Il me parait nécessaire et utile de rappeler aux Chefs d’Etats de la CEDEAO que le Mali était une Nation avant d’être un État. Cette Nation, c’est à dire le glorieux vieil Empire du Mali qui nous appartient à nous tous, parce qu’il fut la même patrie, le même espace géographique, culturel et civilisationnel de presque tous ces pays qui composent aujourd’hui la CEDEAO. Des pays qui ont tissé, bien avant la colonisation, des liens commerciaux certes beaucoup moins denses qu’aujourd’hui mais assez fructueux pour répondre aux besoins de consommation.
Cette grande et vaste nation saura puiser dans le vécu multi séculaire de son peuple de l’Atlantique au Sahara, pour triompher des sanctions que lui imposent les parrains de la CEDEAO. Ces dirigeants devraient plutôt se référer aux valeurs humaines que sont la solidarité et le respect des droits humains. Ils vont susciter un extraordinaire sursaut d’orgueil chez les peuples de ce géant Mali qui appartient aussi bien au Sénégal, à la Cote d’Ivoire, à la Guinée, au Togo, au Benin, au Ghana, à la Gambie, au Nigeria qu’à la Sierra Leone, au Liberia, au Burkina Faso, au Niger, à la Guinée Bissau et au Cap vert. Le peuple de ce grand Mali ancien, dis-je, s’est toujours porté au secours de ses frères qu’on entreprend de vouloir persécuter et affamer.
Il faut souligner que si les États tardent encore à réaliser l’intégration économique, celleci demeure réelle et plus forte entre les populations, les négociants, les éleveurs et autres opérateurs économiques.
Déjà, et fort heureusement, concernant le sort du Mali, les dissensions sont apparues au sein de la grande famille, car la solidarité ne peut être entière et totale lorsque l’injustice sévit contre l’un de ses membres.
J’ai personnellement relevé, avec une certaine émotion, l’appui massif pour les Maliens des intellectuels, cadres, journalistes, artistes, cinéastes, tous ressortissants des pays membres de la CEDEAO et, surtout, l’association panafricaniste basée à Bruxelles qui a su s’illustrer de façon glorieuse dans cette famille communautaire dont les différentes lignées se sont installées, au fil des siècles, dans des contrées aux racines communes. C’est dire que la CEDEAO des peuples prend son destin en mains.
C’est le lieu aussi de saluer la clairvoyance et le courage des Présidents du Sénégal, du Burkina Faso, de la Guinée Bissau et du Ghana qui ont dénoncé les mesures perfides de l’instance communautaire.
La Russie et la Chine ont pu faire éviter la prise de sanctions contre le Mali par le Conseil de Sécurité. Ils ont rappelé à leurs collègues la grosse erreur des sanctions votées contre la Libye, dirigée par Kadhafi, lesquelles ont abouti à la chute du leader charismatique, entraînant des effets collatéraux encore vivaces au Mali, au Niger, au Burkina Faso et ailleurs dans la sous-région ouest africaine.
Une certaine Communauté internationale, sélective et discriminatoire dans l’application des principes de droit, s’est précipitée pour soutenir la CEDEAO. Sous d’autres cieux, la même Communauté ne manque pas d’apporter son soutien aux manifestations contre les élections frauduleuses. C’est le cas actuellement en Biélorussie. Elle n’a cessé d’exalter les vastes mobilisations en Algérie, qui ont conduit à la démission du Président Bouteflika, pourtant régulièrement élu.
Cette Communauté ne se rend toutefois pas compte qu’elle rend un grand service au Mali. Elle nourrit et raffermit la vitalité du peuple malien face à l’épreuve qu’on lui impose. Il ya des formes d’agression, d’hostilité et d’adversité qui impulsent les énergies de tout un peuple. C’est le lieu d’évoquer les magnifiques propos de l’ancienne Gouverneure générale du Canada, Mme Michaëlle Jean. Lors de sa visite au Mali, en 2006, elle a affirmé dans son message délivré devant l’Assemblée Nationale que » le Mali jouit d’une réputation dans le monde dont seuls les Maliens n’ont pas conscience « .
Aujourd’hui, les Maliens ont conscience de la haute et grave portée des sanctions contre eux. Sans le vouloir et le savoir, leurs auteurs ont contribué à l’éveil du Mali nouveau qui se dessine.
Ancien Ambassadeur
Source : l’Indépendant