Initié par les plus hautes autorités de notre pays pour redéfinir les lignes conductrices pour le retour de la paix, de la stabilité et du vivre ensemble au Mali, le dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale dans ses conclusions a recommandé le « respect rigoureux » de l’application de la Loi n°2015-052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. Une « victoire symbolique » pour de nombreuses organisations de défense des droits des femmes qui dénonçaient un déséquilibre en défaveur des femmes dans l’application de cette loi.
Depuis l’avènement de la démocratie au Mali en 1991, l’inclusion, la participation et le leadership des femmes dans la gestion publique restent des défis à relever. Avec les recommandations du Dialogue inter-maliens, les femmes maliennes pourront désormais espérer sur une application effective de la loi 052 du 18 décembre 2015. Si cette recommandation du dialogue inter-maliens est salutaire pour des femmes leaders et des organisations de défense des droits de la femme, d’autres estiment que c’est une manière de rendre justice.
Pour Ramata Diakité, Directrice Exécutive de la Fédération nationale des jeunes filles et femmes pour leur autonomisation, « les femmes ont maintenant les armes nécessaires pour exiger le respect strict de la Loi n° 2015-052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives au Mali ». En même temps, la responsable a rappelé les nombreuses actions que les organisations féminines engagées pour la défense des droits des femmes ont mené en termes de plaidoyers pour le respect de cet instrument juridique des droits humains. C’est pourquoi, selon elle, « avoir cette doléance parmi les recommandations du Dialogue représente beaucoup pour nous les associations féminines ».
Du côté du Comité de pilotage du Dialogue, c’est exclusivement une initiative des participantes et participants qui, vu toute l’importance de la question à leurs yeux, ont décidé de la porter parmi les recommandations a indiqué Mme Djenebou Diarra, membre du Comité de pilotage.
Instituant que la proportion de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30 %, les organisations féminines de défense des droits des femmes attendaient toujours de dispositions contraignantes pour l’application, sans complaisance, de la Loi 052. Si le problème ne se pose pas pour les fonctions électives où la composition de toute liste de candidature exige le respect strict de cette norme, au risque d’être rejetée, ce choix était toujours facultatif au niveau de la nomination pour les fonctions de hautes responsabilités. C’est pourquoi, certaines organisations féminines et de défense des droits des femmes n’ont pas manqué de signaler une « victoire symbolique » même si, de son côté, Mme Doumbia Mama Koïte, présidente de la plate-forme des femmes leaders du Mali estime que ce n’est pas une victoire, mais plutôt une justice qui a été rendue. « Ce n’est pas une victoire, c’est un combat que nous avons mené et je pense que les participants (au dialogue inter-maliens) ont compris partout sur tout le territoire malien que cette loi a sa place et que cette loi doit être respecté ». Pour Mme Doumbia Mama Koïte, on ne peut pas continuer dans un pays de droit, dans une démocratie où on vote des lois et ne pas les appliquer.
La loi 052 n’est pas uniquement pour les femmes
Aux dires de la présidente de la plate-forme des femmes leaders du Mali, Mme Doumbia Mama Koïte, la Loi n° 2015-052 du 18 décembre 2015, n’est pas uniquement une loi pour les femmes, mais plutôt une loi pour les hommes et les femmes. Selon elle, cette disposition qui définit expressément que la proportion de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30 % dans les fonctions nominatives et électives, est « une loi genrée » qui couvre, selon elle, à la fois les hommes et les femmes. Par exemple, pour une liste de trois (03) personnes (hommes ou femmes), l’ensemble ne peut pas être d’un même sexe. Voilà l’interprétation de cette Loi qui est un droit qui n’est pas à négocier, a précisé la présidente de la plate-forme des femmes leaders du Mali. Elle invite toutes les institutions ; les partis politiques et les associations à respecter cette Loi dans toute ses dimensions. Elle considère que la matière ne manque pas à ce sujet. A ses dires, aujourd’hui, il y a suffisamment de femmes bien outillées, bien formées et qui ont les compétences nécessaires pour bien gérer au même titre que les hommes.
Pas 30% mais 30% au minimum !
Les organisations féminines et de défense des droits des femmes ont profité de l’occasion pour préciser que contrairement à certaines interprétations non fondées, cette loi ne fixe pas à 30% l’inclusion et la participation des femmes et hommes aux postes électifs et nominatifs ; plutôt « 30% au minimum » mettent-elles l’accent. Ainsi pour Mme Doumbia Mama Koïte, c’est plus que 30%. « On dit 30% au minimum. Ça veut dire que ce n’est pas 30% ».
Le non-respect de la Loi 052 est bien attaquable devant les juridictions compétentes
Selon Mme Dembélé Aïssata M’Baye, Juge d’instruction au Tribunal de Grande Instance de la Commune IV, toute décision inférieure dans la hiérarchie des normes, notamment, les « décisions et les décrets de nomination qui ne respectent pas cette loi est bien attaquable devant les juridictions compétentes ». Mais faudrait-il, selon elle, que ceux qui l’attaquent, aient bien un intérêt à agir d’où la nécessité, selon elle, pour les femmes de s’organiser en groupements afin d’avoir plus de poids.
Notre Juge d’instruction déplore par ailleurs que les femmes, généralement défavorisées dans l’application de cette Loi, intentent rarement des actions en justice en cas de violations de cette loi. Le cas le plus connu, selon la Juge d’instruction, n’est pas celui d’une femme mais de l’ancien Chef de file de l’opposition, feu Soumaïla Cissé qui, à l’époque, avait attaqué le tout premier décret de l’ancien président IBK après l’adoption de cette loi. Selon elle, si les femmes s’organisent et s’engagent, elles peuvent bien avoir gain de cause dans ce combat, c’est à dire le respect strict de l’application de la Loi 052 à tous les niveaux.
Issa Djiguiba
« Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali et NED ».
Source : LE PAYS