Les rideaux sont tombés, mardi 2 novembre 2021, sur la première session spéciale de la Cour d’assises de l’année judiciaire 2020-2021. Après 28 jours d’intenses activités, le réveil des uns et des autres a été un peu brutal, car la Minusma, censée financer les travaux pour la première fois, n’a pipé mot. Les conseillers de la Cour, les greffiers, les avocats et les forces de l’ordre ont donc dû tenir la session sans leurs primes. Dans les derniers jours de la session, la démotivation se sentait dans les travaux. La preuve : plusieurs audiences ont été renvoyées pour composition irrégulière de la Cour.
D’habitude, les sessions de la Cour d’assises sont financées par le département en charge de la Justice. Et durant les travaux, les accesseurs sont payés après les procès, les prestations des avocats sont réglées, les conseillers et les greffiers ont droit à des tickets de carburant, les primes journalières alimentaires des agents de sécurité sont versées. Pour cette session spéciale, il n’y a eu rien de tout cela, car la Minusma, qui avait promis de financer les travaux, ne s’est pas manifestée. Malgré la frustration des uns et des autres, la session s’est tout de même bien déroulée.
Pour rappel, les dossiers de terrorisme et des affaires économiques et financières étaient jugés avec les autres dossiers durant les assises. Et ces dossiers étaient enrôlés au compte de la deuxième session des assises de l’année judiciaire 2020-2021. Mais à la dernière minute, les dossiers de terrorisme et des affaires financières ont été retirés du rôle et programmés pour des sessions spéciales. C’était à l’initiative de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Pour la première fois, elle s’est proposé de financer les travaux de ladite session et la session spéciale sur les affaires économiques et financières qui est prévue pour le 15 novembre prochain. À la grande surprise des magistrats, la Minusma ne s’est pas manifestée durant les procès. Or, des primes devaient être versées aux différents acteurs.
«C’est une belle moisson. Les attentes ont été comblées, malgré les conditions difficiles et inhabituelles dans lesquelles se sont déroulées ces assises, financièrement s’entend. Car il a fallu procéder à des véritables acrobaties pour pouvoir couvrir même les primes journalières alimentaires (PJA) insignifiantes des agents de la sécurité. Les avocats, contrairement aux principes, ont œuvré sans le moindre pécule. Les magistrats et les greffiers n’ont pas bénéficié des quelques tickets de carburant auxquels ils ont droit avant le début de chaque session pour leur déplacement. Tout cela, parce que la Minusma qui s’était engagée au financement de cette session a failli dans le déblocage des fonds. Ce qui accrédite la vision de beaucoup d’entre nous, qu’il faut compter sur nos propres moyens », a déploré Idrissa Arizo Maïga, Procureur général près la Cour d’appel de Bamako.
Cependant, il a rappelé qu’ils ont toujours organisé leurs sessions en comptant sur leurs propres moyens et avec succès. Avant d’espérer que la dernière session spéciale sur les crimes économiques et financiers ne connaîtra pas le même sort. « Dans tous les cas, rien ne vaut l’engament personnel. Et la situation de notre pays appelle chacun au don de soi pour sortir des pièges fallacieux de crise protéiforme qui assaille notre pays », a-t-il dit. Avant de remercier les acteurs de la justice qui, selon lui, ont fait montre d’un engagement et d’un professionnalisme à toute épreuve.
A en croire le procureur général, après les 28 jours, il y a eu au total 47 affaires enrôlées pour 66 accusés, avec pour résultat une condamnation à la peine de mort, 17 condamnations à perpétuité, 4 réclusions criminelles à temps, une condamnation à l’emprisonnement, 7 acquittements prononcés, 32 condamnations par contumace, un cas de complément d’information. En plus de ces condamnations, les amendes prononcées sont de 638 000 000 F CFA. Et les dommages-intérêts: 158 000 000FCFA. Soit un taux de 97,87% des affaires jugées.
Par ailleurs, il expliquera que le nombre important de cas de contumace s’explique par la libération avant jugement de certains terroristes, à raison de nécessité d’un moment.
La part de vérité de la Minusma
Un responsable de la Minusma joint par téléphone pour savoir les raisons de leur désistement nous dira qu’ils ont accusé, ils n’ont pas désisté.
« C’est juste après avoir signé le contrat qu’on a engagé, ils n’avaient pas signé le procédure de décaissement. Ça va venir. Il y a eu de la lenteur dans la procédure avec les Nations Unies ; des réunions ont eu lieu pour apporter des correctifs à ces lenteurs. Avec un peu de chance, ils vont pouvoir débloquer les fonds avant le début de la session prochaine. Sinon, on travaille la dessus », a-t-il expliqué.
Maitre Mah Mamadou Koné, représentant du Bâtonnier, pour sa part, dira que la justice est un service de l’Etat, et que son fonctionnement ne doit dépendre de personne. « Ils peuvent nous venir en appui, mais ne peuvent pas être les principaux bailleurs en matière des assises. Comptons sur nous-mêmes d’abord », a-t-il indiqué.
Par ailleurs, il a mis l’accent sur les failles dans les procédures depuis, des instructions des dossiers à l’enquête préliminaire. Le Barreau souhaite être associé depuis le début des instructions des dossiers pour éviter que les clients puissent se reconnaître dans leurs dossiers.
«On a vu durant cette session spéciale sur le terrorisme que les accusés ont dit que ce qui a été dit à l’enquête préliminaire n’est pas leur déclaration. Si les dossiers sont mal montés depuis le départ à la sécurité d’Etat, ça pose problème. Même devant les juges instructeurs, on rencontre ces cas », a-t-il laissé entendre.
À noter que la dernière session spéciale sur les affaires économiques et financières est prévue pour le 15 novembre prochain. En espérant que les acteurs ne soient pas encore lâchés en plein vol par la Minusma.
Moussa Sékou Diaby
Source : Tjikan