Originaire de Tombouctou, Sadya Touré, cette jeune féministe de 20 ans, s’engage à travers son premier ouvrage intitulé ” Etre une femme ambitieuse au Mali ” dans la lutte pour l’émancipation de la femme souvent piégée dans les carcans de certaines traditions qui l’empêchent de s’épanouir. L’excision, le mariage précoce, la déscolarisation de la jeune fille et la violence conjugale sont, entre autres, des pratiques dénoncées par la jeune écrivaine. Pour en savoir plus sur l’œuvre éditée chez Innov Editions, découvrir l’auteure et sa vision de femme battante, la rédaction d’Aujourd’hui-Mali est allée à sa rencontre. Entretien !
Aujourd’hui-Mali : Bonjour, présentez-vous à nos lecteurs !
Sadya Touré : Je me nomme Sadya Touré, jeune écrivaine, auteure du Livre “Etre une femme ambitieuse au Mali”. Je suis journaliste de formation et bloggeuse.
De quoi parle votre ouvrage ?
Le livre parle d’un certain nombre de thématiques, à savoir l’excision, la déscolarisation des jeunes filles qui résulte souvent du mariage précoce imposé par les parents, les violences conjugales subies par les femmes. Le livre évoque également certains aspects de la culture qui étouffent la fille dès l’enfance et sans qu’elle ne puisse savoir les ambitions ancrées au fond d’elle-même. Historiquement, je fais appel à quelques cultures glorieuses de l’Afrique bien avant l’arrivée des religions monothéistes et des colons. Des actes de réussite et de bravoure posés par les femmes par le passé pour que ces combats féministes et ces revendications ne soient pas vus sous d’autres angles.
Le livre aborde aussi des cultures, l’épanouissement personnel de la jeune fille. La société nous a montrées, à nous jeunes filles, dès l’enfance, que c’est soit le mariage soit la poursuite des ambitions au lieu de nous apprendre à combiner les deux. Je parle surtout des ambitions de femmes. Des ambitions que je ne délimite pas car elles sont diverses. Par exemple, le livre raconte l’histoire d’une héroïne qui veut devenir la secrétaire générale de l’Onu. Mais toutes les ambitions féminines se limitent à cela ? Non ! Il y a aussi des femmes rurales qui n’ont pas eu la chance d’avoir le même niveau de formation que nous, mais qui se battent chaque jour pour être indépendantes.
Quelles sont les raisons qui vous ont motivée à écrire ce livre ?
Ce livre est d’abord né de la volonté de capitaliser les expériences, les acquis et aussi de partager la lutte que je mène depuis plusieurs années au niveau des associations et des organisations de jeunes. Vous savez, aujourd’hui, nous prenons beaucoup d’argent avec les ONGs pour faire des projets, mais est-ce qu’on arrive vraiment à réaliser concrètement ces projets avec impacts ? Est-ce qu’on ne réalise pas ces projets seulement pour aller présenter quelque chose au partenaire peu importe que le projet soit bien réalisé ou pas ? Ce que je veux dire par là, c’est que les femmes ne doivent pas seulement se contenter de rendre des chiffres et se contenter de peu, elles doivent aussi laisser paraitre leurs ambitions dans ces projets-là, à travers des actes concrets qui auront vraiment des impacts positifs sur leur vie.
Etant une femme de lettres, j’essaye à travers ce livre d’apporter ma contribution à l’émancipation des femmes généralement butées aux traditions arbitraires et injustes de notre société.
Quels sont, selon vous les obstacles auxquels les femmes ambitieuses sont confrontées au Mali ?
Dans mon livre je parle de cette femme qui veut évoluer dans les organisations internationales comme l’Onu par exemple, mais les femmes qui souffrent le plus aujourd’hui, ce sont les femmes entrepreneuses car elles sont généralement empêchées d’aller au bout de leur rêve. Elles se voient toujours imposer des limites par la société. Dans ce livre, j’aborde beaucoup de difficultés que rencontrent les femmes ambitieuses. Dans le domaine de l’entreprenariat, on refuse de donner certains marchés aux femmes parce que tout simplement ce sont des femmes, mais pas parce qu’elles ne sont pas à la hauteur. Et souvent quand une femme présente un projet ou un produit on ne voit plus ce qu’elle sait faire, mais on pense tout simplement à la draguer au lieu de l’aider volontairement dans ses démarches. Il y a toujours des difficultés, mais il faut les transformer souvent en opportunités.
Quels conseils avez-vous pour ces femmes ambitieuses pour la réalisation de leurs rêves ?
Je conseille à mes mamans et sœurs de ne jamais se laisser rattraper par l’idée qu’être une femme d’ambition est contraire aux valeurs humaines. Je leur dit qu’elles doivent toujours se battre pour ce qu’elles veulent et de ne rien attendre de personne. Les femmes ne doivent pas se laisser instrumentaliser. Qu’elles sachent qu’elles peuvent changer des choses s’elles le veulent.
Quel est votre dernier mot ?
J’aimerais qu’on ne voie pas en mon livre un dénigrement des hommes, mais plutôt un appel à l’action entre les hommes et les femmes pour un développement durable du Mali.
Réalisé par Youssouf KONE
Source: La Sirène