La Centrafrique a connu cette semaine un regain de violences meurtrières dans le centre et le sud-est du pays, qui est de nouveau en proie à des tensions intercommunautaires depuis quelques mois, réveillant le spectre des violences de 2013-2014 qui avaient fait des milliers de morts.
Jeudi matin, un Casque bleu mauritanien a été tué et huit blessés dans l’attaque d’un convoi logistique de l’ONU près d’Alindao, dans le sud-est du pays.
«Pourquoi s’attaquer à des Casques bleus dont la présence sur le sol centrafricain n’a d’autres objectifs que d’aider le pays à sortir de l’engrenage de la violence et contribuer au retour d’une paix et d’une stabilité durables en République centrafricaine ?», s’est insurgé jeudi le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en RCA, Parfait Onanga-Anyanga.
«Quarante assaillants» antibalaka ont perdu la vie durant les combats, selon l’armée mauritanienne. Les antibalaka sont des milices autoproclamées d’«autodéfense» peu organisées et implantées localement.
C’est le troisième Casque bleu de la Mission de l’ONU dans le pays (Minusca, 10 000 soldats) tué en Centrafrique depuis le début de l’année.
Lundi soir et mardi matin, Bambari (centre) a été le théâtre de violences, dans lesquelles huit personnes ont perdu la vie.
La gendarmerie, le commissariat, la paroisse et les bases de l’ONU et de plusieurs ONG ont été attaqués par des hommes armés «présumés affiliés», selon l’ONU, au groupe armé Union pour la paix en Centrafrique (UPC).
Ce groupe, qui avait fait de Bambari sa base, avait été délogé par la force de la ville par la Minusca en février 2017. L’ONU en avait par la suite fait la «vitrine de la paix» en Centrafrique, et plaidait pour une «ville sans armes ni groupes armés».
Mercredi, l’ONU a annoncé avoir repris «le contrôle» de la ville, et indiqué qu’elle n’allait «pas laisser cette ville symbole du retour de l’autorité de l’État entre les mains de groupes armés».
Selon le communiqué onusien, les violences à Bambari ont été causées par «des rumeurs de meurtres sur fond de division communautaire».
Tensions intercommunautaires
Les tensions intercommunautaires, à l’origine des violences de 2013 qui avaient fait des milliers de morts, avaient laissé la place depuis 2014 à une lutte d’influence et de contrôle des ressources entre les groupes armés et l’État. Ces derniers mois, elles ont refait surface.
À Bangui, des affrontements ont fait plusieurs dizaines de morts en avril et début mai. Une église a été attaquée et son prêtre tué par des hommes armés fin avril.
S’en sont suivies le lynchage de deux personnes soupçonnées d’être des musulmans et l’incendie d’une mosquée, laissent craindre un retour des violences interreligieuses.
Des barricades ont été érigées dans certains quartiers de Bangui dans ce cycle de violences inédit depuis l’arrivée au pouvoir du président Faustin-Archange Touadéra en 2016.
«On n’a pas les moyens matériels de se défendre contre (les milices du quartier musulman du PK5), mais on peut surveiller pour donner l’alerte», avait indiqué mi-mai l’un des jeunes masqués qui tenaient un barrage.
«Ce conflit n’est pas confessionnel», avait martelé le président Touadéra.
Mi-avril, deux des principaux groupes rebelles armés issus de l’ex-Séléka, prétendant défendre les musulmans, avaient menacé de lancer une offensive sur Bangui depuis Kaga Bandoro (nord).
Réveillant l’épouvantail d’une marche sur la capitale, qui avait mené en 2013 au renversement du président Bozizé par la Séléka, l’ONU a déployé des forces dans les «villes-étapes» de Sibut et Dekoa.
Mi-mai, la France a effectué un survol dissuasif de Kaga-Bandoro avec deux Mirage 2000-D venus du N’Djamena (Tchad) pour une démonstration de force, un passage à très basse altitude et grande vitesse destiné à intimider.
Au même moment, des diplomates du panel de l’Union africaine, chargé d’une médiation entre groupes armés et gouvernement, se trouvaient à Kaga Bandoro pour y rencontrer des groupes armés, selon une note interne de l’ONU.
La Centrafrique a basculé dans la violence et le chaos en 2013 après le renversement de l’ex-président François Bozizé par la Séléka promusulmane, entraînant la contre-offensive de groupes antibalaka.
L’opération française Sangaris (décembre 2013-octobre 2016) et l’intervention des Nations unies ont permis la fin des massacres de masse et l’élection du président Touadéra.
Si Bangui a été relativement épargnée ces dernières années par les violences, les provinces de RCA restent majoritairement sous l’emprise des groupes armés.
La presse.ca