il a, par ailleurs, déploré la tragédie qu’a vécue notre pays, dont une partie des précieux « manuscrits à Tombouctou a été détruite » par des forces obscurantistes. Moussa Faki Mahamat a également magnifié le « passé glorieux du vaillant peuple du Mali ». C’est ce qui justifie en partie, a-t-il souligné, la décision de l’UA de faire du président Keïta le Champion de la culture. Prenant la parole, Ibrahim Boubacar Keïta a rendu un vibrant hommage au peuple angolais qui a su se relever d’une longue guerre civile et impulser une réelle dynamique de développement. Il ne pouvait pas non plus s’empêcher de rappeler cette page de l’histoire qui lie nos deux pays : « C’est ici, sur le chemin de la paix, que le Malien Alioune Blondin Bèye est mort en mission de paix… Je sais qu’ici, l’on s’en souvient avec fraternité ». Se prononçant sur la problématique posée, le chef de l’Etat a partagé le constat que «nous vivons dans un monde paradoxal », où les alliances contre nature sont légion et dans lequel prospère une inquiétante tendance au repli sur soi.
L’idée de progrès, a-t-il renchéri, est aujourd’hui soumise à rude épreuve lorsqu’elle n’est pas simplement rejetée. Mais, Ibrahim Boubacar Keïta est persuadé que la « déshumanisation n’est pas pour autant une fatalité à laquelle l’on ne saurait échapper». En effet, s’est-il expliqué, si c’est dans les esprits que naissent les guerres, il doit symétriquement être possible de faire de l’esprit une arme non plus de destruction massive, mais de reconstruction massive.
CHANGER DE LOGICIEL- La culture de la paix, de l’analyse du chef de l’Etat, triomphera à quelque trois conditions. D’abord, il faudra reconnaitre l’urgence de changer de logiciel en cette ère complexe. « Nous devons imaginer de nouvelles formes de vivre ensemble », a notamment recommandé le Champion de la culture. Pour lui, la culture de la paix est aussi une culture de relation entre paix, démocratie et développement. A ce propos, il a établi avec brio la corrélation entre culture-paix-démocratie-développement.
La seconde condition a trait au besoin de «fraternité humaine » dans une Afrique ayant déjà payé un lourd tribut aux conflits violents qui ont émaillé son histoire. Pour avoir été lacéré, dira-t-il, notre continent ne peut être ouvert qu’à la notion de sécurité humaine dont la culture de la paix est une partie intégrante. Mais, encore faudrai-t-il que soient prises des mesures qui mettent fin à la répression, à l’injustice et à l’exploitation, car la « paix ne saurait prospérer sur des sols marqués par de tels fléaux ». Enfin, la dernière condition indiquée par Ibrahim Boubacar Keïta porte sur l’impérieuse nécessité de «réinventer notre avenir ». Cela avec la claire conscience que la culture de la paix n’a de sens que si elle est pratiquée et pas simplement prêchée.
Le chef de l’Etat a terminé son intervention par le vœu que la Biennale de Luanda soit le lieu de l’affirmation que le destin de l’Afrique est entre nos mains. Et qu’à cette occasion, « nous réaffirmons notre détermination à faire de nos ressources naturelles, culturelles et humaines les piliers de notre éducation de l’Afrique que nous voulons ».
C’est le président angolais qui a prononcé le discours officiel d’ouverture de cette Biennale qui, selon lui, est une opportunité pour raffiner notre identité africaine au plan politique. Il soulignera aussi qu’elle vise à faire grandir le Mouvement panafricain en faveur d’une culture de la paix et de la non-violence par la mise en place de partenariats multi acteurs.
Tous les participants à cette cérémonie d’ouverture gageaient que cette manifestation panafricaine évolue de façon constante et qu’elle s’impose très rapidement comme un des rendez-vous majeurs.
Envoyé spécial
Issa Dembélé
Source: L’Essor-Mali