Onze mois après que les forces françaises aient chassé les jihadistes du nord du Mali, la crise humanitaire perdure dans la zone. Les niveaux de faim sont plus élevés qu’en 2012 et la malnutrition a atteint un taux alarmant dans certaines villes comme Gao, Bourem et Ansongo. Pendant ce temps, les actes de banditisme entravent l’accès des éleveurs aux pâturages, et l’insécurité empêche certaines organisations d’aide humanitaire d’atteindre les populations isolées et dans le besoin.
En effet, si la sécurité dans certaines villes du nord du Mali s’est améliorée, la persistance des attaques sporadiques par des groupes extrémistes dans les régions de Tomboutou et Gao, ainsi que des combats entre des groupes séparatistes touaregs et les forces maliennes dans la région de Kidal, continuent de freiner les opérations d’aide.
Et, le Mali n’a jamais connu de période aussi difficile. La situation est explosive dans les zones (notamment Kidal) où, 500.000 personnes ont été déplacées pendant le conflit ; 200 000 enfants souffrent de malnutrition aigue ; 1,3 million de personnes vivent dans l’insécurité alimentaire et sont dépendantes des distributions de nourriture.
Les attaques les plus récentes ont eu lieu 21 novembre, lorsque trois roquettes ont été tirées par des terroristes vers la ville de Gao et le 20 novembre, dans la région de Kidal, lorsque trois soldats français ont été blessés par l’explosion d’une mine tout près de la ville de Kidal. Dans cette région, l’insécurité est extrême dans le massif des Ifoghas, et autour de la ville de Tessalit.
Dans la région Gao, c’est dans les villes de Ménaka et d’Ansongo, près de la frontière avec le Niger, que l’insécurité sévit le plus, selon David Gressley, représentant spécial adjoint de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
L’insécurité qui règne dans ces régions a entravé l’acheminement de l’aide humanitaire, a déclaré Fernando Arroyo, chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) au Mali. « En ce moment, très peu d’organisations ont accès au nord de Kidal », a-t-il ajouté.
Difficultés d’accès des zones
D’après les employés des organisations humanitaires, les évaluations visant à déterminer les besoins humanitaires restent également limitées à Kidal.
Aussi, l’évaluation de l’UNICEF sur la nutrition datant du mois de mai, couvre seulement Gao, mais pas Tombouctou, ni Kidal en raison de l’insécurité qui y règne.
L’insécurité ralentit aussi les opérations, puisque les agences des Nations Unies attendent que les troupes de la MINUSMA sécurisent ou patrouillent dans ces zones avant de pouvoir s’y rendre.
Cependant, certaines organisations continuent à travailler sans encombre dans les zones dangereuses du Nord. C’est le cas du Comité international de la croix-Rouge (CICR) à Gao. Le CICR dit avoir eu toujours l’accès à l’ensemble des cercles de la région. Le CICR est aussi présent à l’hôpital de la ville de Kidal et dans les centres de soins de la région. Quant à l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF), elle est surtout active à l’hôpital régional de Tombouctou et a récemment ouvert une clinique près de la frontière avec la Mauritanie. Elle se déplace aussi dans la région de Tombouctou, dans la commune de Goundam, et autour de Gao. « Notre plus grands inquiétude, ce sont les bombes artisanales sur la route. Nous devons être très prudents et consulter systématiquement les Maliens et la MINUSMA avant de partir en mission », a confié M. Issoufou Salah, chef de mission pour Médecins sans Frontières (MSF) dans le nord du Mali.
Dans les zones rurales, certaines populations vulnérables ne bénéficient pas de l’aide humanitaire, car de nombreuses familles sont effrayées à l’idée de quitter leurs maisons. Certains habitants ont exprimé leur colère au sujet des carences en termes de sécurité dans les zones rurales et les villages, où selon eux, les membres et les anciens membres des groupes extrémistes y restent cachés.
Notons enfin que l’accès des éleveurs aux pâturages, reste entravé par le brigandage. Ainsi, bon nombre d’éleveurs par peur des attaques des bandits ne s’aventurent pas à plus de 10 km de leur village et restent regroupés sur une petite superficie de pâturages.
Etant donné le manque de précipitations, le niveau d’eau des puits et des rivières est insuffisant et à certains endroits, l’accès à l’eau devient problématique.
A noter enfin que, si les organisations ont réhabilité 70% des points d’eau destinés aux animaux le long des circuits de pâturage traditionnels dans la région de Gao, ainsi que 50% de ceux de Bourem, la situation reste critique dans les pâturages pour les semaines à venir.
Dieudonné Tembely
Source: Le 26 Mars