Spécial 100 jours sur un rapt inédit qui continue de hanter l’opinion nationale, la diaspora malienne et, au-delà, la communauté internationale. Voilà ce que la Rédaction du Journal Bamako-News (JBN) s’est proposée d’analyser et de décrypter au contact des premiers acteurs.
En effet, le mercredi 25 mars 2020, il est 15 heures, lorsqu’un communiqué laconique de l’Union pour la république et la démocatie (URD) informe que son président, l’honorable Soumaïla Cissé et sa délégation sont « portés disparus ».
« Ils quittaient Saraféré pour se rendre à Koumaira. Ni le président Soumaila Cissé, ni aucun membre de sa délégation ne sont joignables sur leurs téléphones. Nous suivons avec attention l’évolution de la situation », précisait le communiqué.
Dans la soirée, le gouvernement malien, à travers la télévision nationale, diffuse un communiqué pour informer l’opinion nationale et internationale de la disparition de Soumaïla Cissé et de sa délégation, en pleine campagne pour le premier tour des législatives du 29 mars 2020. Le gouvernement y a réaffirmé son soutien au leader de l’opposition et affirmé tout mettre en œuvre pour sa libération sans condition.
Spirale de fake news
Le lendemain, le plus vieux media du monde, la rumeur envahit les réseaux sociaux. Tantôt vantant la bravoure du garde du corps de Soumaïla Cissé, décédé au cours du rapt. Tantôt, persistant sur la libération des otages. Ce qui vaudrait au parti du chef de file de l’opposition de publier un communiqué de démenti formel : « L’URD rappelle à l’opinion nationale et internationale que contrairement aux informations qui circulent sur les réseaux sociaux, l’honorable Soumaïla Cissé et sa délégation n’ont pas encore été retrouvés».
La spirale de fake news continuera durant plusieurs jours, à la faveur notamment de la libération graduelle des autres membres de la délégation. Obligeant les partisans du leader politique à engager une chasse permanente à l’intox, grâce aux points de presse réguliers sur la situation.
Qu’est-ce qui s’est passé le 25 mars ?
« On est partis de Saraféré aux alentours de 15 heures avec 2 véhicules. La voiture de Soumaïla Cissé était en tête. A 5 km de Koumaira, on a entendu des coups de feu venant de devant contre le véhicule de Soumaïla Cissé », relate dans les colonnes du Journal Point Afrique, un rescapé membre de la délégation.
« En quelques secondes, nous avons été entourés par de nombreux combattants armés. Ils tiraient vers le haut, des tirs de sommation, et d’autres tiraient sur les véhicules, en criant ‘’Allahou Akbar, Allahou Akbar’’…Ils ont ouvert les voitures et nous ont dit de sortir et de nous allonger par terre. On a eu trois blessés, dont le garde du corps, qui est décédé. Soumaïla Cissé a été blessé à la main par des éclats de vitre », témoigne l’ancien otage, qui a été libéré une semaine après l’enlèvement.
Le convoi sera ensuite séparé en deux groupes, conduit à moto, vers une destination inconnue.
Le témoignage d’un autre rescapé qui s’est confié sous le couvert de l’anonymat au journal malien Lejalon.com corrobore les faits décrits.
Cet autre rescapé rapporte par ailleurs : « Ce n’était pas la katiba du Macina (les auteurs du rapt), car quand, ils se sont présentés à nous, ils ont dit : C’est Al-qaida ».
Mais, il reste que la zone de l’enlèvement est connue pour être un terrain d’opération des groupes affiliés au chef de la katiba Macina, Hamadoun Kouffa, qui aurait fait une partie de sa formation coranique dans la région, selon plusieurs sources.
Qu’est-ce qui a prévalu à la libération des autres otages ?
Dans les médias, beaucoup croient à des échanges de prisonniers ou encore au paiement de rançon. Ce que la cellule de crise de l’URD réfute catégoriquement.
Tout comme le récit du rescapé qui a accordé un long témoignage au journal français, Point Afrique. « Je n’ai vu, en tout cas, personne venir au camp pour négocier pour nous. Nous croyons que ce sont les djihadistes qui ont décidé de nous libérer », a-t-il confié, espérant un sort identique pour Soumaïla Cissé. « Les djihadistes ont dit qu’ils vont libérer Soumaila Cissé », martèle-t-il avec insistance.
Mais, 100 jours après, le patron de l’opposition malienne est toujours introuvable. Les assurances du président malien Ibrahim Boubacar Kéita, sur son état, ont été reçues avec beaucoup de précautions.
Ses sympathisants et l’ensemble des Maliens espèrent la libération de Soumaïla Cissé sain et sauf. La cellule de crise du Gouvernement, annoncée dans la foulée de l’enlèvement et mise officiellement en route 30 après son enlèvement, est à pied d’œuvre pour donner des gages au peuple malien.
LA RÉDACTION