A y regarder de près, l’année qui s’achève n’a pas été aussi rose qu’on ne le pense. Elle a été sanglante au Mali même si le pays a retrouvé un simulacre de paix.
Le trophée de Amadou et Mariam aux « victoires de la musique » en France fut un brin d’espoir pour le peuple et les amis du Mali. Ils ont tous cru en ces lendemains de paix où enfants du nord et du sud marcheraient encore ensemble, où bérets verts et bérets rouges échangeraient leur blason dans la fraternité, où Kidal serait aussi accessible que Kayes, où le Premier Ministre pourrait atterrir sur chaque parcelle du territoire sans crainte, où les histoires des narco trafiquants seraient une légende. Vue de l’esprit ou idéal de citoyen catastrophé par les intentions sordides des djihadiste ? En tous cas, Moktar Bel Moktar, donné pour mort, s’est ressuscité en décembre 2013. Ses dernières sorties dans l’enfer de Kidal ont emporté des soldats sénégalais, blessé des militaires maliens et français et traumatisé les civils dont notamment des banquiers surpris par la violence des attentats. C’est l’avènement du « Malistan » avec des barbus décidés à faire du Mali un Afghanistan bis. Le lâche attentat ayant coûté la vie à Ghislaine DUPONT et à Claude VERLON de RFI au lendemain de la célébration de la fête des morts en furent les signes annonciateurs. De tels actes ont tempéré l’ardeur des fonctionnaires candidats au retour dans le nord. Ces fonctionnaires déplacés se demandent à quelle sauce ils seront mangés une fois sur place d’autant qu’il est difficile de mettre un visage sur les personnes traquées.
Cette traque menée au nord contre les djihadiste a également lieu dans le sud suite à l’élection de Ibrahim Boubacar KEITA à la présidence de la République. Avec plus de 77 % des suffrages exprimés, il jouit d’une légitimité et d’une légalité confortables. Son adversaire du second tour, Soumaila CISSE fit preuve de grandeur en le félicitant avant le coup de sifflet du juge électoral. Ce geste, salué par tous, suit celui d’un Dioncounda TRAORE qui a mené de main de maître la transition politique. Il s’est mis au dessus de la mêlée et a pris le soin de déblayer le terrain à son successeur en nommant au grade de Général le capitaine putschiste Amadou SANOGO. Une façon d’endormir le poisson ou une grâce présidentielle voilée ? Ibrahim Boubacar KEITA qui a choisi un banquier pour diriger son gouvernement a semblé oublier le putschiste en chef le temps d’un périple dans les chancelleries occidentales et d’une redynamisation de la diplomatie du bon voisinage.
Le Président élu profitera d’une mutinerie de militaires de la garnison de Kati et d’attentats meurtriers à Kidal pour procéder à des nominations à la tête de la police, de la gendarmerie et de l’armée. Naturellement, les promus n’ont pas hésité à marquer leur territoire. « Monsieur SANOGO » sera arrêté ainsi que ses lieutenants d’autrefois. Des magistrats épinglés pour corruption présumée quitteront le temple de Thémis pour les maisons d’arrêt. Fin de l’impunité ou règlement de comptes ? Des charniers sont dévoilés à Diago dans la banlieue bamakoise ainsi qu’en pleine capitale, au cimetière de Hamdallaye, pour prouver à l’opinion publique la bonne foi des autorités. Tel le juge américain Kenneth STAR dans l’affaire Monica Lewinsky, les Maliens découvrent le teigneux juge Yaya KAREMBE tombeur de SANOGO. Jusqu’où ira-t-il ? Le maire de Bamako le fuirait comme la peste. Candidat à la députation, Adama SANGARE, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a lamentablement échoué dans sa commune à l’opposé de Karim KEITA fils de qui vous savez. Malgré les critiques et commentaires contre sa candidature, il a composté son ticket au même titre que Soumaila CISSE et Aichatou CISSE candidats malheureux à la présidentielle. Ces derniers ont eu plus de chance que Mountaga TALL et Dramane DEMBELE recalés et obligés de regarder impuissants le RPM du président KEITA rafler l’essentiel des sièges du parlement.
Ce parlement consacre le retour du Mali dans le concert des nations démocratiques et le président Obama n’a pas raté cette occasion pour octroyer le visa AGOA au Mali. Il revient aux parlementaires d’œuvrer pour la réconciliation des fils de ce pays autrefois havre de paix. Dans cette optique, la réconciliation au Palais de la république entre bérets rouges et bérets verts est salutaire. La balle est dans le camp du président burkinabé Blaise COMPAORE et de Tiébilé DRAME représentant de l’Etat malien lors des accords arrachés de OUAGA pour poursuivre le travail entamé afin de faire comprendre aux groupes sécessionnistes que la seule issue possible dans cette crise reste la voie de la négociation et non la voix des armes.
Cette voie des armes a déjà fait trop de victimes. Le Tchad venu aidé un pays ami a perdu dans les Ifoghas une quarantaine d’hommes suscitant l’émoi partout. La France qui a ouvert les hostilités a perdu aux premières heures de l’opération SERVAL le chef de bataillon DAMIEN BOITEUX. Deux autres militaires français perdront leur vie dans cette intervention décidée par François HOLLANDE qui fut triomphalement accueilli à Tombouctou et à Bamako. La capitale malienne n’oubliera ni l’arrestation du journaliste Bakary DAOU ni la fermeture momentanée des écoles en janvier 2013 suite à l’attaque meurtrière de Konan qui a détruit des positions avancées de l’armée. Bamako rangera vite dans les méandres de la mémoire l’année qui s’écoule avec la grève des chauffeurs de transport en commun. Malgré la crise, ils ont réussi à tordre le bras au pouvoir pour une augmentation du ticket de transport. Triste année 2013. Elle a même obligé le Malien à ne pas danser le dernier album de Salif KEITA avec ses sonorités jazzy et ses fusions.