Le Soudan du Sud, théâtre depuis près de cinq ans d’une guerre civile dévastatrice dont les protagonistes ont solennellement signé mercredi à Addis Abeba un accord de paix, est le plus jeune État du monde, à l’économie ruinée par le conflit.
Indépendant depuis 2011, le pays a plongé fin 2013 dans un conflit provoqué par la rivalité entre le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar. La guerre civile a fait des dizaines de milliers de morts, près de quatre millions de déplacés (sur une population de 12 millions d’habitants) et provoqué une grave crise humanitaire.
Le président du Soudan du Sud Salva Kiir et le chef rebelle Riek Machar ont signé un accord de paix lors d’un sommet régional à Addis Abeba, nouvelle tentative pour mettre un terme à une guerre civile dévastatrice qui ensanglante le pays depuis près de cinq ans.
Les deux hommes se sont ensuite serré la main devant des délégués et les chefs d’État de l’Ouganda et du Soudan, et en présence du premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.
« Le monde a les yeux tournés vers nous alors que les dirigeants sud-soudanais s’engagent aujourd’hui à travailler pour la réconciliation et pour une paix durable dans leur pays », a déclaré le premier ministre éthiopien peu avant la cérémonie de signature.
« Aujourd’hui, nous espérons ouvrir un nouveau chapitre et une nouvelle opportunité de construire une paix durable et (d’apporter) la stabilité en république du Soudan du Sud », a déclaré Festus Mogae, ancien président du Botswana à la tête de l’organisation chargée du suivi du cessez-le-feu (JMEC), mise sur pied par le bloc régional est-africain Igad.
Économie en ruine
L’économie a pâti de la baisse des cours du pétrole et de l’impact de la guerre sur sa production pétrolière, de nombreuses infrastructures ayant été endommagées.
Juba, qui a hérité à son indépendance des trois quarts des réserves pétrolières du Soudan, reste aussi tributaire des infrastructures du Nord (raffineries et oléoducs) pour l’exportation.
La production de pétrole représentait 98 % des revenus du pays à son indépendance. Elle a chuté à environ 120 000 barils par jour contre 350 000 avant le conflit, selon la Banque mondiale.
L’inflation a atteint environ 500 % en 2016, avant de décélérer à 155 % en 2017.
En 2017, une partie du pays a connu quatre mois de famine, qui a affecté environ 100 000 personnes.
Selon l’ONU, 7 millions de Sud-Soudanais, soit plus de la moitié de la population, vont avoir besoin d’une aide humanitaire en 2018.
Guerre contre le Nord musulman
Avant l’indépendance du Soudan du Sud, deux conflits ont opposé les forces du Nord arabo-musulman (actuel Soudan) aux rebelles du Sud à majorité chrétienne et animiste (actuel Soudan du Sud) et ont fait des millions de morts.
Le processus d’indépendance du Soudan en 1956 provoque une première guerre dans le Sud contre la domination du Nord. Des accords en 1972 mettent fin au conflit, octroyant au Sud un statut d’autonomie.
Mais en 1983, Khartoum dénonce ces accords, déclenchant une nouvelle guerre Nord-Sud. John Garang, de l’ethnie dinka, fonde l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA).
En janvier 2005, le pouvoir soudanais et la rébellion sudiste signent un accord de paix.
Plus jeune État du monde
Le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud proclame son indépendance, six mois après avoir voté la sécession avec le Nord à près de 99 %. Salva Kiir prête serment comme premier président.
La communauté internationale, États-Unis en tête, ainsi que le Soudan, reconnaissent rapidement ce nouveau pays africain.
Guerre fratricide
Liés par un combat commun au sein de la rébellion contre Khartoum avant l’indépendance, Salva Kiir et Riek Machar sont issus des deux principaux groupes ethniques du pays, les Dinka pour M. Kiir, les Nuer pour M. Machar.
En décembre 2013, le pays bascule dans la guerre civile lorsque Salva Kiir accuse son rival d’avoir fomenté un coup d’État, ce que Riek Machar nie. Des combats éclatent au sein de l’armée nationale, minée par des dissensions.
Les combats, émaillés de massacres entre Dinka et Nuer, s’étendent à plusieurs États.
Tractations pour le pouvoir
En 2015, un accord de paix permet à M. Machar d’être réinstallé au poste de vice-président et de revenir à Juba. Mais après des combats dans la capitale en juillet 2016, il fuit le pays.
Le 20 juin 2018, Salva Kiir et Riek Machar se rencontrent à Addis Abeba, pour la première fois en deux ans. Une semaine plus tard, ils se mettent d’accord à Khartoum sur un cessez-le-feu.
Le 6 juillet, ils conviennent de retirer leurs forces des « zones urbaines », dans le cadre d’un accord portant sur la sécurité signé à Khartoum. Et le lendemain, à Kampala, ils acceptent un accord de partage du pouvoir.
Le 5 août, Salva Kiir et Riek Machar signent à Khartoum, la capitale du Soudan voisin, un accord en vertu duquel M. Machar doit intégrer un gouvernement d’unité nationale et devenir premier vice-président.
Mercredi, les deux hommes ont signé l’accord de paix scellant leur réconciliation au cours d’un sommet régional, se serrant la main devant les chefs d’État de l’Ouganda et du Soudan et en présence du premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.
« Crimes de guerre »
Le 10 juillet, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU avait dénoncé de « graves violations des droits de l’Homme […] pouvant s’apparenter à des crimes de guerre », mettant principalement en cause les forces gouvernementales.
Le Conseil de sécurité de l’ONU avait imposé trois jours plus tard un embargo sur les armes et des sanctions contre deux responsables militaires, accusés de bloquer le règlement pacifique du conflit.
Source: lapresse