La “Petite Côte”, ses plages paradisiaques, ses touristes et. . . son ancien village de lépreux. MBalling est le plus grand “village de reclassement social” du Sénégal, mais ses habitants souhaiteraient qu’il devienne simplement un village “comme les autres”.
A 80 km au sud de Dakar, MBalling a vu le jour au bord de l’océan Atlantique, un jour d’été 1955, dans un Sénégal alors colonie française. Il s’agissait de regrouper les malades de la lèpre à une époque où le traitement était encore imparfait et les lépreux mis au ban de la société, en raison de leurs difformités physiques et de la crainte d’une contagion.
“J’ai fait partie des 122 personnes qui ont passé la première nuit ici, le 13 juillet 1955”, raconte Assane Kadam, chef du village, arrivé bambin avec son père, qui était atteint de trypanosomiase, la “maladie du sommeil”.
Avec ce village, “il était question de séparer les malades des autres”, explique M. Kadam.
En mars 1976, la loi change et les léproseries deviennent des “villages de reclassement social”. Objectif: “faire en sorte que ce ne soient plus des camps d’internement mais des villages”, où les malades et leurs familles retrouvent une activité sociale, retrace Coumba Wade, directrice de la promotion et de la protection des groupes vulnérables à la Direction générale de l’action sociale.
Dans les années 1980, un traitement efficace de la maladie est trouvé, la polychimiothérapie. Elle permet de guérir définitivement les malades. “Blanchis”, les lépreux guéris se marient, ont des enfants, et les villages prennent de l’ampleur.
Solidarité
A MBalling, plusieurs dizaines d’anciens lépreux, souvent vieillissants, continuent de recevoir régulièrement des soins. Dans une pièce carrelée d’une vingtaine de mètres carrés, pompeusement appelée “Centre de rééducation fonctionnelle et d’éducation sanitaire”, quatre patients âgés tendent leurs pieds meurtris à un infirmier.
Plus loin, une quinzaine d’hommes et de femmes, certains exhibant une prothèse, d’autres les mains mutilées, attendent pour une consultation. “Lorsque quelqu’un doit aller à l’hôpital, tout le monde se cotise”, explique la présidente de l’association des femmes du village.
“La solidarité qu’il y a ici, je ne l’aurais pas dans un autre village”, affirme Djiby Sene, boubou violet et petit bonnet en laine. Ce père de famille, qui se déplace en béquilles, est revenu à MBalling après avoir mendié dans les rues de Dakar pendant 18 ans.
Avec l’aide de l’association allemande DAHW, qui lutte contre le lèpre et la tuberculose depuis 1979 au Sénégal, il s’est acheté une charrette, quelques animaux et une tente, qu’il loue pour les cérémonies du village.
Commerces, école, dispensaire, MBalling est aujourd’hui une petite ville où les anciens malades ne représentent plus qu’une minorité de la population, quelque 300 âmes sur les 5. 600 habitants. Pourtant l’image stigmatisante du village de lépreux colle toujours aux habitants.
“C’est une étiquette accrochée dans le dos des jeunes de ces villages-là”, estime Mahamath Cissé, coordonnateur du programme social de la DAHW.
“Ce que la population veut c’est qu’on les appelle des villages comme les autres”, poursuit le responsable associatif, soutenant depuis une dizaine d’années la suppression du statut de “village de reclassement social”.
L’abrogation de la loi de 1976 est “prévue”, assure-t-on du côté de la direction générale de l’action sociale.
Le Sénégal compte aujourd’hui neuf villages de reclassement social, regroupant plus de 10. 000 habitants. La DAHW et les associations d’anciens malades espèrent que bientôt on ne parlera plus que de “villages tout court”.
source : jeuneafrique.com